Jérôme et Fanchonnette, pastorale de la Grenouillière

Auteurs : Vadé (Jean-Joseph)
Parodie de : Daphnis et Alcimadure de Mondonville et Mondonville
Date: 18 février 1755
Représentation : 18 décembre 1755 Foire Saint-Germain - Opéra-Comique
Source : Paris, Duchesne, 1755
Jean-Joseph Vadé

Jérôme et Fanchonette


Pastorale de la Grenouillère en un acte
Représentée pour la première fois sur le théâtre de l’Opéra-Comique
le 18 février 1755
Oeuvres de M. Vadé, nouvelle édition, t.2, La Haye, Pierre Gosse, 1785

Acteurs


Fanchonnette : Mademoiselle Rosaline
Jérôme, amant de Fanchonnette : Monsieur Paran
Cadet, frère de Fanchonnette : Monsieur de Lisle
La scène est à la Grenouillère, au bord de l’eau.

Jérôme et Fanchonette


Scène i

Jérôme seul

Jérôme

Air : Quand tu battras la retraite


Tout à la bonne franquette,
Je ne sais plas que d’venir,
Du d’puis qu’la bell’ Fanchonnette
M’fait désirer du plaisir.
Pour l’oublier, j’ons beau boire
Ça n’empêche pas qu’l’amour
N’fasse, en son honneur et gloire,
De mon pauvre cœur un four.

Air : Rossignolet du bois


Y amour, qui fait brûler
La fille la plus sage,
Y apprends-moi ton langage,
Apprends-moi t’à parler,
Afin qu’pour l’mariage
Je puissions l’enjôler.

Air : N’avez-vous pas vu l’horloge


Mais pour que c’t amour m’achève,
Ne v’là t’y pas qu’la voici !
M’est avis que l’soleil s’lève
Quand j’vois son minois genti.
All’ pense à ce qu’alle rêve...
Cachons-nous derrière c’t arbre-ci.

Scène ii

Fanchonnette, Jérôme à l’écart

fanchonnette

Air : Ce ruisseau qui dans la plaine


Drès l’matin sous ce feurliage,
Je vians pour prendre le frais.
Des oisiaux le garzouillage
M’y fait r’venir tout exprès.
J’n’avons pas d’goût pour les hommes.
Pourquoi ça, dira queuqu’s uns ?
C’est qu’dans le temps où que j’sommes,
Les trompeux sont bien communs.
On est farm’, tant qu’on z’est libre ;
Ça fait qu’on n’trébuche pas.
L’amour fait pardr’ l’équilibre :
V’là d’où viennent les faux-pas.

Scène iii

Jérôme, Fanchonnette

fanchonnette

Air : Je ne suis pas si diable [que je suis noir]

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Bonjoux, Monsieur Jérôme.
Jérôme
Bonjoux, belle Fanchon.
fanchonnette
Ah ! Mon Dieu ! Vous vl’à comme
Un matineux garçon.
Jérôme
Je ne dors pus, ça m’fêche.
fanchonnette
Pauvre petit mignon !
Quoi ? Qui vous en empêche ?
Jérôme
C’est Curpidon.

Air : Les regards d’Hélène


Avec une flèche,
Qui par l’p’tit bout avait le fil,
Il m’a fait une brèche
Qu’en vaut ben mill’
Depuis c’temps-là j’endure
Un chien d’mal qui redoube encor.
Faut qu’j’ai la vie dure
Pour n’en êtr’ pas mort.

Air : Buvons à nous quatre

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Une marinière,
D’un p’tit air malin,
Pour ahider son dessein,
Comm’ ça, par darrière,
Li poussait la main.

Air : Par un beau jour de Pentecôte


Avec tout ça, ma parsonnière
N’sait pas mon amiquié d’ardeur.
fanchonnette
Oubliez-la, c’est la magnère
D’avoir pus d’bonheur que d’malheur.
Jérôme

Oh ! quand on a vu les attraits d’ses appas, on a beau vouloir l’oublier,


Refrain
Ca n’se peut pas.bis
fanchonnette

Air : Tarare pompon.

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Selon l’goût d’vot’ façon, alle est donc ben gentille ?
Jérôme
Gentille comme un cœur ; alle a les yeux si doux
Qu’drès qu’on la voit, z’on grille
D’être son cher époux.
fanchonnette
Qui c’est donc que c’te fille ?
Jérôme
C’est vous.
fanchonnette

Air : Qui veut savoir l’histoire


Ah ! Vous gouayez, Monsieur Jérôme,
Je n’suis pas bell’.
Jérôme
Si fait, foi d’honnête homme.
T’nez, la Beauté et ma Fanchon
Sont taillées sur le mêm’ patron.

Air : L’amour est un chien de vaurien


L’Amour, pour me rendre amoureux
N’a besoin que de vos deux yeux.
Oui, pour ma Fanchonnette,
Il met les fers au feu ;
Rendez-li c’qu’il vous prête
En me donnant beau jeu.
fanchonnette

Air : Gardez vos moutons

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Croyez-moi, Monsieur, ôtez-vous
Tous mes appâts de la tête.
L’amour a toujours d’l’aigre doux ;
Et pour que ça s’arrête,
Pêchez du goujon
Lirette, liron,
Liron, liron, lirette.
Jérôme

Air : Le Curé monte en chaire


Mais y’a deux ans que j’vous aim’ ben,
Et si j’vous aime encore.
fanchonnette, le raillant
Si ya deux ans que vous m’aimez,
Hé ben, t’nez, Monsieur, entre nous,
Ça fait vingt-quat’ mois ben comptés.
Jérôme

Air : C’est dans la rue d’la Mortellerie


Vous s’moquez d’moi, Mamsell’ Fanchon.
Pargué, j’avons ben du guignon.
fanchonnette
Aimez plutôt queuqu’autr’ tendron.
Jérôme
Queu réponse ! J’endève :
Vous voulez donc que j’crève ?
fanchonnette

Air : Sti-là m’a pincé Berg-op-zoom


Faut-il vous l’dire encore un coup ?
Monsieu, vous m’obstinez beaucoup.
On n’gagne rien par violicence.
Jérôme
J’m’absente donc de vot’ présence.
Il sort.
fanchonnette

Air : Cantique de Saint-Hubert


Vrament, de c’t amour-là,
J’nous serions ben passée.

Scène iv

Fanchonnette, Cadet

cadet
Eh ! ma p’tit’ sœur, te v’là !
Tu m’sembe embarrassée.
fanchonnette
Je suis fort zen colère.
cadet
Y à cause de pourquoi ?
fanchonnette
C’est qu’Jérôm’, mon cher frère
Est z’amoureux de moi.
cadet

Air : En mistico


Tiens, j’te conseille de le prendre,
En mistico, en dardillon, en dar,
En dar, dar, dar, dar, dar,
S’il t’épousait, on verrait pendre
Clavier d’argent à ton
Mistisicoté,
Côté.
fanchonnette

Air : Va, va, Manon, l’y a bien des nouvelles


Quoi donc ! Cadet, est-ce que tu veux qu’il m’enjôle ?
cadet
Mais gn’a pas d’mal à recharcher son bien ;
Tu n’es pas vieille, et Jérôme est un drôle
Qu’est jeune assez pour ne t’épargner rien.
fanchonnette
Je le veux de toute mon âme Les Insulaires
Ah ! J’aimons mieux, foi d’honnêt’ fille,
Le ragoût de la libarté
Que d’avoir de la famille :
Car en verté d’Guieu, ça vous abat votre gaieté.
Toujours sautant,
Toujours chantant,
Fillette trouve en tous temps
Le printemps ;
Mais dans l’mariage, femme qui brille,
Brille toujours à ses dépends.
cadet

Air : Si t’en magnes


Tiens, ma pauvr’ sœur, tu n’as pas de raison
De rencarter un si bon luron.
fanchonnette
Crois-tu donc pas que j’vas lâcher mon cœur,
Et qu’tout brandi il va t’êtr’ mon vainqueur ?
cadet
Tiens, moi j’te l’dis, j’vois bien que ça viendra.
fanchonnette
Ah ! S’il en tâte, s’il en goûte, s’il en a !
cadet
S’il t’aimait ben, faudrait passer par là.
fanchonnette

Air : Recevez donc ce beau bouquet


Lui, m’aimer ! Je n’donn’ pas là-d’dans.
cadet
Et sarpejeu, fais-en l’épreuve,
Ou ben moi, tiens, par queuqu’odans,
D’son amiquié j’aurons la preuve.
En façon d’rival je l’attends.
fanchonnette
Ca n’me f’ra pas mordre à la grappe.
cadet
Mais s’il m’jurait...
fanchonnette
Bon ! Les serments
Des amants,
C’est d’la graine d’attrape.
cadet

Air : Sti-là qu’a pincé Berg-op-zoom


Viens-t’en, Jérôme n’sait pas mon nom,
Pour le startagème, ça s’ra bon.
À l’hameçon si je l’vois mordre,
J’li baill’rons du fil à retordre.
Ils sortent.

Scène v

Jérôme seul

Jérôme

Air : La jeune beauté de nos bois


Mais d’mandez-moi pourquoi qu’je r’viens ?
Car je n’peux pus me traîner presque.
Hormis d’aimer, j’n’ons l’cœur à rien.
Voyez pourtant c’que c’est que l’sesque !
Faudra-t’y donc que je succombe,
Moi qu’étais fort comme un Samson ?
Si j’veux pêcher, c’est que l’bras m’tumbe,
Je n’vois qu’l’amour au lieu d’poisson.

Scène vi

Jérôme, Cadet déguisé en Grassin

cadet

Air : En passant sur le Pont-Neuf


Eh ! Vivant, quoi qu’tu fais là ?
Jérôme
Queuqu’ça t’fait ?
cadet
Queu drôle ça ?
Pour répondre de la sorte,
Faut z’être ben incivil.
M’connais-tu ?
Jérôme
Non, l’Diabl’ m’emporte.
cadet
J’suis brave.
Jérôme
Eh ! ben, qu’en est-il ?
cadet

Air : Tredame, Monsieur Thomas


J’m’appell’ Cadet l’obstiné.
Jérôme
Bon ! moi, j’m’appell’ Taquin l’aîné.
Tiens, n’échauffe point z’un luron
À qui l’amour fiche guignon.
cadet
Eh ben, voyons, conte-nous ça.
Ca t’soulag’ra.
Jérôme
V’là c’qui s’appell’ ben penser.
Quand on aime, on n’peut se r’fuser,
Y a l’avantage d’en jaser.

Air : Babet, que t’es gentille

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Premièrement, d’abord,
C’tella, pour qui j’soupire,
C’est une parle d’or.
cadet
Parle d’or ! C’est tout dire.
C’te parle ?
Jérôme
Morgué,
M’fait sécher sur pied.
cadet
Qu’eu fin dénicheux d’marles !
Tiens, faut la brusquer sans façon.
Jérôme
La douceur amorce un tendron.
cadet
Eh ! Mais ici tu restes donc
Pour enfiler des parles !bis
Jérôme

Air : Va, va, Fanchon, ne pleure pas


C’pendant, pourtant, ça m’fait souffrir.
cadet
Eh ! sarpejeu, pour te guérir,
Faut z’aller d’Paris à Pontoise,
D’Pontoise r’venir à Paris.
L’amour ne nous charche plus noise
Quand on li fait voir du pays.
Jérôme

Air : Vous faites les jours de fête


Eh ! quand j’courrais comme un basque,
L’dieu d’amour court aussi ben.
Tout c’qu’on fait contre c’p’tit masque
Ne sart de rien.
L’autre jour, croyant qui m’quitt’rait,
J’enfoncis cheux un cabaret.
N’v’là-t’i pas que l’p’tit sorcier
Entre jusqu’dans mon d’misquier ?
cadet

Air : Ah ! ça, v’là qu’est donc bâclé


Eh ! ben, au bruit du canon,
Y gn’a pas d’amour qui tienne.
As-tu jamais vu ça ?
Jérôme
Non.
cadet
Hé ! ben, faut que l’désir t’en vienne ;
Mais pour faire un bon seuldar,
Faut mett’ ta tendress’ au rencart.bis

Air : C’est la femme à tretous

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Oh ! dam’ ! c’est qu’une armée
Est une bell’ chose entre nous.
Quand all’ est animée,
C’est pire qu’un courroux.
On attaque tertin,
On les saboul’ terti,
On les fait fuir tertous.

Air : La Tourière


Le roi vous marche en avant,
Comm’ s’il allait à queuqu’fête.
Toute l’armée en fait autant,
Et puis tout d’suite on entend
Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan,
Sur les bras et sur la tête,
Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan.

Air : Contredanse du ballet chinois


Tout en culbutant,
Tout en culbutant
Les ennemis pêle
Mêle,
Les uns en pestant,
Les autres boîtant
Ne s’en vont pas trop contents.

Air : Chantons à tour de bras


Et tout en ch’min faisant,
Pour les rachever d’peindre,
Une ville a beau feindre
De s’défendre ch’nument,
Le seigneur de Versailles
Y entre pour s’amuser.
Nous y donnant ripailles,
Fait servir ses murailles
De pierre à raiguiser.
Jérôme

Air : Monsieur de Catinat

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Si j’n’ons pas servi l’roi, je n’l’en aimons pas moins.
Tout Français a pour lui des bras en cas d’besoin.
Il a d’quoi vivre, on l’sait ; mais s’il n’avait pas d’bien,
Morgué, je m’pass’rais d’tout, pour qu’i’ n’manquît de rien.
cadet

Air : Adieu donc, cher la Tulipe

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C’est ben dit.
Jérôme
Sus c’te matière,
Y aurait de quoi n’jamais finir.
cadet
C’est vrai.
Jérôme
Mais pour revenir
À c’qui r’garde not’ affaire,
À ton tour, quoi qu’tu viens faire ?
cadet
Me marier,
Afin d’m’égayer.
Jérôme

Air : On dit que vous aimez les fleurs

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Ta maîtresse...
cadet
M’donn’ du r’tour ;
Et pour plaire à la belle,
Je fais la tour,
Je fais la tour,
Je fais la tourterelle.

Air : Sont les enfants du port au Bled


Fanchonnette a mon amiquié.
Jérôme, à part
Oh ! Saquerguié !
Haut.
Dans c’t’allure, est-elle d’moiquié ?
cadet
Vante-t’en, luron, lurette,
Flatte-t’en, luron, luré.

Air : Va, va, Fanchon, j’irons en salle


On m’a dit qu’certain fareau l’aime ;
J’voudrais ben l’trouver, par ma foi.
Jérôme
Oh ! tiens, n’charch’ pas tant : c’est moi-même.
cadet
Toi ?
Jérôme
Moi.
cadet
Toi ?
Jérôme
Moi.
cadet
Qui toi ?
Jérôme
Oui moi.
cadet, tirant son sabre recourbé

Air : Aisément cela se peut croire


Sais-tu que je suis t’un ch’napan
Qui va te mettre l’âme au vent ?
Jérôme
Y aisément cela n’peut pas s’croire.
Quand ton sabre aurait l’fil comme un canon,
Je m’f’rais hacher pour ma Fanchon.

Crois-moi, vaillant l’Cadet, rengaine ton arc-en-ciel de fer et ne me fais pas ôter ma veste, car moi j’te l’dis d’un sang chaud...


J’veux t’être un chien,
À coups d’pied, à coups d’poing,
J’te cass’rai la gueule et la mâchoire.

Scène vii

Cadet, Jérôme, Fanchonnette

fanchonnette, arrivant avec effroi
Mariez-moi, maman, avec ce militaire Marche ancienne des Gardes françaises
Y au s’cours, y au s’cours, y au s’cours !
Jérôme
Quoi donc, bell’ Fanchonnette ?
fanchonnette
Y au s’cours, y au s’cours, y au s’cours !
Jérôme
Quoi qu’i’ gn’a, mes amours ?
fanchonnette
Un gros vilain sarpent
Me suit ; t’nez, v’là qui m’guette.
Jérôme, prenant le sabre de Cadet
Tiens, prête-moi ça, prête,
J’m’en vas dans l’moment
Lui parler chenument.
Cadet, voyant le serpent, fuit et Jérôme court pour le tuer.

Scène viii

Fanchonnette

fanchonnette
D’une brune j’ai fait le choix Cantique de Saint-Louis
S’il est mordu par c’t animal,
Ca l’f’ra mourir... Ah ! Mon Dieu ! Je m’trouv’ mal.
Oui, tout douc’ment, mon cœur décampe
Tout comm’ la finition d’un’ lampe.
Elle s’évanouit.

Scène ix

Jérôme, Fanchonnette évanouie

Jérôme

Air : De nécessité nécessitante


D’tous côtés me v’là donc misérable !
Et je tumbe de scribe en syllabe.
Oui, morgué, j’vois ben, sans mistrocope,
Que v’là ma maîtresse en saintecope.

Air : Manon Giroux


Mais pourtant comme un Jocrisse,
Je n’dois pas m’tenir ;
Si j’li faisais queuqu’malice
Pour la fair’ r’venir...
Mais non, j’suis trop z’honnête homme
Pour agir comm’ ça...
Il tire de sa poche une petite bouteille d’osier.
Baillons-li z’un peu d’rogomme,
P’têtre qu’all’ reviendra.
Il la fait boire.

Air : Eh ! Riez donc !


Y ouvrez l’z’yeux, ma Fanchon,
L’sarpent n’est pus de c’monde.
Il redouble.
J’l’avons j’té par tronçon
Dans la rivièr’ de l’onde :
Eh ! R’venez, r’venez donc,
C’est Jérôm’ qui vous s’gonde.
Il la fait boire encore.
Eh ! R’venez, r’venez donc.
fanchonnette, se léchant les lèvres
Mais ça m’semb’ ben bon !

Air : Un soir que je chantions


Monsieur, en vous r’marciant ;
J’vous dois beaucoup, vrament.
Jérôme
Si vous m’devez,
Payez-moi, vous l’pouvez
En m’aimant drès ce jour.
fanchonnette
J’suis fort erconnaissante :
Mais pour d’l’amour,
J’suis vot’ très humb’ servante.
Jérôme

Air : Mon p’tit cœur, vous n’m’aimez guère


Après ce que j’avons fait,
Sans reproche, et pour vous plaire.
fanchonnette
J’vous plaint.
Jérôme
Encore un paquet !
T’nez, je n’vis plus, si j’n’espère,
Et je m’en vas de ce pas.
fanchonnette
Eh ! Quoi donc ? Qu’allez-vous faire ?
Jérôme
M’arranger aveuc l’trépas.
fanchonnette
Jérôm’ n’badinez pas.

Air : Car c’est comm’ ci


Ce que vous avez fait pour moi,
Tout un chacun l’saura, j’vous assure.
Ben obligée...
Jérôme
Oh ! gna pas d’quoi.
fanchonnette
Mais t’nez, n’pensez plus t’a ma figure :
Car c’est comm’ ci, car c’est comm’ ça,
Entendez-vous Jérôme ?
Qu’on fait lanla, farlarira,
Connaître qu’on est z’homme.
Jérôme

Air : Et j’y pris bien du plaisir

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Et moi, j’vous dit qu’on est z’homme
Qu’en pensant à vos appâts.
Car moi, t’nez, sans ça, j’s’rais comme
Un homme qui ne l’est pas.
Au bout d’tout ça, quoiqu’j’enrage,
J’n’ai pas t’à m’plaindre d’l’amour
Puisque j’li dois l’avantage
De vous avoir sauvé l’jour.
fanchonnette

Air : Ah ! mon mal ne vient que d’aimer

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Y ah ! Vot’ bravour’, brav’ marinier
Est une chos’ qu’on n’peut z’oublier,
Y allez dir’ ça.
Jérôme
Qui ? Moi ?
fanchonnette
Je l’veux.
Jérôme
Quoique c’t ordr’-là m’rachève,
En l’suivant je m’crois plus heureux
Qu’ si j’étais l’roi d’la fève.

Scène x

Fanchonnette seule

fanchonnette

Air : À notre bonheur, l’amour perfide


Y amour, tu voudrais que j’t’écoutisse ;
Oui, j’sens ben déjà qu’tu t’fais sentir.
C’que j’en dis, c’n’est pas que j’m’en soucisse,
Car cheux toi la pein’ passe l’plaisir.
Dans l’abord, c’qu’un amant vient vous dire
N’sart qu’à vous fair’ rire,
Et c’est ben l’meyeur.
Par après, il a l’himeur si douce,
Qu’à la fin ça l’pousse
Dans l’fin fond d’not’ cœur.

Scène xi

Fanchonnette, Cadet

cadet

Air : Ca n’se fait pas


Eh ! ben, sœur, comment ça va-t’il ?
fanchonnette
Ben, Dieu marci.
cadet
Ça, voyons, à quand la noce ?
C’jour-là, comm’ des bourgeois, jarni,
Faudra t’aller t’en carrosse.
fanchonnette
T’iras donc à pieds en c’cas-là.
cadet
J’danse déjà,
J’danse déjà.

Air : Contredanse du Curé


Y après l’pass’pied, l’all’mande,
L’cotillon s’demande.
Il figure ceci grotesquement.
Banlancez, la, la, la, la, la,
L’pas d’gricorton, tla, tre, la, tra, la,
Et puis, de bonn’ grâce,
Le violon dit comm’ ça : baisez, baisez. Que gaud !
Ensuit’ tout l’mond’ s’embrasse.
fanchonnette

Air : Je n’en dirai pas davantage


Oh ! tiens, d’tout ça t’as beau parler.
cadet
Mais, mil’ z’yeux, tu n’peux pus r’culer.
fanchonnette
J’te dis, Cadet, que c’est enutile ;
J’aim’ mieux rester dans mon tranquille.
cadet

Air : Ca n’vous va brin


Quoi donc qu’i t’faut pour l’mariage ?
Jérôme n’est-i pas courageux ?
Ca f’rait un bon assortissage.
Sais-tu ben qu’il est maîtr’-pêcheux ?
Son onque est commis d’la Patache :
Dam’, ça fait un’ famill’ sans tache.
fanchonnette
Oh ! Mais j’crains trop l’amour.
cadet
Tu l’crains,
Mais ça n’te va brin,
Ca n’te va brin.

Air : Tourelouribo

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Quand l’amour [est] en colère...
fanchonnette, avec dérision
Oh ! Oh ! Tourelouribo.
cadet
Il met tout sans d’vant darrière.
fanchonnette
Oh ! Oh ! Tourelouribo.
cadet
Il renverse la plus fière.
fanchonnette
Et oh ! Oh ! Oh ! Oh ! Tourelouribo.
cadet

Air : Sainte Barnabé


Avec ton air, t’as beau fair’ la gouailleuse ;
P’têtr’ que bientôt tu seras t’amoureuse.
fanchonnette
Va, va, Cadet, tant qu’on z’a d’la raison,
Une fille tient tête à Curpidon.
cadet

Air : Te voilà revenu, mon ami la Feuillade


Gare le pot au noir.
V’là Jérôme qu’arrive.
Ah ! ça, jusqu’au revoir !
fanchonnette
Reste là.
cadet
Non, j’m’esquive.
fanchonnette
Si tu me laiss’ tout’ seule,
Je ne réponds pus d’moi.
cadet, sortant
Tu fais trop la bégueule,
Parguienn’, accomod’-toi.

Scène xii

Jérôme, Fanchonnette

fanchonnette

Air : Hélas ! tu t’en vas


Cadet ! tu t’en vas !
Jérôme
Quoi ? Vous ap’lez Cadet ?
fanchonnette
I’m’laiss’-là dans d’beaux draps.
Cadet ! tu t’en vas !
Jérôme
Eh ! Mais n’l’app’lez donc pas.

Air : Étant à l’hôpital


C’est moi qui suis l’suspect.
Aussi, sus vot’ respect,
J’v’nons prendr’ congé d’la vie.
fanchonnette
Vot’ bon sens est donc rabêti ?
Quand on s’porte ben, ça convient-i
D’avoir c’te fantaisie ?
Jérôme

Air : Hélas ! mon Père, confessez-moi


Quand on fait l’grand voyage,
Ça n’fait d’mal qu’un p’tit brin,
Et dans c’moment-ci j’gage
Qu’ça n’me f’rait pas d’chagrin.
Je n’peux pus vivre avec d’l’amour
Qui m’fait mourir cent fois par jour.
fanchonnette, à part

Air : Fanchon est bien malade


V’là-t’i pas qui va plaire ?
J’voudrais qu’i m’déplaisit.
Jérôme
Mais vous n’m’écoutez guère :
Ça suffit.
Adieu, bell’ marignière,
Tout est dit.
fanchonnette

Air : Vous avez raison, la Plante

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N’vous en allez pas ! Queu magnière !
Vous n’m’aimez donc pas tout d’bon ?
Jérôme
Queu raison !
Menuet

Air : C’est Mademoiselle Manon

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La preuv’ que j’vous aim’ ben, c’est que mon argent’rie,
Mes blouques, mes boutons,
D’abord, j’vous les donnons.
D’s éperviers, des filets,
Deux p’tits bachots peinturés qui n’sont pas laids,
Six vestes de guernat, comm’ gn’en a pas, j’parie,
Une tass’ d’argent,
Dans quoi qu’j’ons bu à vot’ santé souvent,
Tout ça vous s’ra baillé,
Mais que j’soyons dég’lé.
fanchonnette, à part

Air : Reçois dans ton galetas

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Informations sur cet air

Écoutez donc, ça m’fend l’cœur.
Jérôme
Eh ! ben, parlez, j’vous écoute.
fanchonnette
Soyez putôt d’bonne himeur.
Jérôme
La vie n’a pus rien qui m’ragoûte.
fanchonnette
Vivez, marignier libéral...
Cadet ! eh ! Cadet !
Jérôme
Quoi donc ? Vous ap’lez mon rival ?

Air : Ah ! mon Dieu ! que de jolies dames

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Informations sur cet air

Oh ! pour le coup, j’me r’tire.
fanchonnette
Jérôme !
Jérôme
Ah ! je vois tout.
fanchonnette, à part
Ah ! j’n’en peux pus, j’soupire.

Cadet !


Jérôme
Vous m’poussez t’à bout.
Mon rival vous plaît ; ça veut dire
Qu’je n’suis pas d’vot’ goût.
fanchonnette

Air : Il est tout d’travers


Mais vous prenez ça tout d’travers.
Jérôme
Oh ! je l’prends,
Comme j’l’entends.
fanchonnette
Mais vous entendez tout d’travers.
Écoutez.
Jérôme, s’en allant avec dépit
Oh ! j’n’ai pas l’temps.

Scène xiii

Fanchonette seule

fanchonnette

Air : Va, va, perfide, volage


Ah ! Ah !
V’là qu’i m’abandonne.
C’départ-là m’chiffonne :
Queu souleur ça m’donne
Déjà !
Quoi donc ?
Dans l’temps que j’l’écoute,
I’m’fait banquecroute !
J’crois que mon cœur a l’frisson.

Air : Saint-Alexis


Mais, mais, où c’qu’est mon frère ?
Où c’qu’est mon frèr’ Cadet ?

Scène xiv

Fanchonnette, Cadet

fanchonnette

Air : C’est la belle Amarante


Viens donc ! Tu n’te press’ guère...
cadet
J’suis tout sturpéfait.
fanchonnette
Ratourne en errière.
Cours vite !
cadet
Quoi qu’c’est ?
fanchonnette
Cours après Jérôme,
Va, j’ons ben du r’gret.
cadet
Ba ! ton r’gret sert comme
D’un clou à soufflet.

Air : La mort de mon cher père


Voyant qu’i’ n’peut pas t’plaire,
Y mont’ sur son bacheau.
La tête la première,
Paf, y s’jette dans l’iau.
fanchonnette
Quoi ? l’soutien de ma vie
S’ra mangé des poissons !
Ah ! tout mon sang charrie
Car j’y sens des glaçons.
cadet

Air : Zéphire me connaît, je crois


Va ! Laiss’ ça là.
fanchonnette
Est-c’que je l’peux ?
Si l’on n’rapport’ mon amoureux,
J’suis prête, j’suis prête,
Prête à m’arracher tous les ch’veux
D’la tête.

Air : Savez-vous bien, jeune tendron


Mais, mais, j’veux l’voir.
cadet
L’roi dit, j’voulons.
fanchonnette
Ah ! j’ t’en supplie avec prière.
cadet
I’ n’est pus temps.
fanchonnette
Cadet, allons.
cadet
V’là c’que c’est que d’fair’ trop la fière.
Fallait pas li bailler du r’goût.
fanchonnette
Mais, moi j’veux l’voir encor un coup,
Encor un coup,
Encor un coup.
cadet
Va donc l’voir aux filets d’Saint-Cloud.
fanchonnette

Air : En été, comme en hiver


J’ai donc perdu mon amant !
Ah ! queu peine de tourment !
V’là qu’ma dureté d’vient tendre :
À quoi sert c’te tenderté ?
Pour tout d’bon, je n’peux li rendre
C’que mon semblant ya z’ôté.

Air : Tourelouribo

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Informations sur cet air

J’m’en va l’suivre dans c’voyage.
cadet, la raillant
Oh ! Oh ! Tourelouribo.
fanchonnette
Quoi ? chien, tu ris quand j’enrage !
cadet, riant
Oh, oh, tourelouribo.
fanchonnette, furieuse
I’ faut que j’te dévisage.
cadet
Oh, oh, tourelouribo.

Scène xv

Fanchonnette, Cadet, Jérôme

fanchonnette

Air : Ah ! le bel oiseau, maman

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Informations sur cet air

Ah ! Jérôme n’est pas mort !
Jérôme
Peut-on mourir, quand on vous aime ?
fanchonnette
Ah ! Jérôme n’est pas mort.
Mais, mais, c’est pire qu’un sort !
Qui donc qui vous a r’pêché ?
Jérôme
Bon ! c’n’était qu’un startagème.
Cadet, d’mon amour touché
A, pargué, bien joué son thème.
fanchonnette
Cadet, tu m’attrapais donc ?
Attrap’-moi toujours de d’même.
Cadet, tu m’attrapais donc ?
Ah ! j’t’accorde ben ton pardon.
Jérôme

Air : Sont les filles du Gros Caillou


C’pardon-là m’annonce, morgué,
Que vous v’là d’moiquié
Dans mon amiquié.
fanchonnette
Ah ! pour ça, vantez.
Jérôme
Vous m’ressurcitez.
fanchonnette
C’est à moi qu’c’est ben doux,
Car, tenez, entre nous,
J’étais pus morte que vous.

Air : Fanchon la belle


I faut, mon frère,
Aller tout de ce pas
Dire ma ch’mère.
cadet
All’ n’l’ignore pas,
Alle consent à tout.
fanchonnette, transportée
Ah ! mon cher p’tit frère,
Faut que j’te saute au cou.
Jérôme
Parguienne, et moi itou.

Air : Accompagné de plusieurs autres


Messieurs, j’allons nous réjouir
Mais c’est à l’ombre d’vot’ plaisir :
Des vôtres dépendent les nôtres.
fanchonnette
Si j’ons pu vous plaire un p’tit brin,
Lâchez-nous un pauvr’ p’tit coup d’main.
Frappant dans la main.
Y accompagné de plusieurs autres.
Duo
jérôme et fanchonnette, ensemble

Air : Ah ! Pierre, j’étais morte sans vous


Quand l’amour fait d’l’ouvrage,
Dam, c’est d’l’ouvrag’ ben fait.
S’il commenc’ par l’orage,
Il finit par l’bienfait.
Jérôme
Eh ! Cadet, il y a pied là au moins.
Je nage dans un plasir parfait.
Ronde
1
fanchonnette
L’amour a, sur la rivière,
Bien des droits comm’ de raison.
Mais c’est à la Guernouillère
Qu’il a plus de r’venant bon.
Il y montre la magnière
Comm’ faut amorcer l’poisson.
2
Jérôme
Avec sa jeun’ parsonnière,
L’autre jour un vieux barbon
Fut une journée entière
Sans pouvoir prendre un goujon.
Il n’savait pas la magnière
Comm’ faut amorcer l’poisson.
3
cadet
Un brav’ guerrier à la guerre,
Est sûr de son mousqueton ;
Et de r’tour sur la rivière,
Il est sûr de son ham’çon.
Dam’, il entend la magnière
Comm’ faut amorcer l’poisson.
4
Jérôme
On ne pêche dans l’eau claire
Qu’du fretin, du barbillon,
C’est c’qui fait qu’les gens d’affaire
Pêchent en eau trouble, et v’là l’bon.
Ils attrappont la magnière
D’endormir le gros poisson.
5
cadet
Une beauté riche et fière,
N’trouvant aucun parti bon,
Tombit toute la première
Dans les filets d’un Gascon.
La Garonne est une rivière
Où se prend l’meilleur poisson.
6
fanchonnette
Lise, autrefois marinière,
Est grosse dame, dit-on.
C’qui d’vrait la rendre la darnière
Lui donn’ du bien et du r’nom :
Ça s’appell’ dans une ornière
Savoir attirer l’poisson.
7
Au parterre.
Heureux qui peut satisfaire
Vot’ goût de toute façon !
Vot’ bonn’ grâc’ nous est plus chère
Qu’un bateau plein d’esturgeon :
Le seul désir de vous plaire
S’ra toujours notre aviron.
Fin

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