Nanette

Auteurs : Laffichard (Thomas)
Parodie de : Naïs de Cahusac et Rameau
Date: 1749
Source : ms. BnF, fr. 9321
Thomas Laffichard

Nanette


Parodie de Naïs en prose et en vaudevilles


BnF ms. fr. 9321
definitacteur, chœur de poissardes chœurdepoissardes

Acteurs


Nanette, blanchisseuse
Polichinelle, fils d’un fameux marchand de marée déguisé en porteur d’eau
Charlot, ami de Polichinelle
Tourangeau, laquais, amant de Nanette
Poitevin, autre laquais et amant de Nanette
Barnaba, vieux pécheur, père de Nanette
Troupe de bachoteurs
Troupe de poissardes
Le théâtre représente les rives de la Seine.

Nanette


Scène i

Polichinelle, Charlot

polichinelle

Air : Au bord d’un clair ruisseau


Au bord de ce ruisseau
Je cherche ma bergère,
Dans sa course légère
Regardons couler l’eau.
Ainsi passent les jours
Du printemps de mon âge,
Mais, pour en faire usage,
Je les donne aux amours.

Il faut avouer que Nanette, quoique simple blanchisseuse, est une beauté parfaite : ce sont des traits, des yeux, une bouche... ah ! Quelle bouche ! L’as-tu vue ?


charlot

Pas encore, mais vous m’en avez souvent parlé. Je suis surpris, entre nous, que le fils unique d’un gros marchand de marée, bon


bourgeois de Paris, et quasiment marguillion, se soit affolé d’une pauvre blanchisseuse.


polichinelle

Tais-toi, la beauté surpasse tous les rangs.




Air : Jus d’octobre

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Je ne suis plus ce cœur volage,
Aussi léger que les Zéphyrs :
Je trouve dans mon esclavage
Ma gloire ensemble et mes plaisirs.
charlot

Air : De tous les capucins du monde

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Informations sur cet air

Autrefois, empressé de plaire,
Vous fuyiez l’ombre et le mystère,
Sans égards vous étiez amant,
Et vous en faisiez votre affaire ;
Pourquoi, sous ce déguisement,
Cacher une flamme sincère ?
polichinelle

J’en rougis ; mais, que veux-tu ? Je crains,


en me faisant connaître, de déplaire à la souveraine de mon cœur ; et ce n’est encore qu’en tremblant que j’emploie une ruse usée pour découvrir si je suis aimé. Sous cet habit de porteur d’eau, je me flatte que ma bonne mine décidera Nanette en ma faveur... Je l’entends qui vient ici laver son linge ; tu vas être enchanté.


Scène ii

Nanette, Polichinelle, Charlot

nanette, sans paraître

Air : Ils sont chus dans la rivière


La chaleur m’excède.
Pour me rafraîchir
Je sais un remède
Sûr pour me guérir :
Je m’en vais à la rivière,
Laire, lon lan la,
Je m’en vais à la rivière,
Ah ! qu’il fait frais là.
polichinelle

Ah ! Quel gosier ! Qu’elle chante légèrement ! Il faut qu’elle ait appris la musique.


nanette, paraissant

Air : Je ne sais point le rire


Des Cieux j’admire les couleurs,
Ce sont eux qui forment les fleurs,
Quand ils sont sans nuage :
Plaisirs, ris et jeux enchanteurs
Et vous Zéphyrs doux et flatteurs,
Volez sur ce rivage.
Elle se retire.

Scène iii

Polichinelle, Charlot

polichinelle

Tu l’as vue, tu viens de l’entendre, qu’en penses-tu ?


charlot

Ma foi, c’est une jolie fille, qui doit savoir savonner bien proprement.


polichinelle

La première fois que je la vis, elle chantait dans ces beaux lieux : je me présentai, le trouble que ma vue lui causa accru encore l’éclat de sa beauté.


charlot

Cela va sans dire ; une belle qui rougit tient son fard de la nature.


polichinelle

Air : Réveillez-vous, belle endormie

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Informations sur cet air

Elle me fuit, sans me connaître ;
Mais un regard victorieux,
Dans mon cœur aussitôt fait naître
De l’amour les plus tendres feux.
charlot

Mais tête bleu, je me rappelle que je la connais ! Elle est la fille d’un vieux pécheur nommé Barnabas, qui en sait plus d’une nichée et qui dit la bonne aventure tout aussi bien que feu Calchas.


polichinelle

Paix, paix, je la vois qui revient ici, retirons-nous pour faire durer l’acte un peu plus longtemps.


Scène iv

Nanette seule

nanette

Air : Pour voir un peu comment ça f’ra


Tendres oiseaux, éveillez vous,
Chantez au lever de l’aurore ;
D’amour si les transports sont doux,
Votre repos l’est plus encore :
Tendres oiseaux, éveillez vous
Les peines ne sont que pour nous.

Scène v

Tourangeau, Nanette

tourangeau

Belle blanchisseuse de mon cœur, je vole sur vos talons, et c’est l’amour qui me met le feu sous le ventre.


Air :


Oui, je préviens tous mes rivaux,
Je pense à vous, quand tout sommeille
Et c’est pour des tourments nouveaux,
Que l’amour jaloux me réveille.
nanette

Air : Tu croyais, en aimant Colette

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Informations sur cet air

D’amour je connais trop les chaînes
Par vos ennuis, par vos soupirs ;
Vous me faites craindre des peines,
Offrez moi plutôt ses plaisirs.
tourangeau

Je vois bien que vous me méprisez, et c’est Poitevin qui en est cause : je m’en vais ; je ne suis point curieux de chanter avec lui.


nanette

Vous avez raison. Quand vous chanterez les charmes de votre maîtresse, ne les chantez


jamais en chœur avec votre rival, mais tête à tête avec elle.


Scène vi

Polichinelle, Poitevin, Charlot, Nanette

nanette

Air : Toujours va qui danse


D’un très beau ballet figuré,
Je veux éviter la dépense ;
Car, ma foi, tout considéré,
Et tout mis dans une balance,
Cela n’est beau qu’à l’opéra,
Où sainement on pense
La, la, la, la, la, la, la, la,
Ce n’est que là qu’on danse.
polichinelle

Qu’on se retire : j’ai quelque chose à communiquer à la belle Nanette. Obéissez, et ne me forcez pas à vous faire voir de quel bois je me chauffe... Partez... Si je prends mon cordon...


Scène vii

Polichinelle, Nanette

nanette

Ah ! Ne me suivez point.


polichinelle

Laissez-moi donc marcher devant.


nanette

Le Divin Barnabas, ou plutôt mon bonhomme de père, demeure dans ce riant séjour, où il jouit, malgré le poids énorme de ses années, des doux loisirs, d’une paisible vie.


polichinelle

Je sais que c’est un vivant qui en sait long. Du sombre avenir le voile ténébreux devant lui tombe ou se déchire, c’est tout un. La nature et le sort s’amusent en badinant à l’instruire des prodiges secrets qu’il cache même aux dieux qui savent tout.




Air : La ceinture

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Informations sur cet air

Des dehors les plus séducteurs,
On peut se parer sans rien craindre :
Ah ! si l’on lisait dans les cœurs,
Les mortels seraient trop à plaindre.
polichinelle

Qu’aurais-je à craindre de votre cœur et de vos yeux ? L’un et l’autre ne sont pas méchants.


nanette, bas

Ciel ! Qu’entends-je !


polichinelle

Air : Comme un coucou

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L’amour, dont je bravais l’empire,
Enflamme mon cœur pour jamais :
Ah ! Je m’expose à des regrets
Que ma bouche n’ose vous dire.
nanette

Air : Entendez-vous le bruit de armes

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Informations sur cet air

Un hommage ou feint, ou sincère
Est un tribut pour nos appas :
D’un éclat qui ne dure guère,
Les fleurs se sément sur nos pas ;
Tous vos vœux se bornent à plaire,
Vos cœurs volages n’aiment pas.
polichinelle

Ah ! Ma flamme...


nanette

Croyez-moi, quittez ces lieux...


polichinelle

Quoi ! Sans savoir...


nanette

Allez vous-en. Que dirait-on d’une honnête blanchisseuse, si on la voyait jaser familièrement avec un porteur d’eau, dont la bonne mine... adieu.


Scène viii

Nanette seule

nanette

Air : Non, je ne ferai pas

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Informations sur cet air

Dois-je le croire ah ! Dieux... Fuyez tristes alarmes !
D’un poison trop flatteur je veux goûter les charmes.
Je ne le reverrai peut-être de longtemps
Ah ! Mon cœur, ouvrez-vous aux transports que je sens.


Les rapides traits de flamme qui triomphent malgré nous, Amour, sont de fort belles choses.


Scène ix

Tourangeau, Nanette

tourangeau

Je suis jaloux c’est un fait, et ma jalousie doit vous inquiéter.


Air : Menuet d’Hésione

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Informations sur cet air

Voyez moi d’un œil favorable
Des soins plus doux vont m’animer ;
Il faut savoir se rendre aimable
Lorsque l’on veut se faire aimer.
nanette

Air : Menuet de Grandval


La jalousie a des fureurs,
Qui peuvent nous paraître à craindre,
Mais ses tourments et ses erreurs
Sont des maux qu’on ne saurait plaindre.


Croyez-moi, cessez d’être jaloux, vous ferez bien, car je m’aperçois que cela vous enrhume et consultez Barnabas, avec Poitevin et Tourangeau ; l’heureuse le sera.


Scène 10

Barnabas, Nanettes, Tourangeau, Poitevin
barnabas, s’appuyant sur Nanette

Soutenez ma vieillesse ma fille.




Air : Que faites-vous, Marguerite

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La voix des plaisirs m’appelle,
Cessez donc de m’arrêter ;
On ne doit écouter qu’elle,
Eh ! Pourquoi lui résister ?


Je sais expliquer le chant des moineaux ; c’est un beau talent que celui-là. Messieurs vous aimez ma fille Nanette, vous faites bien, elle est faite pour cela, mais, par malheur


pour vous, elle est aimée d’un fort gros monsieur, puisqu’il a plus de moyen qu’il ne lui en faut pour avoir carrosse.


nanette, joyeuse

Ah ! Que dites-vous là, mon père ?


barnabas

De grandes vérités. Petits oiseaux, qui dormez sous ce vert feuillage, éveillez-vous, chantez mélodieusement... Chant d’oiseaux. Dites-nous en langage inintelligible que Nanette est aimée de Polichinelle. Bonsoir.


Il rentre dans le four à chaux.

Scène xi

Nanette, Tourangeau, Poitevin

Trio

Air : Bouchez, Naïades, vos fontaines

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Informations sur cet air

Ici que l’on fasse tapage
Aux armes ; qu’une grande rage
Fasse éclater notre couroux ;
Chantons tous à perte d’haleine,
Et disons : Vengeons, vengeons nous.
Cela fait une belle scène.
\scene[Le théâtre représente une île.] Polichinelleseul
polichinelle

Air : Tu croyais, en aimant Colette

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Informations sur cet air

La Blanchisseuse que j’adore,
Ici se rend au point du jour,
Elle semble embellir l’aurore
Dont elle chante le retour.


Doux moments, hâtez vous de venir, je suis impatient de lui découvrir l’amour que je sens pour elle. Si ma voix était plus brillante, je ferais un plus beau monologue. Mais, parbleu, que je suis aise, sans savoir pourquoi ! Je n’entends point encore sa belle voix. Ah ! Mon cœur me l’annonce ; elle vient, je la vois.


Scène xii

Nanette, Polichinelle

polichinelle

D’où vient, avez-vous le teint si blême ?


nanette

Air : Je suis un précepteur d’amour

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Informations sur cet air

Fuyez, jeune homme malheureux,
Croyez en mes vives alarmes ;
Vos chants ont prophané des jeux ;
On vous menace, on vole aux armes.
polichinelle

Que tous les polissons me déclarent la guerre, je ne crains que votre tiédeur. Vainement le grand turc viendrait ici, armé de son redoutable cimeterre, pour me disputer votre cœur.


nanette

Belle gasconade ! Que pourrez-vous contre des ennemis plus traîtres que courageux ? Partez... éloignez vous, jeune homme, hélas ! Quel fiacre dans ce voisinage, a pu guider vos pas ?


polichinelle

Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]

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Informations sur cet air

Le tendre amour me guide, et la flamme m’éclaire,
Mon cœur attend le prix du retour qu’il espère.
J’aspire au seul bonheur, digne de me charmer,
Nanette, je ne veux enfin que vous aimer.
nanette

Hélas ! Monsieur, les plus douces chaînes coûtent des pleurs et des soupirs ; l’amour n’offre à nos cœurs que de doux moments, mais il est toujours accompagné de chagrins.


chœur, derrière le théâtre

Ah ! Le voilà, le voilà, là !


polichinelle

Que diable signifient ces cris enroués ?


nanette

Eh ! C’est le signal du carnage.


Scène 13

Polichinelle, Nanette, Tourangeau, Poitevin, Charlot
chœur

Air : Ô reguingué, ô lon lan la

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Informations sur cet air

Alarmez-vous, rapides feux,
Que dans les flots impétueux,
Périssent ces audacieux :
Volez, secondez notre rage
Quelle vengeance ! quel outrage !
Ils veulent brûler le bateau de Polichinelle avec des chandelles allumées, alors la rivière s’enfle, et les bachots coulent à fonds.

Scène xiv

Polichinelle, Nanette

polichinelle

Avouez que j’ai bien du bonheur de ce que le machiniste a bien fait.


nanette

La rivière en fureur vient de m’annoncer tous les malheurs ensemble.


polichinelle

Tout cela n’est qu’un jeu.




Air : Réveillez-vous, belle endormie

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Informations sur cet air

Des pleurs que je vous vois répandre
Que mon amour est alarmé !
Donnez-vous cette pitié tendre
Au malheur d’un rival aimé ?
nanette

Allez vous-en, séparons nous pour ne nous voir jamais.


polichinelle

Armez-vous de rigueur, ôtez moi jusqu’au moindre espoir, mais laissez moi la douceur de vous voir.


nanette

Air : Dans un bois solitaire et sombre

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Informations sur cet air

Chaque instant accroît mes alarmes ;
Oubliez mes chétifs attraits :
Que le ciel touché de me larmes
Fasse couler vos jours en paix.
polichinelle

Dieux ! Quel mélange de tendresse, de vigueur et d’effroi !


nanette

Je ne dois plus vous le cacher, craignez Polichinelle, c’est le redoutable fils d’un marchand de marée, un des plus cossus qui soit à Paris.


polichinelle

Vous craignez Polichinelle et c’est lui qui vous aime : pouvez-vous trembler encore ?


nanette

Quoi ! Monsieur, à mon cœur vous pourriez aspirer ?


polichinelle

Brouetteur, avancez et conduisez nous en triomphe dans la maison de mon papa.


nanette, entrant dans la brouette

Ah ! Quel honneur pour moi !


Scène 15

Toutes les Poisardes, Polichinelle et Nanette dans le fonds.
chœur

Air : Mirliton

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Informations sur cet air

Qu’ici le plaisir enchante
Que l’on braille à qui mieux, mieux ;
Lorsque l’amour nous tourmente
Nous cédons à ses doux feux ;
L’âme dans cet endroit joyeux
Est contente
Et nous égalons les dieux.
nanette, polichinelle, ensemble

Air : À la baronne


Que je vous aime !
De l’amour vous avez la voix,
Quels transports, et quel bien suprême
Redisons mille et mille fois
Que je vous aime !
polichinelle
airopera
Une harengère nouvelle
Embellit ce séjour
Sous mille traits riants, que les jeux et l’amour
Sans cesse volent autour d’elle.
nanette

Air : On n’aime point dans nos forêts

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Informations sur cet air

Amours, plaisirs, lancez vos traits
Triomphez des plus dures peines ;
On jouit des plus doux attraits
Dans leur empire et dans leurs chaînes
Vivons toujours amours parfaits,
Que nos nœuds durent à jamais.
chœurdepoissardes
Dansons le nouveau cotillon etc.
Fin

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