Les Amours déguisés

Auteurs : D'Orneval (Jacques-Philippe)
Fuzelier (Louis)
Le Sage (Alain-René)
Parodie de : Les Amours déguisés de Fuzelier et Bourgeois
Date: 24 septembre 1728
Représentation : 24 septembre 1728 Foire Saint-Laurent - Opéra-Comique
Source : Le Sage, D'Orneval, Le Théâtre de la Foire ou l’Opéra-Comique, contenant les meilleures pièces qui ont été représentées aux Foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent, t. VI, Paris, Pissot, 1728
Louis Fuzelier, Alain-René Le Sage et Jacques-Philippe d’Orneval

Les Amours déguisés


Pièce d’un acte
Représentée à la Foire Saint-Laurent
1726
dans le Théâtre de la Foire ou L’Opéra Comique, t.VI, veuve Pissot, Paris, 1728
definitacteur, l’Amour lamour
definitacteur, monsieur pié-de-mouche mpiedemouche

Acteurs


mirtis, nymphe de la suite d’\emph Hébé
Deux petits Amours
Arlequin, aide de camp de \emph Mercure et ancien valet de Léandre
Colette, amante et cousine de Léandre
Un tabellion, oncle de Colette
Léandre, lieutenant d’infanterie
Madame Doucet, riche veuve
Un Suisse, ivre
Mademoiselle Raffinot, précieuse
Farinette, boulagère : Pierrot
Monsieur Pie’-de-Mouche, Procureur
Troupe d’Amours et de Plaisirs
Troupe d’Amants de toutes les nations
La scène est dans l’île de Cythère.

Les Amours déguisés

Le théâtre représente l’île de Cythère.

Scène i

Mirtis seule

mirtis

Air : Ho ho ! Ha ha

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Que de peuples divers
Dans ces heureux climats !
Les champs en sont couverts.
Que j’entends de fracas !
Ho ho ! Ha ha !
Hé, comment donc, pourquoi cela ?

J’aperçois un petit Amour qui va m’éclaircir.


Scène ii

Mirtis, un Amour

mirtis, appelant

St, st ! Venez ici, petit garçon. Apprenez-moi quelle cérémonie rassemble à Cythére cent peuples différents.


lamour

Air : Tu croyais, en aimant Colette

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Eh ! Qui donc êtes-vous ma chère ?
Vous qui dans ce charmant séjour,
D’une façon si familière,
Osez aborder un Amour ?
mirtis

Air : Bannissons d’ici l’humeur noire

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Nymphe d’Hébé, sa cour aisée
M’offre les moments les plus doux ;
Et je dois être apprivoisée
Avec des oiseaux comme vous.
lamour

Vous avez raison. Puisque vous êtes de la suite d’Hébé, nous ne devons pas


vous effarouchez ; et vous méritez la conversation d’un Amour. Sachez donc, gentille nymphe, que Vénus a ordonné une revue générale de tous les amants. Vous voyez là-bas les vaisseaux sur lesquels nous les avons amenez ici.


mirtis

Air : Cap de Bonne-Espérance


Vous aurez de la cohue.
lamour
C’est de quoi je suis charmé.
mirtis
Pour cette grande revue
Quel commissaire est nommé ?
lamour
Vénus a choisi Mercure.
mirtis
C’est bien choisir, je vous jure.
Le patron des confidents
Doit se connaître en amants.

Mais comment peut-il examiner toutes les troupes qui sont sous les étendards de Cupidon ?


lamour

Oh ! Il est soulagé par des aides de


camp, qu’il a distribué dans tous les postes et les quartiers de cette île. Hoçà, jeune nymphe, de quel régiment êtes-vous ?


mirtis

Je n’ai point encore pris parti.


lamour

Tant mieux.


Air : Marche française


Entrez, ma mignonne,
Dans mon régiment ;
Aux belles je donne
Bon engagement
Vous êtes de taille
À vous enrôler,
Et d’une bataille
À vous démêler.

Scène iii

Mirtis, premier Amour, Second Amour

second amour, au premier

Air : Amis, sans regretter Paris

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Je m’oppose à l’engagement
Que vous prétendez faire :
La nymphe avec moi, sûrement,
Fera mieux son affaire.
premier amour, au second

Air : Vaudeville,

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Dans notre régiment
Patapan
On fait mieux l’exercice.
second amour, au premier
Vous êtes, mon ami,
Biribi
Qu’un amour de milice.
premier amour, au second

Air : Quel plaisir de voir Claudine

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Rendez nous plus de justice,
Et modérez vos transports :
En fait d’amour, la milice
L’emporte sur les vieux corps.
mirtis

Vous avez beau vous vanter tous deux, vous n’avez pas l’air l’un et l’autre d’avoir fait seulement votre première campagne.


Air : J’offre ici mon savoir faire

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Dans un cœur pour faire brèche,
Vous n’êtes que des apprentis :
Je vous crois encor trop petits,
Pour bien décocher une flèche.
Je vous crois etc.
second amour

C’est ce qui vous trompe. Tel que vous me voyez, on ne me marche pas sur le pied impunément.


mirtis

Diantre !


premier amour

Il ne faut pas non plus m’échauffer les oreilles.


mirtis

Ho ho !


premier amour

Air : Petit boudrillon

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Aussitôt je dégaine.
mirtis
Ah ! Quel petit dragon,
Boudrillon !
second amour
La résistance est vaine
Contre mon aiguillon.
mirtis
Boudrillon !
Petit boudrillon,
Boudrillon, dondaine,
Petit boudrillon,
Boudrillon, dondon !
premier amour

Tous mes exploits sont des prodiges. J’ai dépouillé, par exemple, cent sénateurs de leurs robes.


Air : Qu’on apporte bouteille

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Morbleu ! Je les oblige
À quitter, tous les jours,
Leurs longs rabats.
second amour
Le beau prodige !
Moi j’en fais quitter de plus courts.
premier amour

Il y a bien là de quoi vous applaudir ! Ces rabats courts le plus souvent ne tiennent à rien. Mais laissons là toutes ces prouesses communes, qui doivent mettre pavillon bas devant celle que j’ai faite ces jours passés.


second amour

Voyons donc ce que c’est.


premier amour

Air : Je ne suis né ni roi, ni prince

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J’ai rendu sensible et constante
Une divinité chantante.
mirtis
Pour ceci ce n’est pas un jeu.
premier amour
Un riche loueur de carrosses,
En secret la vient, depuis peu,
D’épouser en quinzième noces.

Scène iv

Mirtis, les deux Amours, Arlequin

arlequin, sans les voir

Ô la belle revue ! Ceux qui disent que l’amour n’a point d’armée n’ont pas feuilleté les galantes pages d’Ovide Nason. Ce précepteur d’amour, plus habile que celui de la rue


footnote,  : On jouait alors à la Comédie Italienne une pièce intitulée :le précepteur d’amour

Française, dit en termes exprès :


\emph Militat omnis amans, et habet sua castra Cupido.
Apercevant les deux Amours.

Mais que vois-je ?... Que faites-vous donc ici, Messieurs les Amours ?


premier amour

Nous n’avons pas de compte à vous rendre.


arlequin

Comment, ventrebleu ! Vous n’avez pas de compte à me rendre ! Devez-vous ignorer que je suis un des aides de camp de Mercure ? Retirez-vous, sans répliquer ; autrement, je ferai voir aujourd’hui dans le camp deux Amours sur le cheval de bois.


Les deux Amours s’enfuient.
mirtis

Comme vous les régalez !


arlequin

Et vous, la belle, si vous me raisonnez, je vais vous mettre au corps de garde.


mirtis, à part, se sauvant

Mercure a pris là un aide de camp bien brutal.


Scène v

Arlequin seul

arlequin

On m’a dit que Léandre, mon ancien maître, était ici. Je lui serai peut-être utile. Je le souhaite de tout mon cœur ; car je lui ai des obligations qu’il ignore. Je me suis souvent servi de son linge et quelque fois de son argent. Allons le chercher, pour m’acquitter. Je suis un homme rare, moi ; j’aime à payer mes dettes.


Air : Quand le péril est agréable

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Informations sur cet air

Je veux lui témoigner mon zèle...
Mais quelqu’un porte ici ses pas.
Partons, ne nous amusons pas,
Quand l’honneur nous appelle.

Scène vi

Colette, un Tabellion son oncle

colette

Je vous suis bien obligée, mon oncle, de ne m’avoir pas abandonnée dans le


voyage que les Amours me forcent de faire ici, sans que je sache pourquoi.


le tabellion

Foi de tabellion, je n’en sais rien non plus.


colette

Air : Non, non, je ne me connais guère


Non, non, je ne le connais guère,
Cet enfant qui règne à Cythère.
le tabellion
Ce petit dieu n’est qu’un vaurien,
Oh ! Pour moi, je le connais bien.

Il m’a joué de bons tours.


colette

Cela est vrai. Tenez, par exemple, il n’a jamais voulu vous donner le cœur de ma tante.


le tabellion

Tu as raison, Colette. Ta tante, avant notre mariage, a bien fait la rétive.


colette

Air : Je suis la fleur des garçons du village

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Elle fuyait votre ardeur méprisée,
Sans la payer d’aucun retour.
le tabellion
Oui, mais je l’ai bravement épousée,
En dépit d’elle et de l’amour.
colette

Le receveur de la dame de notre village a eu bien mal au cœur de ce mariage-là.


le tabellion

Oui, parbleu ! Il m’en a voulu pendant quelques jours ; mais, heureusement, le temps l’a guéri. Il s’est fait une raison, il m’accable d’amitiés, et ne saurait passer un jour sans venir chez moi.


colette

C’est un bon enfant, il ne garde point sa rancune.


le tabellion

Mais, dis-moi un peu, ma nièce, puisque les Amours t’ont forcée de venir à leur revue, il faut bien qu’ils aient quelque hypothèque sur ta personne.


colette

Aucune ; je suis trop prévenue contre eux.


Je me ris, je me ris, je me ris d’eux Mariez, mariez, mariez-moi
Souvent je vois des amants,
Qui se parlent de tendresse ;
Ils ont peu d’heureux moments,
Ils se querellent sans cesse.
Je me ris, je me ris, je me ris d’eux :
L’amour est une faiblesse ;
Je me ris, je me ris, je me ris d’eux :
L’amitié borne mes vœux.
le tabellion

C’est fort bien fait à toi. L’amitié vaut mieux que l’amour. C’est, sans doute, pour Lisette que tu gardes ta bonne amitié ?


colette

Oui, j’aime fort Lisette ; mais il me semble que j’aime encore davantage mon cousin Léandre.


le tabellion, branlant de la tête

Hon-hon !


colette

Oh ! Ne croyez pas pour cela que j’aie de l’amour pour lui.


le tabellion

Mais pourquoi as-tu plus d’amitié pour lui que pour elle ?


colette

Je n’en sais rien.


le tabellion

Je le devine bien, moi. C’est que Léandre est un jeune officier, lieutenant de sa compagnie, qui a un plumet rouge, une cocarde blanche : oh ! dame ! tout cela échauffe bien l’amitié dans le cœur d’une fille.


colette

Air : Attendez à demain, mon voisin

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Informations sur cet air

Il est vrai que je l’aime,
Comme on aime un cousin.
le tabellion
Il en use de même,
Pour couvrir son dessein.
Ah ! Morbleu ! Qu’il est fin !
Le cousin !
Ah ! Morbleu ! Qu’il est fin !
colette

Vous vous trompez, mon oncle.


le tabellion

Air : Voulez-vous savoir qui des deux

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Informations sur cet air

Lorsqu’on veut, sans lui faire peur,
Avoir le bail d’un jeune cœur ;
Comme on craint que, pour cette affaire,
Il ne demande caution,
L’amour est l’adjudicataire
Et l’amitié le prête-nom.
colette

Vous vous trompez, vous dis-je ; Léandre ne dissimule point son ardeur.


le tabellion

C’est donc toi qui caches la tienne. Mais, ma pauvre Colette, tes finesses sont cousues de fil blanc.


Air : Je passe la nuit et le jour

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Informations sur cet air

Quand près de toi ce beau cousin,
En petit-maître se trémousse,
Comment reçois-tu ce badin ?
colette
Hé ! mais vraiment, je le repousse.
le tabellion
Tu le repousses plaisamment !
Tu t’y prends si nonchalamment,
Si doucement,
Si mollement,
Qu’il y revient à tout moment.
colette

Ah ! Mon oncle, que vous expliquez mal la manière dont je reçois les airs familiers de Léandre !


Air : Comme un coucou que l’amour presse

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Informations sur cet air

Devez-vous, sur ces apparences,
Juger que je l’aime en effet ?
Ce sont de petites licences
Que le cousinage permet.
le tabellion

Je veux bien croire que je m’abuse ; mais il faut avouer que l’amour de ton cousin fait bien ses orges avec ta bonne amitié.


colette

Allons, le commissaire de la revue nous fera voir tantôt qui de nous deux est dans l’erreur.


Ils s’en vont.

Scène vii

Léandre, Arlequin

léandre

J’aperçois ma chère Colette ; suivons-là. Je veux pratiquer auprès d’elle l’artifice que tu me conseilles d’employer.


arlequin

Non, vous prendriez mal votre temps, puisque son oncle est avec elle ; mais dès que vous la trouverez seule, je vous réponds qu’en usant de ma recette, vous l’obligerez à se démasquer. Car enfin, suivant votre rapport, vous êtes plus heureux que vous ne croyez l’être.


Air : J’entends déjà le bruit des armes

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Informations sur cet air

Avec l’objet qui sait vous plaire,
Vous ne plaidez que pour un nom.
Son cœur, bizarrement sévère,
Refuse à votre passion
Le titre de pensionnaire
Mais vous touchez la pension.
léandre

Je ne sais si ta conjecture...


arlequin

Vous ne connaissez pas encore l’amour, quoique vous soyez fort amoureux. C’est un petit rusé, qui emprunte toutes sortes de déguisements, pour entrer dans des cœurs qui le mettraient à la porte s’il se présentait sans masque.


Air : L’autre nuit, j’aperçus en songe

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Informations sur cet air

Il se masque en reconnaissance,
En estime il se travestit,
Il prend de la pitié l’habit,
Et les traits de la bienveillance ;
La haine même quelquefois
Lui prête son affreux minois.

Mais allez épier le moment où vous pourrez entretenir Colette en particulier.


léandre

Adieu, jusqu’à tantôt.


Scène viii

Arlequin, Madame Doucet veuve

madame doucet

Je ne conçois pas ce que l’amour peut


avoir à démêler avec Madame Doucet, qui, sans contredit, est la femme de Paris la plus édifiante.


arlequin

Où est donc cette édifiante Madame Doucet ?


madame doucet

Vous la voyez.


Air : Comme un coucou que l’amour presse

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Informations sur cet air

Je suis une riche douairière.
arlequin
\’A votre air je m’en aperçois.
madame doucet
Pour une femme régulière,
Le marais ne cite que moi.
arlequin

Je vous en fais mon compliment.


madame doucet

Air : Quel plaisir d’aimer sans contrainte

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Informations sur cet air

Ah ! Peut-on traîner à Cythère,
Femme d’un visage si sévère !
arlequin
Votre petit cœur n’est pas, je gage,
Aussi prude que votre visage.
madame doucet

Vous n’êtes pas bon physionomiste.


Air : Lanturlu

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Informations sur cet air

Je fuis l’esclavage
Du dieu des amours ;
Dans un doux veuvage
Je passe mes jours.
arlequin
C’est être bien sage.
madame doucet
Je n’aime que la vertu.
arlequin
Lanturlu, Lanturlu, Lanturelu.
À part.

Voici quelque amour hypocrite.


madame doucet

J’ai surtout une extrême sensibilité pour les malheurs d’autrui. J’ai retiré chez moi Damis, jeune homme aimable et vertueux, qui était dans une indigence... Il n’avait pas d’habit.


arlequin

Air : Ah ! Quel plaisir, lorsqu’après mille alarmes

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Informations sur cet air

Ah ! Quel plaisir de couvrir la misère
D’un jouvenceau sans argent, et tout nu.
madame doucet
Le pauvre enfant manquait du nécessaire.
arlequin
Il a chez vous trouvez du superflu.
madame doucet

Je le rencontrai chez une vieille dame de mes amies, dont il allait implorer le crédit pour avoir un emploi. Dans l’abattement où le mettait sa mauvaise fortune, il avait un air triste, mais touchant, de longs cheveux blonds négligés, mais beaux ; enfin, c’était une belle fleur, qui séchait sur pied, faute de suc alimentaire.


arlequin

Vous arrivâtes là, comme une pluie après trois mois de sécheresse.


madame doucet, déclamant
Voilà comme Damis vint s’offrir à ma vue.
Je l’avouerai, d’abord mon âme en fut émue :
Et ma vertu frémit de cette émotion :
Mais, voyant que c’était pure compassion,
Aussitôt je formai le dessein charitable
De tendre à ce jeune homme une main secourable.
arlequin

C’est une belle chose que la pitié !


madame doucet

Je l’emmenai chez moi, je le fis mon intendant, et je n’ai pas sujet de m’en repentir.


Air : Faire l’amour la nuit et le jour

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Informations sur cet air

Cet aimable blondin
Donne à son ministère
Les heures du matin,
Et s’occupe à me faire
Sa cour
Le reste du jour.
arlequin

Et vous recueillez avec usure le fruit de votre pitié.


madame doucet

Vous badinez, je pense.


arlequin

Air : Lonlanla, derirette

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Informations sur cet air

Oh ! Je n’ai garde, en vérité ;
Et votre régularité,
Lonlanla, derirette,
M’inspire un respect infini,
Lonlanla, deriri.

Allez, Madame la pitoyable, allez à la revue. Vous n’y serez pas de trop.


madame doucet

L’imbécile ! Il prend ma pitié pour un amour déguisé.


Scène ix

Arlequin, un Suisse ivre

arlequin

Que vois-je ? Un Suisse à la revue des Amours ?


le Suisse, chancelant

Air : Mirlababibobette

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Informations sur cet air

L’être ein brave amant que t’y vois,
Mirlapapipopette,
Par mon foi.
Il fait un rot.
Moi, soupirer à la franquette,
Mirlapapi, sarlapapo,
Mirlapapipopette,
Sarlapaporita
Montrant son cœur.
Moi blessé là.
arlequin, lui portant le doigt sur le front

C’est plus haut, mon camarade, c’est plus haut.


le Suisse, se touchant le front

Air : Talalerire

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Informations sur cet air

Sti tête de raison pourvue,
Savoir conservir son sang-froid ;
Et por briller dans la revue,
Moi l’être ici venu tout droit.
arlequin
Tout droit, cela vous plaît à dire.
tous deux, ensemble
Talaleri, talaleri, talalerite.
arlequin

Air : La Cabaretière

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Informations sur cet air

Sachons quel beau feu vous anime.
le Suisse
Ch’aime Monmoiselle Catin,
arlequin
C’est que ce nom finit en in,
Et qu’il rime, rime, rime,
C’est que ce nom finit en in,
Et qu’il rime avec le vin.
le Suisse

Parti par mon foi, vous l’être coquenard, Monsir.


arlequin

Moi guoguenard ! Je considère trop les tendres amants.


le Suisse

Air : Lampons

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Informations sur cet air

Rien n’égalir mon ardeur,bis
Ch’avre là-dedans ein cœurbis
De la première cuvée.
Il fait encore un rot.
arlequin, à part
Son ardeur est envinée.
Haut.
lampons, lampons.
le Suisse
Camerade, lampons.
arlequin

Voilà, sans doute, votre air favori. Mais, dites-moi un peu, quel métier fait cette mademoiselle Catin, que vous aimez si délicatement ?


le Suisse

Monmoiselle Catin l’être ein fameuse caperetière.


arlequin

Une vendeuse de câpres ? Une épicière ?


le Suisse

Hé ! Non, monsir, vous n’entendre pas moi. Catin tenir ein taverne à l’Porcherons.


arlequin

Ha ! Je vous entends ! C’est une fameuse cabaretière de guinguette.


le Suisse
\emph Ya, ya.

Air : Ô reguingué, ô lonlanla

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Informations sur cet air

Moi va chez elle assitûment.bis
arlequin
Il y paraît assurément.
le Suisse
Ô requinqué, ô linlonla !
Ses chambres sont mes calleries.
arlequin
Ses caves sont vos Tuilleries.
À part.

Cet honnête Suisse croit aimer la


maîtresse du cabaret, et il n’en aime que les tonneaux. Ce n’est pas un amour déguisé, c’est une ivrognerie masquée.


le Suisse

Air : Les feuillantines

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Informations sur cet air

Moi che l’aime en vérité,
Son beauté,
Qui n’être point frelaté.
De sti file si cholie,
Ch’en boirai\ibis\ chusqu’à la lie.
arlequin

Ma foi, camarade Suisse, dispensez-vous de vous présenter à la revue des Amours. Vous y seriez reçu comme un frelon dans un essaim d’abeilles. D’ailleurs, je vous avertis qu’il n’y a point là de cantine. Cupidon ne veut pas qu’on y boive du vin.


le Suisse, étonné

Air : Allons à la guinguette

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Informations sur cet air

Quoi ? sti liqueur
L’être ici défendue !
Moi, point de cœur
D’allir à ton revue.
Ritourne à l’Polcherons :
Allons, allons,
Allons à sti quinquette, allons.
Il s’en va en faisant des esses.
arlequin

Voilà un suisse bien conditionné. Le digne amant ! Bacchus peut à juste titre revendiquer ses soupirs.


Scène x

Arlequin, Mademoiselle Raffinot

mademoiselle raffinot

Oh ! Pour cela, rien n’est plus disgracieux !


arlequin

Vous vous plaignez des amours, apparemment.


mademoiselle raffinot

Oui. Leur procédé est autrement tyrannique.


Quoi ? Mademoiselle Rafinnot, fille teinte de sagesse, et propriétaire de sa liberté, se verra livrée à la discrétion de l’audace de ces petits étourdis !


arlequin, à part

Voici, ce me semble, une précieuse ridicule.Haut. Qui êtes-vous, mademoiselle ?


mademoiselle raffinot

Air : J’ai fait souvent résonner ma musette

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Informations sur cet air

Je suis l’appui du style énigmatique,
Qui fait le beau des modernes écrits.
arlequin
Ah ! Vous donnez dans le néologique,
Autrement dit l’argot des beaux-esprits.
mademoiselle raffinot

Que voulez-vous dire, mon ami, par votre argot ? Il faut que vous soyez d’un esprit bien agreste et bien infortuné, pour vous permettre à l’ironie, sur un style qui met vos lumière en échec et qui passe les bornes de vos conceptions.


arlequin

C’est ce qui vous trompe, Mademoiselle Raffinot. J’ai été deux ans garçon dans un café, ou l’on ne crachait que Phœbus. Là, les génies de la grande espèce ont fait sortir mon esprit de sa coquille ; et je puis dire qu’en les écoutant, j’ai perçu les émoluments de mon attention.


mademoiselle raffinot

Mais, vraiment, vous m’en montrer déjà un bel échantillon.


arlequin

Mais venons au fait. Pourquoi les Amours vous ont-ils amenée ici ?


mademoiselle raffinot

C’est ce que j’ignore. J’étais dans ma bibliothèque, où mon esprit, par le voiture de mes yeux, faisait le voyage du monde de la lune.


Air : Ramonez-ci, ramonez là

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Informations sur cet air

Pendant que j’étais à faire
Ce voyage sédentaire,
Les amours m’ont prise, hélas !
L’un par ici, l’autre par là
La, la, la ;
Et me voici dans leurs états.
arlequin

Il faut bien qu’ils vous soupçonnent de vous être coiffée d’un quelqu’un.


mademoiselle raffinot

Ha ! Je vois ce que c’est. Dorimon, mon


beau voisin, homme qui a donné beaucoup d’éducation à son esprit, vient souvent s’enfermer avec moi dans mon cabinet.


arlequin, à part

Nous y voilà.


mademoiselle raffinot

Nous y faisons des collections des termes nouveaux, que forgent tous les jours sur l’enclume du bon goût, les génies conséquents et lumineux.


arlequin

Fort bien. Poursuivez.


mademoiselle raffinot

Comme la personne de Dorimon est un fardeau de grâces nobles et imposantes, et que j’ai, sans vanité, sur les agréments, un visage assez disciplinables, les Amours se seront imaginés que nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre.


arlequin

Tomber amoureux. Oh ! Pour celui-là, je ne l’avais pas encore entendu.


mademoiselle raffinot

Hé, oui tomber amoureux. Ne dit-on


pas tomber malade ? Or, comme l’amour est une maladie, on doit dire tomber amoureux et tomber en amour, comme tomber en apoplexie.


arlequin

Laissons-là le terme et revenons à Dorimon.


Air : Si l’on menait à la guerre

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Informations sur cet air

Il paraît, ma bonne dame,
Qu’avec ce joli mortel,
Vous abandonnez votre âme
À son geste naturel.

C’est-à-dire, en bon français, que je crois que vous avez de l’amour pour lui.


mademoiselle raffinot

Non, je n’en ai point. Cela est décidé. Il est bien vrai qu’un sentiment d’estime vif et délicat nous uniformise l’un et l’autre.


Air : Eh ! Ne vous estimez pas tant

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Informations sur cet air

Nous nous estimons fortement.
arlequin
Eh ! Ne vous estimez pas tant !
mademoiselle raffinot
Au point que pour nous un moment
D’éloignement,
Est un tourment.
arlequin
Ah ! Ne vous zeste, zeste, zeste,
Eh ! Ne vous estimez pas tant !

Tudieu ! Voilà un sentiment s’estime à vingt-quatre carats !


M.Charlot

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Informations sur cet air

Qu’il est joli !
Qu’il est gentil,
À l’Amour il ressemble, on dirait que c’est lui.
mademoiselle raffinot

Allez, mon cher, vous jugez mal de la figure de mes sentiments. La lorgnette de votre pénétration est trouble.


arlequin

Tirez, tirez, Madame la précieuse. Les Amours vous feront bien voir que vous jouissez frauduleusement de leurs biens.


mademoiselle raffinot, en colère

Vous êtes un insolent ! Si les femmes portaient à leur côté un fardeau secourable, je vous le passerais au travers du corps


Elle se retire.
arlequin

Quelle amazone de Parnasse !... Il vaudrait mieux qu’elle eût à la tête un fardeau de bon sens.


Scène xi

Arlequin, Farinette boulangère, représentée par Pierrot

farinette, à la cantonade

Vous êtes des malavisés d’en agir de la manière avec madame Farinette. Voyez donc ces pestes d’Amours.


Air : Est-ce ainsi qu’on prend les belles

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Informations sur cet air

Je vous couperai les ailes,
Je me vengerai, ma foi !
Pour me mettre en leurs nacelles,
Trois se sont jetés sur moi.
Est-ce ainsi qu’on prend les belles ?
Lonlanla,
O gué lonla.
arlequin, à part

Ho-ho ! Voilà une grosse boulangère bien fâchée.Haut. Remettez-vous, ma poule-d’Inde.


farinette

Air : Réveillez-vous, belle endormie

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Informations sur cet air

Les Amours sont de sottes bêtes !
Je ne suis point de leur gibier.
arlequin, à part
Oh ! Par ma foi, si vous en êtes,
Je ne serai pas braconnier.
farinette

Air : Landeriri

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Informations sur cet air

Que me veux-tu dans ce séjour ?
Je n’ai jamais senti d’amour.
arlequin
Landerirette.
farinette
Pas même pour feu mon mari.
arlequin
Landeriri.
farinette

Air : N’aurai-je jamais un amant

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Informations sur cet air

Je ne veux point avoir d’amant,
J’ai tout ce qu’il me faut.
Et si j’en voulais, vraiment,
J’en trouverais aisément.
Et toutes en ont,
Et la Madelon,
Et la Jeanneton,
Et la Margoton,
J’ai mon tire-lire,
Boutefire,
Vironfa. Si quelque sire
Vient me raisonner...er,
Je sais que lui donner.
Elle donne, par démonstration, un soufflet à Arlequin.
arlequin, portant la main à sa joue

Doucement, Madame Farinette ! Je ne vous dis mot, et n’ai aucune envie de vous en conter.


farinette

Tredame ! Vous êtes bien dégoûté ! Je suis pourtant la perle de Gonesse.


arlequin

Vous êtes une perle furieusement ronde.


farinette

Que dites-vous de ces friponniers d’Amours, qui m’ont entraînée ici ?


arlequin

Apparemment qu’ils sont fondés en raisons.


farinette

Ils disent comme ça que je suis embéguinée de Thomas mon mitron, et si pourtant je n’ai que de la reconnaissance pour lui.


arlequin

Et sur quoi soupçonnent-ils cela ?


farinette

Que sais-je moi ? C’est peut-être parce que je lui chante tous les matins :


Air : Ah ! Thomas, réveille-toi

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C’est trop longtemps dormir, ma foi,
Ah ! Thomas, réveille-toi !
Je te donnerai de l’emploi.
Thomas !
Ah ! Thomas, réveille, réveille,
Ah ! Thomas, réveille-toi !
arlequin

C’est, sans doute, un joli garçon que ce Thomas-là.


farinette

Oh, dame ! Oui.


Air : Hé, dru, dru, dru

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C’est un petit brunet trapu,
À la fleur de son âge.
Il fait le gros et le menu
Lui seul dans mon ménage.
Hé, dru, dru, dru !
Je n’en ai jamais vu
De si rude à l’ouvrage.
arlequin

Je vous en félicite.


farinette

Air : Il va son train

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Il blute sa farine,
Dès la pointe du jour,
Pétrit, fait la cuisine,
Et met la pâte au four.
Mon gros Thomas,
N’est jamais là ;
Il va son train
Soir et matin.
arlequin

Oh, diable ! Madame Farinette, c’est un trésor que ce mitron-là ! Vous ne pouvez avoir trop de reconnaissance pour un si bon ouvrier.


farinette

Aussi en ai-je et de la plus fine encore. Je le traite à bouche que veux-tu, il est chez moi à même de tout.


arlequin

Mais s’il prenait envie à quelque boulangère de vous souffler l’infatigable Thomas, que dirait à cela votre reconnaissance ?


farinette

Oh ! Je l’étranglerais, la chienne !


arlequin

Sans doute, à cause du profit qu’il vous fait dans votre boutique.


farinette

Non, ce n’est point l’intérêt qui me mène.


Air : Je n’saurais

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J’aimerais mieux aller nue,
Et coucher même sans draps,
Que d’écus cousue,
Et de vivre sans Thomas.
Je n’saurais
Perdre ce garçon de vue,
J’en mourrais.
arlequin

Ouida ! Ho-bien, Madame Farinette,


donnez-vous la peine de vous rendre au camp. Votre reconnaissance est d’une pâte à devoir être enfournée dans les registres de Cythère.


farinette

J’y vais, mais nous verrons beau jeu.


Scène xii

Arlequin, Monsieur Pié-de-mouche procureur

mpiedemouche, en colère

Air : Ô reguingué, ô lonlanla

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Je ne souffrirai pas ceci :
Je vais bien plaider, dieu merci,
Car je crois qu’on trouve à Cythère
Plus d’un honnête commissaire.
arlequin

Air : De quoi vous plaignez-vous

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De quoi vous plaignez-vous
mpiedemouche
Je leur en dira de belles !
arlequin
De quoi vous plaignez-vous
mpiedemouche
C’est de certains filous,
Armez de flèches cruelles,
En main portant des brandons,
Et sur le dos des ailes.
Oh ! Les maîtres fripons !
arlequin

Comment diable ! Vous voulez intentez un procès aux Amours !


mpiedemouche

Sans doute. Je suis la partie et le procureur.


arlequin

Votre affaire n’en ira pas mieux.


mpiedemouche

Je m’appelle Maître Jean-Gille Pié-de-mouche. Mon nom est fort célèbre dans les greffes du palais.


Air : Nos plaisirs seront peu durables

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Les manceaux briguent mes services
Des normands, presque aussi malins,
J’ai toujours été les délices.
arlequin
Et la terreur des orphelins.
mpiedemouche

Air : Laire la, laire lanlaire

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Dans ces lieux je viens à regret.
arlequin
Y venez-vous mettre en décret
Le château du dieu de Cythère ?
mpiedemouche, branlant la tête
Laire la, lairelanlaire,
Lairela,
Lairelanla.

Voilà pourquoi je comparais à l’interrogatoire de la revue des Amours. C’est sur un avenir signifié par eux à ma femme. Je viens la revendiquer, comme n’étant pas de la compétence du bailli de Cythère. Il est vrai que Madame Pié-de-mouche m’aime, mais l’amour conjugal n’est pas justiciable de l’amour galant, quoiqu’il s’empare souvent de l’usufruit de ses biens.


arlequin

Mais, Monsieur Pié-de-mouche, êtes-vous


bien assuré que l’amour conjugal soit le seul amour qui appointe les affaires de Madame Pié-de-mouche ?


mpiedemouche

Révoquez vos soupçons diffamatoires, mon ami. Ma femme est fort retirée. Point de bal pour elle, point de promenade, point de spectacle.


arlequin

Ah ! Que dites-vous là !


mpiedemouche

Point même de Quadrille.


arlequin

Mais cela n’est pas possible.


mpiedemouche

Air : Ma raison s’en va bon train

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Elle vit fort simplement :
Elle se met fort proprement,
Mais modestement,
Très bourgeoisement,
Et n’est point orgueilleuse.
On ne la prendrait pas, vraiment,
Pour une procureuse, lonla
Pour une procureuse.
arlequin

Oh, diable ! Cela suppose une femme gonflée de vertu.À part. Les Amours auraient-ils fait un pas de clerc ?


mpiedemouche

Air : Voulez-vous savoir qui des deux

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Ma femme fait tout son bonheur
De suivre les lois de l’honneur,
Elle n’en passe point les bornes.
arlequin
Serait-il possible en effet
Que vous n’eussiez point d’autres cornes
Que celle de votre bonnet ?
mpiedemouche

C’est de quoi je puis me flatter. Entre nous, je ne connais point à Madame Pié-de-mouche d’autre passion, après l’amour qu’elle a pour moi, que la haine qu’elle porte à mon Maître Clerc.


arlequin

Comment ? Elle hait votre Maître Clerc !


mpiedemouche

Air : Robin, turelure lure

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Toujours après ce garçon
Elle tempête, elle jure,
Le tourmente sans raison.
arlequin
Turelure !
mpiedemouche
Il souffre tout sans murmure.
arlequin
Robin, turelure, lure.
mpiedemouche

J’ai beau la prier de le laisser en repos, elle le persécute sans cesse. C’est une femme insupportable là-dessus.


Air : Aïe, aïe, aïe, Jeannette

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Je n’ai pu jusqu’aujourd’hui
En réformer les manières.
Elle a, par rapport à lui,
Chassé quatre cuisinières.
arlequin
Aïe, aïe, aïe !
mpiedemouche
Qui n’étaient point fières.
arlequin
Jean-Gille, aïe, aïe, aïe !

Parbleu ! Il faut que Madame Pié-de-mouche ait bien de l’aversion pour ce Clerc-là.


mpiedemouche

Cela n’est pas concevable. J’ai voulu plus d’une fois, par considération pour ma femme, me défaire de lui ; mais elle s’y est opposée en me disant : Non, mon fils, je ne veux point absolument que, pour l’amour de moi, vous chassiez un homme qui fait bien vos affaires. Je sacrifie ma haine à votre utilité.


arlequin

Vous avez là une femme de tête, Monsieur Pié-de-mouche.


mpiedemouche

Je vous en réponds. Elle est d’une politique... Croiriez-vous que, malgré l’aversion qu’elle a pour ce Clerc, elle lui sert ce qu’il y a de meilleur sur la table.


arlequin

Ah ! Quelle haine !


mpiedemouche

Après cela, qu’on vienne me dire que les Amours sont bien fondés dans la sommation qu’ils ont faite à ma femme.


arlequin

Ils ont mal expliqué son aversion.


mpiedemouche

Oh ! Je leur montrerai bien leur bec jaune, à ces petits drôles-là ! Je leur apprendrai à se jouer à un procureur. Je leur ferai manger en frais jusqu’à leurs flèches et leurs carquois.


arlequin

Air : Jean-Gille

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Informations sur cet air

Ah ! Modérez votre bile,
Jean-Gille
Gille, joli Jean !
Chez vous, en mari docile,
Jean-Gille,
Gille, joli Gille,
Gille, joli Jean,
Joli Jean, Jean-Gille,
Retournez-vous en.
mpiedemouche

Pourquoi cela ?


arlequin

Peut-être qu’en ce moment Madame Pié-de-mouche étrangle votre Maître Clerc, à force de le haïr. Il lui montre les cornes.


mpiedemouche

Vous êtes un mauvais plaisant.


arlequin

Et vous un coucou.


Le procureur veut maltraiter Arlequin, qui le chasse à coups de batte.

Scène xiii

Arlequin, Léandre

arlequin

Hé bien, l’artifice a-t-il réussi auprès de votre belle cousine ?


léandre

Je n’ai pas pu la rencontrer encore... Mais cela est heureux, je la vois qui s’approche. Elle est seule.


arlequin

Je vous laisse avec elle. Profitez de l’occasion. Pendant ce temps-là, je vais voir si tout est prêt pour notre revue.


Scène xiv

Léandre, Colette

léandre

Comment donc, ma cousine ? Vous, à Cythère !


colette

Air : Qui veut se mettre en ménage

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Informations sur cet air

J’en suis moi-même étonnée,
Et je ne sais pas pourquoi
Les Amours m’ont amenée
Dans cette île, malgré moi
Fort sujets à se méprendre,
Ont-ils cru, ces petits fous,
Qu’on ne pouvait se défendre
D’un amant fait comme vous ?
léandre

Ils auraient tort. Et ils n’ont pas effectivement raison de vouloir que vous paraissiez à leur revue, vous qui n’êtes


sensible aux soupirs d’aucun amant, et qui voyez, sans pitié, jusqu’à votre cousin mourir d’amour pour vous.


colette

De grâce, Léandre, ne me parlez plus sur ce ton-là.


léandre

Air : De mon pot, je vous en réponds

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Informations sur cet air

Quoi ? Sans cesse à mon ardeur
Opposer la rigueur !
colette
Vous me verrez toujours la même.
Si vous voulez que je vous aime,
D’amitié, je vous en réponds,
Mais pour d’amour, non, non.
léandre

Ah ! C’en est trop, cruelle ! Vous me poussez à bout. Hé bien...


Air : Vous me l’avez dit, souvenez-vous en

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Informations sur cet air

Votre ordre est exécuté,
Je ne suis dans ce moment,
Puisqu’il ne faut plus être votre amant,
Je ne suis dans ce moment
Que votre ami seulement.
colette

J’en suis ravie.


léandre, vivement

Non, que votre ami, au pied de la lettre.


colette

À la bonne heure.


léandre, avec agitation

J’ai déjà gagné sur moi de n’avoir plus pour vous qu’un simple, qu’une tranquille amitié.


colette

C’est fort bien fait.


léandre

Je ferai encore mieux. Je vais porter à une autre la tendresse que j’avais pour vous.


colette

À vous permis.


léandre

Air : Nanon dormait sur la verte fougère

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Informations sur cet air

De mon amour
Vous triomphez, Colette ;
Et, dès ce jour,
De la jeune Lisette
Je deviendrai l’amant.
colette, saisie
J’en ai... j’en ai... j’en ai bien du plaisir, vraiment.
léandre

Adieu. Je vais chercher mes nouvelles amours.


Il fait trois ou quatre pas, comme pour s’en aller.
colette

Bon voyage... Elle rêve un moment et appelle Léandre. Mais attendez, Léandre, attendez.


léandre, revenant

Vraiment, non. Je n’ai pas dessein de cesser de l’être.


Il fait quelques pas, comme pour se retirer.
colette, après avoir rêvé, le rappelle encore

Mon cousin ! Encore un mot.


léandre, froidement

Que vous plaît-il ?


colette, troublée

Je ne sais plus ce que je voulais vous dire... Ha ! Voici ce que c’est. Promettez-moi que vous serez toujours plus attaché à Colette par votre amitié, qu’à Lisette par votre amour. Je vous demande cela, au moins.


léandre

Vous exigez de moi une chose impossible. L’amour est une passion impérieuse, qui veut occuper la première place.


colette

Air : Vous m’entendez bien

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Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

Puisque vous le prenez par là
Mon cousin, Colette fera
Ce qu’il faut qu’elle fasse
léandre
Hé bien ?
colette
Pour avoir cette place...
Vous m’entendez bien.
léandre, lui baisant la main

Ah ! Ma chère Colette, vous l’avez toujours eu et vous ne la perdrez jamais.


Scène xv

Colette, Léandre, Arlequin

arlequin

À quel chapitre en êtes-vous, mes enfants ?


léandre

Au chapitre de l’amour déguisé en amitié.


arlequin

Bon !


colette

Que j’étais folle d’attribuer à la simple amitié tout ce que je sentais pour Léandre !


Air : Ce sont les Amours

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Informations sur cet air

L’amitié peut-elle
Faire naître en nous
Des plaisirs si doux ?
Une ardeur si belle ?
Ce sont les Amours
Qui font les beaux jours.
tous trois, ensemble
Ce sont les Amours
Qui font les beaux jours.
On entend un son confus de plusieurs instruments.
arlequin

Voici les Amours qui se préparent à faire leur revue. Ils vont débuter par des chants et des danses. C’est ordinairement par là que commence et se termine l’exercice des Amours.


Scène xvi

et dernière Léandre, Colette, Arlequin, troupe d’amants de toutes les nations, troupe d’amours et de plaisirs.

On danse, après quoi on chante le vaudeville.
vaudeville

Air : Monsieur l’abbé

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Informations sur cet air

1
À l’enfant de Vénus,
Quand ses traits sont connus
L’on refuse la porte.
Contre lui l’on s’emporte.
L’aspect de Cupidon
Effarouche un tendron :
Mais qu’il emprunte un nom,
Une allure, un jargon,
Le cœur le plus fantasque
Trouve l’amour
Tourelourelour,
Fort joli sous le masque.
2
Qu’un jeune cavalier,
Sur un ton d’écolier,
Cajole sa voisine,
On lui fera la mine.
Quand le drôle plus fin,
Lui dit, d’un ton badin :
Rions, soir et matin,
Je suis un bon voisin.
Ne craignez point de frasque.
Ce sont les Amours
Qui font les beaux jours.
Ah ! Que l’amour,
Toureloureloure,
Est joli sous le masque !
3
Un objet innocent
Fuit un blondin pressant
Et se plaint à sa mère
De ce qu’on veut lui plaire.
Mais qu’un cousin bouffon
S’y prenne sans façon,
La belle sans soupçon,
Cousine outre raison ;
Son cœur est comme un basque.
Ah ! Que l’amour,
Tourelourelour,
Est joli sous le masque !
4
Le guerrier, en amour,
Marche au bruit du tambour,
Et souvent sont audace
Lui fait manquer la place.
Mais un abbé discret,
Sans dire son secret,
Va doucement au fait,
Et le Petit-collet
L’emporte sur le casque.
Ah ! Que l’amour,
Tourelourelour,
Est joli sous ce masque !
5
Les antiques galants,
Muguets à cheveux blancs,
Ont beau cacher leurs nuques
Sous de noires perruques
On souffre le barbon,
Qui lache le teston,
mais lorsque le grison
Ne soutient d’aucun don
L’offre d’un cœur trop flasque,
Ma foi, l’amour,
Toure reloure lour,\versfaux[Il y a une syllabe en trop. Il est probable que la répétition du "re" soit une erreur d’impression.] \SR
N’est pas beau sous le masque.
6
Aux spectateurs.
Que votre jugement
Nous traite doucement :
Messieurs, votre indulgence
Est notre récompense.
Si nos auteurs peureux,
Par un succès heureux,
Voient combler leurs vœux,
Si ce jour dangereux
S’achève sans bourrasque,
Ah ! Dès ce jour,
Tourelourelour,
Ils lèveront le masque.
Fin

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