Harmonide

Auteurs : Favart (Charles-Simon)
Parodie de : Zaïde, reine de Grenade de La Marre et Royer
Date: 1er octobre 1739
Représentation : 1er octobre 1739 Foire Saint-Laurent - Opéra-Comique
Source : ms. BnF, fr. 9325
Charles-Simon Favart

Harmonide


Parodie
Représentée sur le théâtre de l’Opéra-Comique de la foire Saint-Laurent
1739
BnF ms. fr. 9325
definitacteur, l’art lart

Acteurs


Harmonide
Octave
Ritournelle
L’Art
Le Naturel
Chœur

Harmonide


Scène i

octave, ritournelle

octave

Quel bizarre pays que celui-ci, ma chère Ritournelle !


ritournelle

Mon cher Octave, c’est le pays merveilleux de la danse et de la musique, il ne faut pas s’étonner si tout y choque le bon sens. Harmonide, la plus puissante des fées, le gouverne et d’un seul coup de sifflet cause dans cet empire des révolutions extraordinaires.


octave

Air : Sans dessus dessous

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Rien ne résiste à son pouvoir,
Harmonide fait tout mouvoir :
Elle met la nature entière
Sans dessus dessous,
Sans devant derrière,
Les dieux et les diables itou
Sont tous sans devant derrière etc.
ritournelle
airvide
De ce pays chaque habitant
Parle en chantant,
Marche en dansant,
N’agit qu’au son de l’instrument,
Pleure, soupire,
Et même expire
En fredonnant.

Air : Badinez, mais restez[-en là]

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Ici l’on voit une fontaine
Chanter pour exprimer sa peine
On y voit un ruisseau poupin
Voltiger, cabrioler en tambourin
octave

Air : Réveillez-vous, [belle endormie]

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Vénus y tient son domicile
Mars et Plutus suivent ses pas.
ritournelle
L’amour échauffe cet asile
Et Mercure n’en bouge pas.
octave

Air : Bouchez, Naïades, [vos fontaines]

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On y voit toujours la victoire
En accolade avec la gloire.
ritournelle
Toujours les jeux avec les ris
Mais la vertu n’est plus de mode
Et ce n’est que dans les récits
Que l’on souffre cette incommode.
octave

Il faut bien que nous nous accommodions à tout cela depuis que l’art nous a rendu esclaves, mais je l’aperçois... Oui, c’est l’Art.


Scène ii

l’art, ritournelle, octave

lart
airvide
Il faut enfin qu’Harmonide
Pour mon mérite décide
C’est l’Art qui l’emportera
C’est moi qui soutiens l’Opéra

Bonjour mes enfants, c’est aujourd’hui que l’on célèbre la naissance d’Harmonide. À propos de ballet


Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]

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J’ai su ranger Octave au rang de mes esclaves
C’est de moi qu’il apprend à porter des entraves
Tu te souviens encor de cet heureux moment
ritournelle
Vous lui faites, seigneur, un fort sot compliment,
noindent, sans verbiage, qu’exigez-vous de nous par ce prélude ?
lart

Tu es au service d’Harmonide, apprends-lui que je l’aime. Parle pour moi.


ritournelle

Air : Voyelles anciennes

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À quoi sert de parler pour vous
Quand votre mérite s’explique
L’Amour vous fera des jaloux
Comme vous en fait la musique
lart
Entre la Nature elle et moi
Dans ces cantons on se parta-a-age
Mon rival veut faire la loi
Et je brigue même avanta-a-age.

Nous verrons qui l’emportera. En attendant, agis toujours en ma faveur auprès de ta maitresse.


Air : Fais comme nous


Fais lui ce soir
Voir
Dans son jour
Mon amour,
Peins l’ardeur
De mon cœur,
Mais
Paix
À d’autres cache mon but
Chut.

Air : Nous avons pour vous


Dur rival qui me fait injure
Pénétrez tous deux le projet
Je veux lui faire une ouverture
Et l’immoler d’un coup d’archet.

Scène iii

octave, ritournelle

octave

Dois-je lui obéir ? Je suis son esclave.


ritournelle

Je te plains.


Air : Trembleurs

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Hélas que mon sort me fâche !
On m’impose triple tache,
Pas un moment de relâche
Avec ce patron altier.
Comme un misérable esclave
Mille fois par heure Octave
Va du grenier à la cave
Et de la cave au grenier.
ritournelle

Mon sort pourra changer suivant le choix d’Harmonide.


octave

Jusqu’à ce temps


Air : Tout cela m’est indifférent

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Déguisons toujours nos ardeurs :
Passe pour l’une de mes sœurs,
En secret aimons-nous sans crainte.
ritournelle
Cher Octave, je le veux bien,
Mais à quel propos cette feinte ?
octave
Hélas, c’est à propos de rien.
ritournelle

Tu dis vrai,


Air : Les routes du monde


Mais finissons cet entretien.
octave
Un duo pourtant viendrait bien,
La scène en serait plus exacte.
ritournelle
Bon, nos inutiles amours
Ne sont que pour allonger l’acte,
De l’intrigue ils rompent le cours.
octave

Cette symphonie nous annonce Harmonide.


Scène iv

octave, ritournelle, harmonide et suite

harmonide

Air :


Sujets à ma suite empressés,
On vous a vu, c’en est assez.
Allez, qu’on se retire,
Pour vous, demeurez en ces lieux,
Et venez lire dans mes yeux.
octave
Nous ne savons pas lire.
harmonide

Air : Beau marinier


Certain trouble agite mon cœur.
octave
Qui peut troubler votre bonheur.
harmonide
J’aime.
ritournelle
Voyez le grand malheur !
harmonide
Je crains l’amour. Il me fait peur.
octave

La pauvre enfant ! Appréhendez-vous de ne pas obtenir du retour ?


Air : Peut-on voir


Peut-on voir vos yeux
Sans être amoureux princesse,
Peut-on voir vos yeux
Sans être amoureux ?

Air : Tâtez-en

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Informations sur cet air

Assurez-vous par l’hyménée
L’objet qui vous tient enchainée.
L’hymen tranquillise l’esprit
Tâtez-en si le cœur vous en dit.
harmonide

Je vous nommerais bien mon vainqueur, mais je ne veux pas. Respectez mes secrets, le moment de me déclarer n’est pas venu,


octave
refrain
Il est pourtant temps, pourtant temps madame
Il est pourtant temps de vous marier.
ritournelle

Air : Eh, pourquoi donc, sûr


Eh pourquoi donc belle princesse,
Eh pourquoi donc tant reculer ?
harmonide
Il faut, à ne vous rien celer,
Trois actes à la pièce,
Le remplissage doit filer.
ritournelle
Je conçois votre adresse.
harmonide

Éloignez-vous... mais non, je vois mon peuple qui s’avance, je n’aurais pas le temps de faire un monologue.


Scène v

les précédents, chœur

refrain
Mariez, mariez, mariez-vous,
Princesse, tout vous en presse,
Mariez, mariez, mariez-vous,
Et nommez nous votre époux.
octave

Air : Il n’en faut pas d’avantage


À l’amour tout est possible
Et comme dit l’Opéra,
Il a, pour rendre sensible,
Mille secrets.
ritournelle
Halte-là !
Mille c’est trop d’étalage !
Il suffit d’un quand il est bon,
Et non non non
Il n’en faut pas d’avantage.
chœur

Même air


Mariez, mariez, mariez-vous etc.
harmonide

Air : Je ne veux ni désert


Je veux bien me charger d’un mari,
Vous saurez tantôt qui j’ai choisi.
Cher sujets, ce n’est que pour vous plaire
Que je consens à me déterminer.
Dès ce soir nous conclurons l’affaire,
En attendant allez vous promener.

Air : Allez à la chasse au loup


Allez à la chasse,
À la chasse au lapin
Allongez, de grâce,
Un peu le parchemin,
On prépare ainsi, messieurs,
Un ballet de chasseurs.

Scène vi

ritournelle seule

ritournelle

Demeurons un instant pour m’entretenir avec l’écho, qu’il répète les plaintes inutiles que je vais faire sans savoir pourquoi. On vient m’interrompre.


C’est la Nature, évitons-le.


Scène vii

le naturel, ritournelle

le naturel
airopera
Quoi, vous me fuyez, Ritournelle ?
Un moment, demeurez, la belle.
J’ai toujours eu pour vous du zèle,
De mon cœur,
Soulagez la langueur.

Air : Halte-là


Je brûle hélas pour Harmonide,
Parlez pour moi mon petit cœur
Afin qu’en ma faveur
Cette belle décide.
Si pour moi vous faites cela
Votre intérêt s’y trouvera,
Vous aurez récompense
Prenez ceci d’avance.
harmonide, en entrant
Halte-là !

Scène viii

harmonide, ritournelle

harmonide

Air : Comment donc [petite effrontée]


Comment donc, petite effrontée,
Je surprends avec vous ce beau galant ?
Il contait son tourment.
ritournelle
Pardon, je suis toute agitée.
harmonide
Il contait son tourment.
ritournelle
Modérez votre emportement.
harmonide
Comment donc, petite effrontée,
Je surprends avec vous ce beau galant ?
ritournelle
airvide
Oh, tout doux,
Calmez-vous,
Écoutez une maxime.
harmonide

Bon, j’en ai la tête rompue, on ne me parle plus que par sentence.


Air : Péril

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Informations sur cet air

Aux horreurs d’un état servile
Je vais te livrer pour toujours,
Fuis, va, cours les carrefours,
Avec le vaudeville.

Air : Filles qui passez par ici


Entre ses bras il la tenait,
Le traitre, le perfide.
ritournelle
Le doux baiser qu’il me donnait
Était pour Harmonide.
harmonide

Serait-il possible que mon amant ne me fut point infidèle ?


Air : Folies d’Espagne

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Informations sur cet air

Ne venez plus troubler ma fantaisie,
Soupçons jaloux, éloignez-vous.
ritournelle
Fort bien.
J’attendais plus de votre jalousie,
Heureusement, tout se réduit à rien.

L’art vous cherche, je vous laisse avec lui.


Scène ix

l’art, harmonide

lart

Que de monstres frappés vont tomber sous mes coups ! Madame, me voilà prêt pour la chasse que vous avez commandée, je vous la promets bonne. Parlons de nos affaires.


airvide
De vous fixer aurai-je l’avantage ?
J’ai composé pour vous plusieurs ballets
Et mon amour vous présente un hommage
Que mes rivaux n’effaceront jamais.
harmonide
airvide
Oh, n’allez pas parler tendresse
N’altéront point notre repos,
Car l’amour n’est qu’une faiblesse
Dont rougissent les vrais héros.
lart

Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]

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Informations sur cet air

Ils étaient des nigauds, je suis un homme rare,
Ils chantaient en bémol et je chante en bécarre
L’amour ne rend jamais mon courage abattu,
Chez eux il est faiblesse, il est chez moi vertu.
harmonide

Air : L’amphigoury


Sur cela je n’ai rien à dire,
Mais mon choix n’aura pour objets
Que l’intérêt de mes sujets
Et le lustre de cet empire.
lart
C’est un amphigoury etc.

Scène x

l’art seul

lart

Avec quelle froideur elle me quitte ! Ah ! je sens une plénitude de colère et de musique qui va me causer un débordement de notes, élevons une tempête dans l’orchestre, qu’un bruit affreux de basse seconde les transporte de ma rage. Lalala, mais je vois mon rival ! Suscitons un monstre contre lui.


Scène xi

le naturel, harmonide seuls

le naturel

Air : Ah, que la forêt

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Informations sur cet air

Courons à la chasse, à la chasse
Que les cors donnent sur ce ton
Tontonton taine tonton
Des monstres qu’on suit à la trace
Il faut en purger ce canton
Tonton ton etc.
harmonide

Oh Ciel ! que vois-je ! quel monstre affreux ! Il approche, sauvez-moi de sa fureur !


le naturel

Ne craignez rien, je vous garantirai.


Il combat le monstre et ensuite se retire.

Air : Tant de valeur


Je viens de sauver ce que j’aime
Ah ! Je dis ce mot malgré moi.
Je m’impose à la sotte loi
De languir comme un Nicodème.

Mais comme nous dit l’Opéra,


Air : C’est l’ouvrage [d’un moment]

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Informations sur cet air

À son gré l’amour nous inspire,
Alors le plus timide amant
Sans savoir pourquoi ni comment
En dit plus qu’il n’osait en dire,
C’est l’ouvrage d’un moment.
harmonide

Vous m’aimez et vous osez me le dire. Ne craignez-vous pas ma colère ?


le naturel

Oh, je sais bien à qui je m’adresse.


Scène xii

harmonide, le naturel, octave

octave

Air : Aux armes, [camarades]

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Informations sur cet air

Courons, courons aux armes
Prévenez le courroux d’un amant jaloux,
Il répand les alarmes,
La terreur,
La frayeur,
L’horreur.
Il veut étouffer son rival.
le naturel

M’étouffer, oh, oh, nous allons voir cela.


harmonide

Arrête, il m’échappe, Octave ne le quitte pas.


Scène xiii

harmonide seule

harmonide

Voilà une guerre civile arrivée entre mes premiers sujets


Air : Comment faire

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Informations sur cet air

Le naturel est amoureux
Mais souvent il est langoureux,
L’Art quoi que bizarre sait plaire.
Tous deux ont droit de m’engager,
Je dois tous deux les ménager,
Comment faire ?

Scène xiv

harmonide, ritournelle

ritournelle

Madame, ils sont aux mains. Les uns chantent, les autres se battent, c’est un plaisir de voir cette bataille musicale.


Scène xv

les précédents, octave, chœur

chœur
Lampons, lampons, camarades, lampons.
harmonide

Air : Lampons

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Informations sur cet air

Quels sont les cris que j’entends ?
octave
J’ai calmé les combattant,s
Cette liqueur sympathique
Vient d’accorder la musique.
chœur
Lampons, lampons, camarades lampons.
octave

J’ai fait boire tous les mutins, l’Art et le Naturel malgré leurs animosités trinquent ensemble, ils viennent se soumettre à votre choix.


Scène xvi

les précédents, l’art, le naturel

l’art et le naturel, ensemble
refrain
Allons voir, allons voir, allons voir
Qui des deux la doit avoir.
le naturel

Charmante fée, décidez. Entre l’Art et moi, choisissez un mari.


harmonide

Doucement messieurs, cette décision n’est pas l’ouvrage d’un jour.


lart
airvide
L’univers
Est enchanté de mes concerts,
Et mes airs
Expriment mille objet divers :
Les éclairs,
La foudre et les cris des enfers.
Comblez mon espoir,
Mon savoir
Fera voir
Que c’est à moi
À donner ici la loi.
le naturel

Air : Le tout par nature


Avec un tendre bémol
J’imite le rossignol
Et d’un ruisseau fugitif,
J’exprime le murmure,
Je peins un amour naïf,
Le tout par nature.
lart
refrain
Bon, vraiment, c’est toujours,
La même turelure.
airvide
On réussit mal en tendresse
En affectant le ton mineur,
Moi, je crois avoir plus d’adresse
En me servant du ton majeur.
harmonide

Messieurs, toutes réflexions faites, je vous estime tous deux et je ne puis choisir entre vous.


airvide
Le fait est trop embrouillé.
le naturel
Mais quelle idée est la vôtre ?
lart
Tirons donc au doigt mouillé !
harmonide
Non, je vous prends l’un et l’autre
En toutes choses, il est bon
D’user de précaution.

Air : Entre l’amour

Voir la partition
Informations sur cet air

Le Naturel a besoin d’art,
L’Art déplait souvent par son fard.
Afin qu’à nos vœux tous réponde
Joignez-vous sans être jaloux,
Avec des maitres tels que vous
Nous allons charmer tout le monde.
lart

Air : Jérôme, as-tu vu le feu


Ah, quel bonheur suprême !
le naturel
Ah, quel bien précieux !
harmonide
Ah, quelle gloire extrême !
ritournelle
Ah, quels chants gracieux !
ensemble, ensemble
Plaisirs délicieux,
Accourez dans ces lieux !
Amours descend des cieux,
Mets nous au rang des dieux !
Amour comble nos vœux,
Quel bonheur d’être heureux !
Chantons, chantons nos nœuds,
Nos flammes et nos feux.
harmonide

Peuples, pour l’amour de nous, égosillez-vous,


Air : Guerlinguin


Sur un chant de bon augure,
Célébrez notre aventure.
chœur
Turelure lure lure
harmonide
Chantez, chantez notre destin.
chœur
Guerlin guin guin guerlin.
Fin

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