Il était temps

Il était temps

Auteurs : Vadé (Jean-Joseph)
Parodie de : Les Eléments de Roy et Lalande/Destouches
Date: 28 juin 1754
Représentation : 28 juin 1754 Foire Saint-Laurent - Opéra-Comique
Source : Paris, Duchesne, 1754
Remarques :
Parodie de l'entrée Air (Ixion).
Jean-Joseph Vadé

Il Était Temps


Parodie de l’acte d’Ixion du Ballet des Éléments
Représentée pour la première fois sur le théâtre de la Foire Saint-Laurent
le 28 juin 1754
Paris, Duchesne, 1754, dans les Oeuvres de M. Vadé, t.1, Paris, Duchesne, 1758
definitacteur, L’Écuyer ecuyer

Acteurs


Madame de Fierville : Mademoiselle Villiers
Monsieur de Fierville : Monsieur de la Ruette
L’Écuyer : Monsieur Deschamps
Frison, valet de chambre de la maison : Monsieur Delille
persliste, Monsieur d’Hautmer Un poète
Un musicien
Danseurs et danseuses
La scène est dans l’appartement de madame de Fierville.

Il Était Temps


Scène i

L’Écuyer seul

ecuyer

Air : Ah ! le bel oiseau maman

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Informations sur cet air

C’est ici l’appartement
De cette belle orgueilleuse ;
Mon cœur brûle en ce moment
D’une flamme ambitieuse.
Amour, daignez appuyer
Les vœux d’un tendre écuyer.

Air : De tous les capucins du monde

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Je dois à monsieur de Fierville
L’agréable ainsi que l’utile :
Et sur mon cœur trop délicat,
Ses bienfaits ont tant de puissance.
Que j’aime, crainte d’être ingrat,
Sa femme par reconnaissance.

Scène ii

L’Écuyer, Frison

frison

Air : Un mouvement de curiosité


Est-ce froideur, ou bien est-ce mystère
Qui vous engage à ne point m’employer ?
Quoi donc ? Monsieur, connaissant mon ministère,
Resterez-vous sans vouloir en essayer ?
ecuyer
La gloire seule est faite pour me plaire.
frison
Mais le plaisir est fait pour l’égayer.

Air : Chacun à son tour


Souvent, un doux penchant surpasse
L’honneur dont un cœur est frappé.
ecuyer
Mon cher, de l’éclat de ma place
Je suis seulement occupé.
frison
D’un côté votre gloire est complète,
De l’autre, songez à l’amour.
Chacun à son tour,
Liron, lirette,
Chacun à son tour.
ecuyer

Air : Mais comment ses yeux sont humides


Voyons, quel choix pourrais-je faire ?
frison
Dans ce canton, j’ai votre affaire ;
Je connais un vieux procureur
Dont la femme jeune et volage
Pourrait mériter votre hommage.
Elle est d’une facile humeur.
ecuyer
Mais tu me fais bien de l’honneur.
Et pour ma dignité nouvelle,
Ce serait un beau parallèle.
Quand cent repas me sont offerts,
J’irais manger le pain des clercs !
D’autres mets mon âme est friande.
frison
Eh bien ? Cette grosse marchande
Qui traite si bien un galant.
ecuyer
Oh ! Je n’ai pas besoin d’argent.
Menuet d’Exaudet [Vous boudez]
Si jamais
Je promets
D’être tendre,
Ce n’est pas dans le bourgeois
Que tombera mon choix.
Je sais où je dois tendre.
Un grand cœur,
Vers l’honneur
Peut s’étendre.
Le haut rang flatte mes vœux.
C’est enfin où je veux
Prétendre.
L’amour est doux, quand la gloire
Assaisonne la victoire.
Un coup d’œil
Plein d’orgueil
Nous étonne ;
Mais il cède aux droits heureux
Qu’un transport amoureux
Nous donne.
Profitant
De l’instant
Du désordre,
Contre la vivacité,
Sa mourante fierté
Ne peut plus donner d’ordre.
Son refus
Ne tient plus
À l’audace ;
C’est à force d’irriter
Que l’on peut mériter
Sa grâce.
frison

Air : Savez-vous bien, jeune tendron


Votre cœur devrait attaquer
Celui de madame Fierville.
Puisque vous aimez à risquer,
En fierté seule elle en vaut mille.
ecuyer
Non, mon zèle...
frison
Vous en tenez.
ecuyer
Mais mon respect.
frison
Vous badinez.
Vous badinez,
Vous badinez,
Je vois bien que vous en tenez.

Air : Vous m’entendez bien

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Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

Tous les soins que vous lui rendez
Sans courroux sont-ils regardés ?
Votre respect pour elle...
ecuyer
Eh bien ?
frison
Conduit-il votre zèle ?
Vous m’entendez bien.
ecuyer

Air : [Monsieur de] Catinat

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Informations sur cet air

Rien ne m’arrête ici...
frison
Pourquoi balancez-vous
À venir imiter mon maître, son époux ?
La gloire l’ennuyait, mais grâce à mon talent,
Il se dissipe un peu.
Venez en faire autant.

Air : Aïe, aïe, aïe, [Jeannette]

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Vous ne suivez point mes pas.
À part.
Ah ! je commence à connaître
Qu’il rencontre des appâts
Dans le dégoût de mon maître,
Aïe, aïe, aïe.
ecuyer

Air : Prévôt des marchands

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Informations sur cet air

Un mal de tête en ce moment
S’oppose à cet amusement ;
Tu peux préparer la conquête.
frison
Le mal ne sera point mortel ;
Vous ne feignez un mal de tête
Que pour en donner un réel.

Air : Sur le pont d’Avignon

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Informations sur cet air

Il me cache un secret que je rendrai nuisible.
Il sort.
ecuyer
M’aurait-il deviné ? Cela n’est pas possible...
Il sort de l’autre côté.

Scène iii

Madame de Fierville, un poète, un musicien

On danse.
Le Poète

Air : Ma commère, quand je danse

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Informations sur cet air

Monsieur a fait la musique,
Les paroles sont de moi.
Madame de Fierville
Quel est celui qui se pique
D’avoir mieux fait son emploi ?
Le Musicien
Ah, c’est monsieur !
Le Poète
Non, c’est monsieur !
tous deux, ensemble
Ah, c’est monsieur ;
Non, c’est monsieur ;
C’est vous, Monsieur !
Madame de Fierville
Ah ! La dispute est unique,
Vous me donnez de l’humeur.
Le Musicien

Air : Nous sommes précepteurs d’amour

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Informations sur cet air

Pour qu’il vous paraisse plus beau,
Je l’ai fait à double partie.
Le Poète
Vous allez entendre un morceau
Digne de votre modestie.
ridicule, en duo, et chantée dans le même genre
Ainsi que l’éclair
Brille dans l’air.
Votre richesse
Brille sans cesse.
Jamais déesse
N’eût tant de fierté,
Tant de majesté.
Votre richesse
Brille sans cesse.
Ainsi que l’éclair
Brille dans l’air. bis
Madame de Fierville

Air : Eh ! non, non, non, je n’en veux pas d’avantage

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Informations sur cet air

Vous étalez ma puissance
Sans parler de mes attraits ;
Et vous gardez le silence
Sur mes généreux bienfaits.
Le Poète
Faut-il, par un fade hommage,
Vous encenser comme Junon ?
Madame de Fierville
Hé ! Non, non, non,
Je n’en veux pas davantage.
On danse.

Air : On n’aime point dans nos forêts

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Informations sur cet air

Ceci me dédommage peu
Du froid de monsieur de Fierville.
Aux danseurs.
Ce n’est ni le temps, ni le lieu
De danser. Laissez-moi tranquille.
Allez, on vous rappellera
Quand mon chagrin s’apaisera.
Ils sortent.

Scène iv

Madame de Fierville, L’ Écuyer

Madame de Fierville

Air : De tous les capucins du monde

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Informations sur cet air

Enfin, votre place nouvelle
Doit paraître d’autant plus belle
Que je vous fait mon confident.
ecuyer
Ah ! Quel bonheur pour moi, Madame !
Par ce trait, il est évident
Que vous lisez bien dans mon âme.
Madame de Fierville

Air : Tu croyais, en aimant Colette

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Informations sur cet air

Vous savez, malgré ma tendresse,
Que toujours mon perfide époux
Pour d’autres objets s’intéresse.
Quel tourment pour un cœur jaloux !
ecuyer

Air : Pour soumettre mon âme


Eh ! Vous l’aimez encore ?
Contre lui tout doit parler.
Quoi donc, Madame ignore
Comme on peut se consoler ?
D’un mari qui se dérange
On suit le ton sans effort.
Lorsqu’une femme se venge,
L’époux seul a toujours tort.
Madame de Fierville

Air : Que chacun de nous se livre


Montez dans mon équipage,
Mes gens partout vous suivront.
Dissipez l’affreux nuage
Qui me couvre d’un affront.
Que votre ardeur se signale,
J’attends de vous ces égards.
Et pour trouver ma rivale,
Parcourez les boulevards.
ecuyer
airnote
Au milieu du cours,
Traînant après soi la foule,
Chaque nymphe roule
Au gré des amours.
L’air ajoute encore
À l’éclat qui les décore,
Les discerne t’on
Des femmes du grand ton ?
L’habit de leurs gens
Est des plus galants.
Sur leurs chevaux fringants
S’étend même leurs parures.
Elles sont enfin
Dans leurs brillantes voitures,
Comme des miniatures
Dans des boîtes de Martin.
Au milieu du cours,
Traînant après soi la foule,
Chaque nymphe roule
Au gré des amours.
L’air ajoute encore
À l’éclat qui les décore,
Les discerne t’on
Des femmes du grand ton ?
Madame de Fierville

Air : Non, je ne ferais pas [ce qu’on veut que je fasse]

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Informations sur cet air

Je le sais. Mais vos soins la trouveront sans doute.
Elle paiera cher les maux qu’elle me coûte.
ecuyer
airnote, Contredanse des Petits Ballets
Eh ! Madame, qu’attendez-vous ?
Pourquoi ménager un époux ?
Eh ! Madame, qu’attendez-vous
Pour punir qui vous met en courroux ?
Malgré que leurs maris
Soient fidèles,
Combien à Paris
Voit-on de belles
Trouver des appâts
À ne l’être pas ?
Et quand on vous trahit,
Vous restez sans dépit !
Eh ! Madame, qu’attendez-vous ?
Pourquoi ménager un époux ?
Eh ! Madame, qu’attendez-vous
Pour punir qui vous met en courroux ?
La novice,
Ou l’actrice,
La coquette,
La grisette,
Tout lui plaît. Son volage feu,
En vérité, vous donne beau jeu.
Eh ! Madame, qu’attendez-vous ?
Pourquoi ménager un époux ?
Eh ! Madame, qu’attendez-vous
Pour punir qui vous met en courroux ?
Madame de Fierville

Air : Le cœur se donne troc pour troc


Qui peut remplacer dans mon cœur
Celui qui me fait tant d’outrages ?
ecuyer
Un amant dont la vive ardeur
Vous conviendrait bien davantage.
Madame de Fierville

Air : Ceci fort peu m’embarrasse


Sans doute qu’un petit-maître
Vous a chargé de ses vœux ?
Ah ! Je voudrait bien connaître
Un pareil audacieux !
Sa flamme est fort indiscrète,
Vous pouvez l’en avertir.
ecuyer
Non, je ne suis l’interprète
Que de mon propre désir.

Air : Que je regrette mon amant

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Informations sur cet air

Qui moi ? dans cette occasion,
Que pour un autre je m’occupe !
Oh, le rôle serait fort bon !
Non, non, je ne suis pas si dupe.
Loin de le servir aujourd’hui,
Je vous armerais contre lui.
Madame de Fierville, ironiquement

Air : Comme v’là qu’est fait

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Informations sur cet air

Ce courroux est fort estimable !
ecuyer
Vous en pénétrez le sujet ?
Madame de Fierville
La découverte est admirable !
Cela m’amuse tout à fait.
ecuyer
Le respect gardait le silence,
L’amour découvre le secret.
Oui, je cède à la violence
D’un feu dont je sens tout l’effet.
Madame de Fierville
C’est fort mal fait, mais très mal fait.
ecuyer
airnote, L’amant frivole et volage
Un amant doit-il se taire
Tant que dure la rigueur ?
Non, non, l’ombre du mystère
Ne doit servir qu’au bonheur.
Nos cœurs peuvent, sous cette ombre,
Se livrer aux doux plaisirs.
Ils seront grands, si leur nombre
Se compte par mes désirs.
Madame de Fierville

Air : J’ai deux amants, vous me les enlevez


Pour jamais éloignez-vous de mes yeux.
ecuyer
Ah ! loin de vous, je perdrait la lumière.
Je veux vous suivre à toute heure, en tous lieux.
Je meurs d’amour...
Madame de Fierville
Il devient furieux.
Quel téméraire !
ecuyer
Vous m’êtes chère,
Et le moment est précieux.
Madame de Fierville
Que veux t’il faire ?
ecuyer
Je veux... vous plaire.
Madame de Fierville
Ah ! vous voulez ? Le terme est merveilleux !
Pour jamais éloignez-vous de mes yeux.
ecuyer
Plus vous craignez, Madame, et plus j’espère.
Madame de Fierville
À la fin je prendrai mon sérieux.
ecuyer
Moi je deviendrai plus audacieux.

Air : Ah ! je vous trouve, Chevalier, singulier


Que de ses droits votre cœur use.
Madame de Fierville
Vous me piquez.
ecuyer
Je mériterais mon excuse.
Madame de Fierville
Vous me manquez.
ecuyer
Ah, dieux ! Que cette main est belle !
Madame de Fierville
Mais, voulez-vous bien la laisser !
Comment donc, ainsi me presser !
L’offense devient très réelle.
Vous êtes, Monsieur L’Écuyer,
Singulier ;
Mais, mais, fort singulier.
ecuyer

Air : Ah ! Madame Anroux

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Informations sur cet air

Ah ! charmant bijou,
Je deviendrai fou
Si vous êtes trop sage.
Ah ! charmant bijou,
Si vous êtes trop sage,
Je deviendrai fou.
Madame de Fierville

Air : Le joli jeu d’amour

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Informations sur cet air

Ce ton impertinent
Est au plus étonnant.
ecuyer
Qu’a donc de surprenant
Mon hommage ?
Peut-on condamner
Un feu qu’on doit couronner ?
Madame de Fierville
Oh ! Je vais sonner...
ecuyer
Ce langage,
Pris dans le sentiment,
Fait valoir le moment.
Ah ! vous avez vraiment
De l’usage.
Madame de Fierville

Air : Pierre Bagnolet

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Informations sur cet air

Chaque mot te rend plus coupable.
ecuyer
Je voudrais l’être cent fois plus.
Près d’un objet si adorable,
Être innocent, quel abus !
Madame de Fierville
Je vais crier.
ecuyer
Faut-il prier ?
Madame de Fierville
Vous devenez impardonnable,
Et je commence à m’effrayer.
ecuyer

Air : Courez vite, prenez le patron


Loin d’avoir le moindre repentir,
Ce refus augmente mon désir ;
Vous m’avez arraché mon secret
Et vous le paierez, s’il vous plaît,
Net.
Madame de Fierville
Je n’y consens pas,
Fuyez mes pas.
ecuyer
Ah ! Vous m’aimerez,
M’approuverez,
Le prouverez.
Madame de Fierville, voulant fuir
Je n’y consens pas,
Fuyez mes pas.
ecuyer, la prenant par la main
Non, je vous suivrai,
Vous presserai ;
Oui, j’obtiendrai...
Il tombe à ses genoux.

Air : Résonnez ma musette.


Passionnément.
Par pitié, pour ma peine...
Madame de Fierville
Ah ! Je suis hors d’haleine.
ecuyer
Enfin, votre rigueur...
Madame de Fierville
Arrivez donc, Monsieur.

Scène v

Monsieur de Fierville, Madame de Fierville, L’Écuyer

Madame de Fierville, à son mari, en s’en allant
Bouchez, Naïades, vos fontaines [De tous les capucins du monde]
Il était temps, je vous assure.
Monsieur de Fierville
Poursuivez donc votre aventure.
ecuyer
Je badinais sans aucun mal.
Monsieur de Fierville
Fort bien, j’ai peine à me contraindre.
Sortez.
ecuyer
Je sors votre rival.
Monsieur de Fierville
Rival connu n’est plus à craindre.
vaudeville
1
Maris qui croyez être en garde,
Mon aventure vous regarde.
Passez chez vous tous vos instants.
Je n’ai pas l’humeur fort jalouse,
Mais malgré les beaux sentiments,
Et la fierté de mon épouse,
Il était temps.
2
Après quatre mois de constance,
Damon lit dans les yeux d’Hortense
L’ennui des amours trop constants.
De tous deux, la froideur s’empare,
Ils rougissent de leurs serments ;
Un vain prétexte les sépare,
Il était temps.
3
Colin trouvant aux bois Lisette,
Laisse-moi, lui dit la poulette,
Demain, au logis je t’attends.
L’espoir le conduit chez la belle
Qui riait avec deux galants.
Ah ! Ah ! Vous voilà donc, dit-elle,
Il était temps.
4
Un caissier épris d’une actrice
Troque deux moments de caprice
Contre deux mois d’appointements.
Pour se conserver sa tendresse,
Déjà trottaient montres, brillants,
Mais on mit la main sur la caisse :
Il était temps.
5
Par Daphnis Colette pressée
Croit en être débarrassée
Par quelques regards menaçants.
Il baise un bras, il récidive,
Ses discours sont attendrissants,
Elle sourit... Sa mère arrive :
Il était temps.
Fin

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