Fanfale

Auteurs : Favart (Charles-Simon)
Lefèvre de Marcouville (Pierre-Augustin) dit Marcouville
Parodie de : Omphale de La Motte et Destouches
Date: 8 mars 1752
Représentation : 8 mars 1752 Comédie-Italienne - Hôtel de Bourgogne
Charles-Simon Favart et Pierre-Augustin Lefèvre de Marcouville

Fanfale


Parodie d’Omphale, en cinq actes, avec des divertissements
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le mercredi 8 mars 1752
Paris, N.B Duchesne, 1759, Théâtre de M. Favart, t.1, Paris, Duchesne, 1763

Acteurs


Occide, commandant des housards : Monsieur Rochard
Titi, lieutenant des housards : Madame Deshayes
Fanfale, dame du village : Madame Favart
Grisemine, sorcière : Monsieur Chanville
Le premier marguillier : Monsieur Desbrosses
Lisette, suivante de Fanfale : Mademoiselle Catinon
Mimi, suivante de Fanfale : Mademoiselle Astraudi, C
Paysans, houzards, braconniers, diables, monstres, etc

Fanfale


Acte i

Le théâtre représente un village. On voit d’un côté le château de Fanfale et de l’autre le lieu où l’on rend la justice.

Scène i

Titi seul

titi

Air : Adieu mon cher la Tulipe

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L’amour qui me cherche noise
Remplit mon cœur de son feu,
Cela me rend, ventrebleu,
D’une humeur triste et sournoise.
S’enflammer pour sa bourgeoise,
C’est le jeu.
Mais je risque un peu...

Air : J’ai perdu ma liberté

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Sans songer à mon état,
Follement je m’engage :
Fanfale, pour un soldat,
Est d’un trop haut étage :
Mais malgré sa dignité,
Son air fripon m’attire.
Ah ! quelle étrange cruauté
D’aimer sans l’oser dire.
On joue la marche des dragons.

Air : Nous autres bons villageois

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Je ne songe qu’à l’amour,
Tandis qu’Occide suit la gloire ;
J’entends le bruit du tambour
Qui nous annonce sa victoire.
Occide est un fier commandant,
Moi, son poltron de lieutenant.
Je sers sous un grand général.
Mais, ma foi, je l’imite mal.bis

Scène ii

Occide, Titi, housards de la suite d’Occide

La symphonie joue d’abord la marche suivante, avec un accompagnement de tambour.
occide
Des insolents ont bravé
La dame du village ;
Mais en ce jour, ils ont tous éprouvé
L’effet de mon courage.
Retenez prisonniers
Les braconniers,
Prenez soin de leurs armes.
Au milieu de nos jeux
Tantôt je veux
Les offrir à ses charmes.
Çà, préparez-vous, il faut mes enfants
Donner un bouquet à Fanfale,
La bonne dame depuis longtemps
Chez elle nous régale.
Les housards sortent.

Scène iii

Occide, Titi

occide

Air : Mais je sens mon cœur qui soupire


Des fureurs d’un loup plein de rage,
Mon bras a sauvé ces cantons.
J’ai purgé tout le voisinage
De braconniers et de fripons.
Cher Titi.
titi
Que voulez-vous dire ?
occide
Ah !
titi
Seigneur, à votre bonheur
Tant d’exploits ne peuvent-ils suffire ?
occide
Entends-tu mon cœur qui soupire ?

Air : Vous en venez

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Que sert une gloire si belle ?
L’amour me tourne la cervelle.
titi
Ah ! ma foi, vous me surprenez.
Vous en tenez,
Vous en tenez,
Oui, je vois bien que vous en tenez,
Que vous en tenez.
occide

Air : Jean Gille, mon gendre


Oui, mon penchant m’entraîne
Vers l’objet le plus doux.
titi
Que ne le suivez-vous
Mon brave Capitaine ?
occide

Air : Parbleu, c’est une autre affaire


J’aime d’un amour timide.
titi
Je ne connais plus Occide,
Quel objet vous attendrit ?
occide
Fanfale a trop su me plaire,
Et j’en perds l’esprit.
titi
C’est une autre affaire.

Air : Ce sont les filles de la chapelle


Souvenez-vous que Grisemine
Vous a suivi dans vos exploits ;
Elle est pire que Proserpine,
Sur votre cœur elle a des droits.

Air : À l’envers

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Un hymen avec son calcul
Devient nul.
Elle fait tonner, pleuvoir,
Tout mouvoir
Elle met tout l’univers
À l’envers.
occide

Air : J’aime une jeune brunette


D’un objet rempli de charmes
On veut fuir l’attrait vainqueur ;
La fierté qui prend les armes
N’en défend pas notre cœur :
On sent un trouble en soi-même,
On commence à s’alarmer,
Mais, hélas ! déjà l’on aime
Sitôt que l’on craint d’aimer.
titi

Air : Ici l’on fait ce que l’on veut


Occide chante des brunettes !
Ce guerrier qui répand l’effroi
Débite aujourd’hui des sornettes !
Il est presque aussi sot que moi.
Prélude

Air : Je ne sais pas écrire


Tout le hameau vient en ces lieux
Chanter vos exploits glorieux
D’une ardeur sans égale.
Vous rendez ces manants heureux,
Voyez leurs danses et leurs jeux.
occide
Je ne vois que Fanfale.

Scène iv

Occide, Fanfale, Titi, les marguilliers, troupe de paysans

Marche des paysans qui viennent saluer Occide
fanfale

Air : L’amour comme Neptune


On chassait sur ma terre
Comme chez un bourgeois.
Votre valeur guerrière
Partout soutient mes droits.
Vous avez pris d’emblée
Les braconniers de ces lieux.
Quels exploits glorieux !
C’est en agir au mieux.
Ah ! j’en suis vraiment comblée.
Il faut, Monsieur,
Vous faire honneur.
On danse.
fanfale

Air : Gai, gai, mon officier


Votre rare vaillance
Ne saurait s’oublier
Et la reconnaissance
À vous doit nous lier.
chœur
Gai, gai, gai mon officier,
Je v’nons vous remarcier.
Le Marguillier
Écoutez la harangue
Du premier marguillier ;
J’avons trop bonne langue
Pour rester le dernier.
chœur
Gai, gai, [gai mon officier,]
[Je v’nons vous remarcier.]
Le Marguillier
Tout’ nos maréchaussées
N’valont pas un denier,
Vous purgez les chaussées
De tout aventurier.
chœur
Gai, gai, [gai mon officier,]
[Je v’nons vous remarcier.]
Le Marguillier
Un loup fort malhonnête
Désolait ce quartier ;
Vous avez tué la bête,
Gn’ia qu’à vous en prier.
chœur
Gai, gai, [gai mon officier,]
[Je v’nons vous remarcier.]
Le Marguillier
Quand un lapin ravage
Les choux d’un jardinier,
Occide avec courage,
Le met dans son clapier.
chœur
Gai, gai, [gai mon officier,]
[Je v’nons vous remarcier.]
Le Marguillier
Quand un sanglier gâte
Le bien de not’ grenier,
Vous le mettez en pâte,
Et l’mangez tout entier.
chœur
Gai, gai, [gai mon officier,]
[Je v’nons vous remarcier.]
Le Marguillier
Vous avez pour la pêche
Débourbé not’ vivier.
Cette bonne œuvre empêche
Les crapiaux de crier.
chœur
Gai, gai, [gai mon officier,]
[Je v’nons vous remarcier.]
occide
Peste soit de la fête,
C’est assez m’ennuyer,
Vous me rompez la tête,
Je demande quartier.
chœur
Gai, gai, gai mon officier,
C’est pour vous remarcier.
fanfale

Air : Ma tourelourette, en amourette


Des cœurs les plus reconnaissants !
Des cœurs les plus reconnaissants !
occide
Ah ! si vous partagiez mes feux,
Ma tourelourette,
En amourette,
Vous sauriez qu’il est pour nous deux
Des moments plus heureux.
fanfale

Air : Tu croyais, en aimant Colette

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Il suffit ; de votre tendresse
Vous parlerez une autre fois.
Allez au Greffe, et qu’on y dresse
Procès-verbal de vos exploits.
Le chœur et Fanfale, en reconduisant Occide, reprennent :

Air : Gai, gai, mon officier


Votre rare vaillance
Ne saurait s’oublier,
Et la reconnaissance
À vous doit nous lier ;
Gai, gai, gai mon officier,
C’est pour vous remarcier
finacte

Acte ii

Le théâtre représente l’appartement de Fanfale, plusieurs filles sont occupées à différents ouvrages.

Scène i

Fanfale, Lisette, Mimi

fanfale, faisant des nœuds

Air : Faites joujou, brunette


Travaillez donc, fillettes,
Travaillez donc,
En parlant de vos amourettes,
Le temps vous paraîtra moins long.
Travaillez donc, fillettes,
Travaillez donc.
lisette

Air : De tous les capucins du monde

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Madame, je vous félicite,
Occide est d’un rare mérite.
Soyez sensible à son ardeur.
mimi
Pour vos appâts quelle victoire !
D’avoir les prémices d’un cœur
Qui n’a rien aimé que la gloire.
fanfale

Air : Vous m’en contez, vous m’amusez toujours


Vous ignorez tous ses exploits :
Savez-vous que le fin matois
Eût cinquante objets à la fois ?
Il voltigeait,
Il s’engageait
Toujours,
Et dans la ville et les faubourgs,
On conte de ses tours.
lisette et mimi, ensemble

Air : Ton humeur est, Catherine

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L’honneur de vous voir sa femme...
fanfale
Cet honneur ne suffit pas.
lisette et mimi, ensemble
Un héros qu’Amour enflamme
A toujours assez d’appâts.
fanfale
Mais mon goût n’est pas le vôtre.
lisette et mimi, ensemble
Il est digne de vos feux.
fanfale
Ah ! partez l’une après l’autre
Ou taisez-vous toutes deux.

Air : Si j’avais connu monsieur de Catinat

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De mes amants, Occide est le plus glorieux,
Mais n’est-il point d’objet plus aimable en ces lieux ?
lisette
Aimeriez-vous Titi ?
mimi
Madame, vous riez.
fanfale
En devinant mon choix vous le justifiez.

Air : Babet que t’es gentille

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Occide et ce garçon
Font un parfait contraste :
L’un a l’air d’un Gascon,
L’autre est simple et sans faste ;
Son maintien décent,
Son air innocent
Est la nature même.
Son cœur n’est point encor formé,
L’Amour ne l’a point animé ;
Puisqu’il n’a pas encor aimé,
Hé bien, c’est lui que j’aime.bis

Air : Pour la jeune Annette


Pour un militaire,
Qu’il est d’un bon caractère !
Sa timidité
Gagne beaucoup sur ma fierté.
En baissant la vue,
Sa voix est émue.
Un petit collet
Serait moins discret.
On vient, c’est lui-même.
Tâchons de savoir s’il aime ;
Sans l’effaroucher,
Voyons si j’ai pu le toucher.
Lisette et Mimi se retirent dans le fond du théâtre.

Scène ii

Titi, Fanfale, et les précédents dans le fond du théâtre

titi

Air : En passant sur le Pont-Neuf


Notre brave commandant
Va venir dans un instant.
Pour le jour de votre fête,
Il s’est mis d’un air coquet.
Avec ses gens il s’apprête
À vous donner un bouquet.
fanfale

Air : Approchez, mon aimable fille


Ah ! vraiment, il est fort honnête ;
Mais j’ai bien autre chose en tête,
Que de songer à son cadeau.
titi
Oh ! oh !
fanfale
Occide m’aime avec tendresse,
De ses soins amoureux je lui sais peu de gré.
titi
Hé ! hé !
fanfale
Un objet m’intéresse,
Sur tout autre il l’emportera.
titi
Ah ! Ah !
fanfale
J’avouerai ma faiblesse,
Mais je sens que mon cœur est pour jamais épris.
titi
Quoi ? tout de bon ?... ma foi, tant pis.
fanfale, à part

Air : Je n’y puis rien comprendre


Je croyais qu’il dirait tant mieux.
À Titi.
D’où vous vient cet air de tristesse ?
titi
Un autre amant charme vos yeux !
D’un ami je plains la tendresse.
fanfale
Vous êtes bon !
Pauvre garçon !
Ah ! mon cœur est trop tendre...
Titi devrait m’excuser.
titi
Non.
fanfale
Il ne peut rien comprendre.
titi

Air : Quel mystère


Ah ! Madame,
Ma douleur vous en dit assez.
fanfale
Parlez.
titi
Oh ! Dame !
Ah ! Madame...
fanfale
Vos propos sont embarrassés.
Les yeux baissés,
Qu’est-ce que vous pensez ?
titi
Ah ! si vous lisiez dans mon âme...
C’est que... c’est que je voudrais...
fanfale
Achevez.
titi
Je n’oserais.
fanfale
Toujours craindre !
Faut-il donc se déconcerter ?
À part.
Il est à peindre !
À Titi.
Pourquoi feindre ?
À part.
Quel cœur pourrait lui résister ?
Il rêve, il est distrait.
À Titi.
Avez-vous quelque secret ?
Pourrait-on vous servir ?
Mais, mais pourquoi donc rougir ?
On ne sait ce que c’est.
Cet air me déplaît.
Ça, regardez-moi :
Quoi ! expliquez-vous.
titi
Madame,
Un feu que je ne puis cacher
Trouble mon âme.
Cette flamme...
fanfale
Hé bien ?
titi
Vous allez vous fâcher.
fanfale, vivement
airvide
Que dites-vous ?
titi
Je vous offense,
Mais hélas ! de grâce, excusez.
Je sens mon tort : vous vous taisez !
C’est un arrêt que ce silence.
fanfale
Ah ! quel imbécile est-ce là !
Récitatif
titi
Je m’en irai, ma belle Dame,
Puisque vous condamnez ma flamme.
fanfale
Mais je ne vous dis pas cela.

Air : Sur le pont d’Avignon

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Informations sur cet air

Arrêtez...
À part.
Son rival trouble le tête à tête !
C’est bien à contretemps qu’il m’amène une fête.

Scène iii

Occide, Fanfale, travailleuses, housards qui amènent des braconniers

divertissement
occide

Air : Quand je vous ai donné mon cœur

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Informations sur cet air

Voyez tous ces fripons soumis
Qu’ici l’on vous amène.
fanfale
En liberté qu’ils soient remis.
occide
Vous êtes bien humaine !
Que gardez-vous à vos amis ?
Un doux espoir m’est-il permis ?
À sa suite.

Air : Sans le dieu de la tendresse


À la dame du village,
Amis, rendez les honneurs.
À Fanfale.
Dans leurs jeux voyez l’image
De mes plus vives ardeurs.
Pour garant d’un tendre hommage,
Prenez ce monstre et ces fleurs.
Occide donne un bouquet à Fanfale et lui fait présenter le loup qu’il a tué et les fusils de braconniers.
Danse des housards.
occide, prend le panier à ouvrage de Fanfale et chante en faisant des nœuds

Air : Quel voile importun le couvre


Il faut, pour charmer les belles,
Suivre leurs plaisirs,
N’avoir que leurs désirs :
En nous amusant comme elles,
Nous formons nos nœuds ;
L’amour nous rend heureux.
Un cœur altier n’est plus le même,
Quand d’un objet il est épris.
L’amant devient tout ce qu’il aime,
Un doux retour en est le prix.
Il faut, pour charmer les belles,
Suivre leurs plaisirs,
N’avoir que leurs désirs :
En nous amusant comme elles,
Nous formons nos nœuds ;
L’amour nous rend heureux.
Les filles de la suite de Fanfale quittent leurs ouvrages et dansent pendant que les housards travaillent à leur place.
vaudeville
occide
Des faveurs que l’Amour vous donne,
Usez avec ménagement ;
Si trop tôt ce dieu vous couronne,
Il perd ce qu’il a de charmant :
Prenez cette leçon utile :
On n’éteint jamais les désirs,
Lorsque l’on file,
Lorsque l’on file les plaisirs.
fanfale
Ce n’est qu’à la délicatesse
Que nous devons l’art de jouir.
Sans elle, à la moindre faiblesse
On voit l’amour s’évanouir :
Que le bonheur soit difficile ;
On n’éteint jamais les désirs,
Lorsque l’on file,
Lorsque l’on file les plaisirs.
occide
Le doux attrait de l’espérance
De l’amour devient le soutien ;
L’attente de la récompense
De deux cœurs serre le lien ;
Mais qui se presse est malhabile :
On n’éteint jamais les désirs,
Lorsque l’on file,
Lorsque l’on file les plaisirs.
fanfale
Beauté que le penchant engage
À rendre un amant plus heureux,
Craignez, si vous êtes peu sage,
Qu’un jour n’amortisse ses feux.
À ses vœux soyez moins docile ;
On n’éteint jamais les désirs
Lorsque l’on file,
Lorsque l’on file les plaisirs.
Entrée d’allemandes.
Les filles de la suite de Fanfale vont prendre les housards, leur attachent des quenouilles et dansent avec eux en les faisant filer. On entend le bruit du tonnerre ; Grisemine descend par la cheminée.
fanfale

Air : Je ne suis pas assez beau, oh ! oh !


Quel tonnerre ! quels éclats !
Ah ! ah !
Mon âme en est étonnée.
occide
Grisemine avec fracas
Ah ! ah !
Descend par la cheminée.

Scène iv

Grisemine, les acteurs précédents et des diables

grisemine
Ne crois pas
Qu’impunément on m’offense.
Lutins, servez ma vengeance ;
Troublez ce galant cadeau.
chœur
Oh ! oh ! oh ! oh !
Sortons vite du château.
Les diables mettent le feu aux quenouilles et brisent les ouvrages. Fanfale et toute sa suite s’enfuient.

Scène v

Grisemine, Occide

grisemine

Air : Chacun vient ici pêle-mêle


Tu m’as fait parcourir l’Allemagne,
La France, l’Espagne,
Mais je te tiens ;
J’ai fait mainte campagne
Comme ta compagne :
Peux-tu briser ton lien ?
J’aime à la housarde ;
Morbleu je poignarde
Ton cœur et le sien,
Si Fanfale hasarde
D’avoir mon bien.
occide

Air : C’est ici qu’on sait bien aimer


L’amour est timide et tremblant,
Près d’un objet qui l’intéresse ;
Mais il cesse d’être un enfant,
Quand on veut troubler sa tendresse.
Des jaloux sitôt qu’il se plaint,
Son audace est extrême ;
Un amant ne craint
Que ce qu’il aime.

Air : Deux beaux yeux n’ont qu’à parler


En vain pour fuir le tourment
D’être amant,
J’évitais tout engagement ;
La beauté commande à nos âmes,
Peut-on la voir et ne pas se troubler ?
Pour inspirer de vives flammes,
Deux beaux yeux n’ont qu’à parler.
grisemine

Air : Il n’est pire eau que l’eau qui dort


Si c’est ton sort d’avoir une maîtresse,
Pourquoi ton feu pour moi s’est-il usé ?
Mes yeux parlaient, mes charmes, ma tendresse,
Ne t’auraient que trop excusé.

Air : Que n’a-t-elle un nez vilain, menuet


Toi qui m’a juré cent fois,
Que ton cœur brûlait d’un feu Grégeois ;
Que tu vivrais toujours sous mes lois,
Tu veux t’engager en tapinois,
Tu veux faire un autre choix :
Et moi, je soufflerais dans mes doigts !
Non, non, amant ingrat et sournois,
Je soutiendrais mes droits.
Je te rappelle
Ces petits moments si doux
Qui se passaient entre nous,
Quand l’Amour, du vent de son aile
Éloignait les soins jaloux.
Quand j’étais dans mon printemps,
On voyait ton amour tous les ans
S’accroître avec mes appas naissants ;
Tout doit se former avec le temps.
occide
Sur ces attraits si charmants,
L’amour avait écrit mes serments ;
Ne condamnez point les inconstants,
Tout passe avec le temps.

Air : Les cœurs se donnent troc pour troc


Votre esprit en vain s’est flatté
De rendre une ardeur éternelle ;
Les serments faits à la beauté
Ne doivent pas durer plus qu’elle.
duo, ensemble

Air : Ah ! Barnabas


deuxcol,
occide
Ah ! quel tracas !
Cette folle est un martyre.
Jusqu’au trépas
L’aurai-je donc sur les bras ?
Pleure, soupire,
Je n’en fais que rire ;
Gémis, crève, expire,
Cela ne me touche pas.
Ah ! quel tracas !
Cette folle est un martyre.
Ah ! quel tracas !
De l’entendre je suis las.

grisemine


Ah ! quel tracas !
Amour, quel est ton empire !
Jusqu’au trépas,
Gémirai-je dans tes lacs ?
De mon martyre,
Tu ne fais que rire !
Que le traître expire,
S’il ne m’aime pas.
Ah ! quel tracas !
Amour, quel est ton empire !
Jusqu’au trépas,
Gémirai-je dans tes lacs ?
Occide sort.
grisemine

Air : Au bout du monde


Ne crois pas que je sois ta dupe,
Puisqu’un nouvel amour t’occupe,
Par mon art je te troublerai :
Sur la terre et l’onde
Je te poursuivrai
Au bout, au bout, au bout du monde.
finacte

Acte iii

Le théâtre représente les jardins de Fanfale.

Scène i

Fanfale

fanfale

Air : Charmante Gabrielle

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Informations sur cet air

Cher amant je t’appelle,
Je ne crains plus pour moi.
L’amour chez une belle
Est plus fort que l’effroi :
Lorsque le sort la plonge
Dans la douleur,
Son tendre cœur ne songe
Qu’à son vainqueur.

Air : Hélas ! qu’ils sont heureux, ceux


Hélas !
Quel embarras !
Ah ! dois-je encor longtemps garder le silence ?
Hélas ! je n’oserais,
Mais
Mon amant n’osera-t-il jamais ?
Croit-il qu’un tendre avœu
Pour les belles soit une offense ?
Il hésite, il balance,
Il craint : il nous connait bien peu !
Hélas !
Quel embarras ! etc.

Scène ii

Fanfale, Grisemine

grisemine, dans le fond du théâtre, observant Fanfale

Air : J’ai des vapeurs, je me meurs


La voilà seule qui caquette,
Je guette
Pour l’écouter.
fanfale, sans voir Grisemine
Déclarons mon ardeur secrète...
grisemine
Coquette !
fanfale, continue
Sans hésiter.
Sans cette arrivée indiscrète,
J’aurais fait l’aveu
De mon feu.
grisemine, s’approche de Fanfale et la touche de sa baguette
Bon ! touchons-la de ma baguette.
fanfale
J’ai des vapeurs,
Je me meurs.
Fanfale, surprise par le charme de Grisemine, tombe sur un banc de gazon et s’endort.
grisemine

Air : Je sommeille


Ma puissance opère déjà :
Nous sommes seules ; la voilà
Qui sommeille.
Jouissons du plaisir charmant
De la tuer tout doucement,
Sans qu’elle s’éveille.

Air : Faites dodo


Faites dodo
Belle Fanfale,
Faites dodo,
Tirons mon couteau.

Air : Turelututu, rengaine


Oui, dans son supplice
Cherchons mon repos ;
Qu’un seul coup finisse
Sa vie et mes maux.
Elle s’avance pour frapper Fanfale.

Scène iii

Occide, Grisemine, Fanfale endormie

occide, arrachant le poignard à Grisemine

Suite de l’air : Turelututu, rengaine


Turelututu rengaine, rengaine, rengaine.
Pour désarmer ta haine,
J’arrive à propos.
grisemine

Air : Je suis un bon jardinier

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Informations sur cet air

Si tu veux la désarmer,
Cher Occide, il faut m’aimer ;
Ou plonge en mon sein,
Ce fer assassin.

Air : Badinez, mais restez-en là

Voir la partition
Informations sur cet air

Il méprise encor ma tendresse !
Pour me venger de ta maîtresse,
Rends-moi ce fer.
occide
Oh ! nenni-dà ;
Badinez... badinez, mais restez-en là.
grisemine

Air : Ah ! Pierre, ah ! Pierre

Voir la partition
Informations sur cet air

Courons à ma rivale
Pour l’étrangler.
occide
Tout doux.
De ta rage infernale
J’arrêterai les coups.
Fanfale, Fanfale,
Tôt, tôt, réveillez-vous !
Fanfale revient à elle et se lève avec frayeur en apercevant Grisemine.

Air : Ah ! Maman, que je l’ai échappé belle


Ah ! vraiment, vous l’avez échappé belle !
Sauvez-vous mon cœur.
grisemine
Ah ! ma fureur
Est immortelle !
fanfale
Oui vraiment, je viens de l’échapper belle.
Dieux, quelle noirceur !
Fuyons, fuyons, c’est une horreur !
Elle s’enfuit.

Scène iv

Grisemine, Occide

grisemine

Suite de l’air : Ah ! Maman, que je l’ai échappé belle


Elle fuit, mais je vais...
occide
Ah ! Cruelle !
Occide te fuit ;
L’Amour conduit
Mon cœur fidèle.
grisemine
Qu’elle meure.
occide
Tu meurs avec elle.
grisemine, à part
Un pareil danger,
Vaut bien la peine d’y songer.

Air : Tant de valeur et tant de charmes


J’aurais satisfait ma vengeance ;
Occide est venu m’arrêter.
Mon pouvoir eût pu l’écarter.
Que je maudis mon imprudence !
Duo

Air : Que le mal a de dents


deuxcol,
occide
Je frémis d’horreur,
De haine, de rage ;
L’Amour qu’on outrage
Produit la fureur.
Fanfale a mon cœur :
Si ton bras coupable
Ne l’épargne pas,
Mon courroux t’accable ;
Jusques chez le diable,
Je suivrai tes pas.


grisemine
Je frémis d’horreur,
De haine, de rage.
L’amour qu’on outrage
Se change en fureur.
Fanfale a ton cœur !
Elle est trop coupable
Avec tant d’appas.
Que l’Enfer l’accable !
Je ferai le diable,
Ou tu m’aimeras.


Ils sortent.
finacte

Acte iv

Le théâtre représente un caveau.

Scène i

Occide seul

occide

Air : Dans le fond d’un caveau


Dans le fond d’un caveau
Le désespoir m’entraîne ;
Que ce lieu soit mon tombeau.
Jalousie inhumaine,
Tu viens avec ton flambeau
Offusquer mon cerveau.
Fanfale en ce moment
Nous a dit nettement
Qu’elle avait un amant,
Et ce n’est pas moi qui l’enchaîne,
Dieux ! quel tourment
Mais quel rival
Fatal
Fait de mon bien
Le sien ?
Sur qui dois-je éclater ma haine ?
Je n’en sais rien.

Scène ii

Grisemine, Occide

grisemine

Air : Heureuse épée ! ah ! sans elle


Je viens sur tes pas, volage,
Conduite par les amours.
occide
Sa tendresse est une rage.
Quoi ! je la verrai toujours ?

Air : Hélas ! maman, pardonnez, je vous prie


Si vous m’aimez, Madame, je vous prie
De contenter ma curiosité :
Je hais Fanfale, employez la diablerie,
Je veux savoir quel rival m’a supplanté.
grisemine
Si tu la hais, pourquoi donc, je te prie,
Cette indiscrète curiosité ?
occide

Même air


En commençant à la reprise.
Ne craignez rien : ce n’est point par jalousie,
Si je me venge ; ce n’est que par fierté.
Et quand j’aurai satisfait mon envie,
Épousons-nous par curiosité.
grisemine

Air : Pour faire honneur à la noce

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Informations sur cet air

Ne prends point d’autre vengeance
Que de partir et de m’aimer.
occide
Ah ! cessez de vous alarmer ;
Contentez mon impatience.
grisemine, à part
Ayons cette complaisance :
De ton sort je vais t’informer.

Air : La sombre dondaine


Formons un triple cercle,
Et de l’Enfer levons le couvercle :
Faisons un triple cercle,
Venez, accourez tous,
Broux, broux,
Hiboux,
Loups-garous,
Matous.
Cris de chats.

Air : Marche des Bostangis


L’éclat nuit
Aux horreurs que mon art produit.
Point de bruit,
Éclipsons l’astre qui nous luit.
Le jour fuit.
Qu’il succède une affreuse nuit.
Sortez des tombeaux,
Armez-vous de flambeaux,
Esprits follets,
Sur vos manches à balais,
Faites des entrechats.
Dans les airs,
La Lune attentive à mes airs,
En tremblant,
Se couvre d’un voile sanglant.
J’ai le cauchemar,
Mon regard est hagard,
Je touche au but :
Tout l’Univers souffre,
Du funeste gouffre
S’exhale le soufre ;
Chut. Mes sorts glacent d’épouvante
Les Morts :
L’Averne présente
Ses bords,
Où Cerbère tient par son licou.
Au sein de l’Enfer,
Lucifer
M’obéit ;
Il en frémit :
Pour apaiser son dépit,
Vous qui portez son joug
Rendez hommage au bouc.

Air : Je suis fait pour conquérir le monde


Je m’égare...
Ô destin barbare !
Le perfide trahit mon espoir !
L’infidèle
Court de belle en belle,
Et moi seule, je ne puis l’avoir !
Frémis scélérat,
L’Amour punit ton cœur ingrat ;
Ta maîtresse enfin
À ton rival donne la main ;
On prépare le festin.
occide

Air : Je n’en dirai pas le nom

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Informations sur cet air

Quelle affreuse jalousie !
Mon rival... Ah ! quel guignon !
Et ! comment le nomme-t-on ?
Achevez, je vous supplie.
grisemine
Je n’en dirai pas le nom.
occide
À quoi sert donc ta magie ?
grisemine
Je n’en dirai pas le nom,
Mais écoute ma chanson.

Air : Guérissez-moi mon mal, ma chère mère


Que la rage, que la douleur,
Que cent diables rongent ton cœur.
Tout disparaît, quelle terreur !
Dieux ! quel chaos ! Dieux ! quelle horreur !
Qu’on me soutienne ;
Des monstres soutiennent Grisemine et l’emmènent.
Occide,
Perfide !
Je meurs d’amour et de fureur.

Scène iii

Occide seul

occide

Air : Pendus

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Informations sur cet air

Je ne suis guère mieux instruit.
Quel est le rival qui me nuit ?
Fanfale aujourd’hui se marie !
Destin cruel ! j’entre en furie...
Déjà le salon est paré,
Et le festin est préparé !

Air : Folies d’Espagne

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Informations sur cet air

De leur bonheur je me fais une image,
Je vois leurs jeux,
Leurs transports amoureux.
Perfide !... Arrête et redoute ma rage...

Air : Dieux ! quel moment


Fanfale et son amant...
Dieux ! quel moment !...

Air : Menuet


Les plaisirs vont les suivre en foule ;
L’un près de l’autre assis,
Il n’ont plus aucuns soucis
Qu’à leurs yeux le buffet s’écroule :
Sabre à la main,
Je saurai troubler le festin :
À leurs pieds que la table roule,
Et que leur sang cou...le
Avec le vin.
finacte

Acte v

Le théâtre représente un lieu préparé pour un festin de noces.

Scène i

Fanfale seule

fanfale

Air : Menuet allemand


Viens, dieu que j’adore,
Vole, Amour je t’implore ;
Au vainqueur,
De mon cœur,
Peins l’ardeur qui me dévore :
Que n’ai-je plus d’attraits ?
Amour, prends tes armes,
Lance tes traits,
Prête-moi tes feux,
Et redouble mes charmes,
Pour ne briller qu’à ses yeux.
Aux jaloux mets ton bandeau,
Et donne à ton amant ton flambeau.

Air : Je ne sais pas écrire


Mais, c’est lui qui vient en ces lieux.

Scène ii

Fanfale, Titi

titi

Suite de l’air : Je ne sais pas écrire


Si mon aspect blesse vos yeux,
Parlez, je me retire.
fanfale
Restez donc : vous m’aimez, Titi ;
Hé bien ! moi, je vous aime aussi,
Puisqu’il faut tout vous dire.

Air : Mariez, mariez-moi

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Informations sur cet air

J’ai compté sur votre foi,
La noce est prête d’avance ;
Tout est arrangé chez moi,
Admirez ma prévoyance ;
Marions, marions, marions-nous.
titi
Vous comblez mon espérance.
ensemble, ensemble
Marions, marions, marions-nous.
fanfale
Mais je vois notre jaloux.

Scène iii

Occide, Fanfale, Titi

occide, le sabre à la main

Air : Voici les dragons qui viennent

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Informations sur cet air

Que ce couple trop perfide
Tombe sous mes coups :
Que le désespoir me guide.
fanfale
Fuyons la fureur d’Occide,
Sauvons-nous.
titi
Oui, sauvons-nous.
occide

Air : Ces filles sont si sottes

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Informations sur cet air

Arrêtez ! Mais... je vois Titi !
À Titi.
Pour la punir tu viens ici ?
titi
Vous comptez sans votre hôte :
En secret, j’étais son amant ;
Mais ce n’est pas ma faute.
occide
Comment ?
titi
Non, ce n’est pas ma faute.
fanfale, à part
airvide
Oh Ciel ! nous voilà dans la crise !
occide
Rien n’est égal à ma surprise,
Un ami, jouer de ces tours !
C’est ce qu’on voit tous les jours.
occide

Air : Mais, mais, fort singulier


Vengeons ma tendresse trahie.
fanfale
Quels procédés !
Avec vos traits de jalousie,
Vous m’excédez.
Sans votre avis, si bon me semble,
Ne puis-je pas me marier ?
Un soldat serait moins altier.
occide
Je suis en fureur.
titi
Moi, je tremble.
fanfale
Vous êtes, mon bel officier,
Singulier,
Mais fort singulier,
Mais, mais fort singulier.
occide

Air : Malheureuse journée

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Informations sur cet air

Vous qui causez ma peine,
Vous la partagerez,
L’amour jaloux m’entraîne ;
Mourez, ingrats, mourez...
Symphonie douce.

Air : Qu’allais-tu faire dans cette galère


Qu’allais-je faire ?
Lère, lère,
La raison m’éclaire.

Air : Allons à la guinguette

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Informations sur cet air

Accompagnement qui imite le chant du coucou.
Je vois l’Hymen,
C’est un joug qu’il m’apprête ;
Cet examen,
Fort à propos m’arrête :
Qu’ils s’aiment tout leur soû,
Symphonie.
Pour moi je ne suis pas si fou.

Air : Ca n’dur’ra pas toujours


À leur noce je danse :
Vivez en bons époux.
titi
Ah ! quelle heureuse chance !
fanfale
Est-il un sort plus doux !
fanfale et titi, ensemble
Que nos tendres amours,
Puissent durer toujourster
occide, à part, en même temps
Ça n’dur’ra pas toujourster
de table
fanfale
1
Que le plaisir nous enchante,
Qu’il soit l’âme du repas :
Que l’on boive, que l’on chante ;
Oublions tous nos débats.
Avec ce jus délectable,
Le chagrin n’est plus permis ;
Et c’est toujours à la table
Que l’on devient bons amis.
2
C’est le moment du silence,
Quand on sert les premiers plats ;
Qu’on s’observe avec décence,
Et l’on se parle tout bas :
L’entremets rend plus aimable ;
Au dessert on voit les ris :
Quand le champagne est sur table,
On devient tous bons amis.
3
Dans un cercle, la saillie
Cause souvent du dépit ;
La plus légère ironie
Est un vice de l’esprit :
Dans un repas agréable,
Tous les bons mots sont bien pris ;
La franchise règne à table,
On est toujours bons amis.
4
Que je sais de gens sévères,
Durs et brusques le matin,
Qui, le soir, au bruit des verres,
Ont un plaisir clandestin :
Leur humeur est plus affable,
Et dans des soupers jolis,
Avec eux l’Amour à table
Les rend les meilleurs amis.
Un Paysan
5
Allons gai, cher camarade,
Je t’attends le verre en main ;
Il faut boire une rasade
À la santé de Catin :
Si la belle peu traitable,
T’as causé de noirs soucis ;
Morgué, fais la mettre à table,
Vous deviendrez bons amis.
6
Blaise, barbier du village,
Pour humer du vin clairet,
Les soirs quitte son ménage,
Et chopine au cabaret :
Sa moitié qui fait le diable
Va l’étourdir de ses cris ;
Blaise la fait mettre à table
Ils en sortent bons amis.
Fin

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