Atys travesti

Atys travesti

Auteurs : Carolet (Denis)
Parodie de : Atys de Quinault et Lully
Date: mars 1736
Représentation : mars 1736 Foire Saint-Germain - Marionnettes de Bienfait
Source : ms. BnF, fr. 9315
Denis Carolet

Atys travesti


Pièce pour marionnettes
Foire Saint-Germain
1736
BnF ms. fr. 9315, f. 247-263

Acteurs


Cybèle, déesse
Polichinelle, garçon jardinier
Marguerite, fille de Maître Simon
Lucas, jardinier
Simon, batelier, père de Marguerite
Le Compère, confident de Polichinelle
Démons
Demoiselles
Bateliers
Jardiniers
La scène est à Auteuil.

Atys travesti


Acte i

Le théâtre représente le village d’Auteuil.

Scène i

polichinelle

polichinelle

Air : Que j’estime [mon cher voisin]

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Informations sur cet air

Debout manants, ouvrez les yeux,
Cybèle ici s’avance ;
Allons à la mère des dieux
Faire la révérence.

La bonne déesse vient honorer Auteuil de sa présence. Mercure nous a remis la lettre d’avis, elle aura assez fait de chemin pour boire un coup. Allons, allons, debout, canailles !


Scène ii

polichinelle, le compère

le compère

Veux-tu donc te taire, maudit bossu ? As-tu le diable au corps ? Tout le monde dort et tu fais plus de bruit qu’un enragé. Oh, parbleu, je gagerais que l’amour te trotte dans la cervelle.


polichinelle

Ma foi, mon compère, ce sont les punaises qui m’ont éveillé. Pour l’amour, je ne le connais guère, une bonne pinte de vin d’Auteuil est tout ce que j’aime.


le compère

Tu n’es pas difficile en inclinations, mais tu as beau te défendre d’aimer, je ne te crois pas. Je te soutiens, moi, que tu en tiens pour quelque paysanne d’ici, car je t’entendis l’autre jour parler d’une certaine Marguerite : tu ne me croyais pas si près de toi, tu en dégoisais diablement.


polichinelle

Tu te trompes, compère. Il est bien vrai que je parlais de Marguerite, mais je disais que je ne pouvais différer sa petite fierté ; il semble que sa gorge ne soit que pour elle, on ne saurait la toucher.


le compère

À d’autres, tu me la bailles belle ! Va, va, il n’est pire eau que l’eau qui dort, la chanson le dit bien. Veux-tu gager chopine que tu aimes Marguerite ?


polichinelle

Ma foi, j’aurais trop peur de perdre, j’aime mieux t’avouer la chose de bonne grâce. Eh bien oui, j’aime à la rage cette petite friponne de Marguerite, elle est fringante, elle a de jolis tétons. Ah, compère, si j’en croyais ce que je m’imagine,


Elle a bien autre chose
Qui surpasse cela.

Quand je pense à elle, je suis toujours hors de moi. Tu vois bien qu’il ne faut pas s’étonner si j’ai la puce à l’oreille


de si bon matin.


le compère

Tiens, la voici.


polichinelle

Ah, compère, je le sens bien, tout me tremble dans mes chausses et le cœur me fait tic, tac, tic, tac.


Scène iii

marguerite, polichinelle

marguerite, polichinelle ensemble, ensemble

Air : Que j’estime [mon cher voisin]

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Informations sur cet air

Debout manants, ouvrez les yeux,
Cybèle ici s’avance ;
Allons à la mère des dieux
Faire la révérence.
polichinelle

Tout le monde ici se dispute à qui la logera.


marguerite

Air : Je reviendrai demain [au soir]

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Informations sur cet air

Il faut qu’on lui tire du bon.
polichinelle
J’ai d’un vin bourguignonbis
Qui réjouit le goût et l’œil,
Il est du cru d’Auteuil.bis
marguerite

Air : Turlurette

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Informations sur cet air

Écoute dans ces beaux lieux
Le rossignol amoureux ;
Le fripon conte fleurette,
Turlurette, [turlurette,
Latanturlurette.]

Cela ne te donne-t-il pas envie d’en faire autant ?


polichinelle

C’est bon pour toi, bonne bête qui fais l’amour comme un moineau. Pour moi, je n’aime que le cabaret et le jeu de quilles.


marguerite

Ma foi, je ne suis pas plus amoureuse que toi, tout mon plaisir est de cueillir des noisettes dans le bois.


polichinelle

Oui, quand Maître Lucas, ton prétendu, est avec toi. Si tu n’as pas vu la feuille à l’envers dans le bois de Boulogne, ce n’a pas été ta faute, car je crois qu’avec une friponne comme toi, on n’a qu’à se baisser et en prendre.


marguerite

Tu parles par jalousie. Tiens, mon pauvre Polichinelle, avec toute ton indifférence, je te crois amoureux comme un matou.


polichinelle

Oui, quand il a passé par les mains du chaudronnier.


Air : Le plaisir passe la peine

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Informations sur cet air

Je serais fâché, jeune chatte,
Que vous missiez sur moi la patte ;
La peine passe le plaisir.
marguerite
Si pour toi j’étais plus humaine,
Tu me dirais tout à loisir :
Le plaisir passe la peine.
polichinelle

Tu ne me connais pas, Marguerite, je me méfie des filles, je m’y connais, moi.


Air : [L’amour] la nuit et le jour

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Informations sur cet air

Si j’étais amoureux
J’irais à la franquette
Et, toujours plein de feux,
Je ferais, ma brunette,
L’amour
La nuit et le jour.

Et puis après, je serais joli garçon ; oh, que nenni ! Mais laissons-nous ; si Cybèle nous surprenait dans une si jolie conversation, elle ne croirait pas que nous aurions toujours eu nos mains dans nos poches. Les vieilles sont plus malignes que tu ne penses.


marguerite

Tu as raison, j’aperçois nos paysans, il faut que Madame Cybèle ne soit pas loin.


polichinelle

Air : Mirliton

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Informations sur cet air

Marguerite, ma mignonne,
Un chacun te fait la cour.
Ce jour, petite friponne,
Doit sans doute être un grand jour
Pour ton mirliton,
[Mirliton, mirlitaine,
Pour ton mirliton,
Don, don.]
marguerite

Que t’importe ?


polichinelle

Oh, moi, cela ne me fait rien, au contraire : c’est moi qui ai conseillé à Maître Lucas de t’épouser.


marguerite

Quand je te dis que tu m’aimes, je ne me trompe pas. Je le vois à tes discours.


polichinelle

Tu n’es peut-être pas si connaisseuse que tu crois.


marguerite

Air : Prévôt [des marchands]

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Informations sur cet air

Tu m’aimes.
polichinelle
Tu le crois donc ?
marguerite
Oui,
Et j’en ai le cœur réjoui.
polichinelle
Te l’avouerai-je ?
marguerite
Je t’ordonne
De ne me rien cacher ici.
polichinelle
Eh bien, soit, ma chère bouchonne,
Je mets mon cœur à ta merci.
marguerite

Va, j’en ferai bon usage.


polichinelle

Je m’en rapporte bien à toi, mais Maître Lucas doit t’épouser tantôt. Je lui ai obligation, c’est lui qui m’a appris le jardinage. Le tour est un peu coquin de couper l’herbe sous le pied à son maître.


marguerite

Je ne m’en embarrasse guère, j’aime mieux le garçon que le maître.


polichinelle

Écoute donc. Tout garçon que je suis,


Air : Ma raison s’en va bon train

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Informations sur cet air

Je suis un bon jardinier,
Et je sais bien mon métier.
Du soir au matin,
Je veux du jardin
Que t’a donné ton père
Prendre un soin qui te charmera.
J’abonnirai la terre, lon la,
J’abonnirai la terre.

Je t’assure que si ton jardin ne profite pas, ce ne sera pas faute d’être bien bêché.


marguerite

Je ne doute point de ton mérite et je te promets que je ne serai jamais amante qu’à toi. Mon père aura beau dire, Lucas n’obtiendra rien de moi.


polichinelle

Tout cela est fort bien, mais si ton père te le fait épouser de force, que feras-tu ?


marguerite

Ce que je ferai ? Comme bien des filles font à Paris quand elles épousent quelqu’un malgré eux ; tiens, Maître Lucas s’en repentira.


polichinelle

Je t’entends, cela vaut toujours mieux que rien.


marguerite

Paix, paix, j’entends du bruit. Je vais faire la sainte Nitouche, fais comme moi.


Air : Je veux garder ma liberté

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Informations sur cet air

Je veux garder ma liberté
Et mon humeur follette.
polichinelle
Moi, je me ris de la beauté
D’une jeune fillette.
marguerite
Je brave l’amour.
polichinelle
Je bois nuit et jour
Pinte sur chopinette.

Quelle poussière ! Le fiacre de Cybèle n’est pas loin.


Scène iv

marguerite, polichinelle, paysans

un paysan

Air : Trembleurs

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Informations sur cet air

Place à Madame Cybèle,
Elle est encor fraîche et belle,
Allons tous au devant d’elle,
C’est la grand-mère des dieux.
Elle arrive en diligence
Dans cet endroit de plaisance.
polichinelle
C’est pour sauver l’apparence
Qu’elle aura choisi ces lieux.

Les femmes ont des mesures à garder quand elles font la folie d’être amoureuses à certain âge. Les femmes ont des mesures à garder quand elles font la folie d’être amoureuses à certain âge. \emph Motus, la voici., la voici.


Scène v

cybèle, les précédents

cybèle

Air : Pendus

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Informations sur cet air

Or écoutez, petits et grands,
Ce qu’aujourd’hui je vous apprends :
Je veux enrichir ce village,
J’aime beaucoup le jardinage,
J’y veux avoir un potager,
Vos façons ont su m’engager.

J’ai résolu d’acheter ici une maison de plaisir. L’encens qu’on me donnait là-haut m’a causé tant de migraine que j’ai quitté l’Olympe pour jamais ; je suis folle d’Auteuil, et à cause de la proximité du bois de Boulogne, je vais commencer par faire choix d’un jardinier et je prétends qu’on lui parle chapeau bas.


chœur

Air : Tout comme il vous plaira, larira

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Informations sur cet air

Tout comme il vous plaira,
Larira,
Tout comme il vous plaira.

Acte ii

Le théâtre représente un jardin rangé.

Scène i

maître lucas, polichinelle

lucas

Enfin, mon pauvre garçon, voilà Madame Cybèle cheux nous ; je touche au moment d’épouser la petite Marguerite.


polichinelle

Il faut attendre ici Cybèle, elle y va nommer son jardinier, et je ne doute point que le choix ne tombe sur vous, car vous êtes le meilleur planteur d’Auteuil.


lucas

Cela me ferait trop d’honneur, mais parlons de Marguerite.


Air : Diogène

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Informations sur cet air

Elle m’a fait la moue.
polichinelle
Elle a, je vous l’avoue,
L’esprit assez bourru.
lucas
Je crains quelque anicroche,
Queuque anguille sous roche,
Quelque amant inconnu.
polichinelle

Qu’est-ce que cela vous fait, vous l’allez épouser ?


lucas

Sans doute.


polichinelle

Eh bien, vous serez son maître et vous en ferez ce que vous voudrez.


lucas

D’accord, mais jarnonbille, si quelque goulu en avait croqué l’entamure, ça ne me ferait pas rire.


Air : La besogne

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Informations sur cet air

Le monde est plein de ces amants
Qui prennent toujours les devants.
Morgué, ces gens-là sont des pestes,
Ils ne vous laissont que leur[s] reste[s].
polichinelle

Cela ne se voit que trop souvent. Si vous faisiez bien, vous resteriez garçon ; pour moi je vis content comme je suis, et je ne sais pas encore comme les filles sont faites.


lucas

L’insolent ! Retire-toi, voilà Madame Cybèle. Laisse-moi seul avec la déesse.


Scène ii

lucas, cybèle

cybèle

Oh çà, Maître Lucas, vous vous attendez peut-être que je vous prendrai pour mon jardinier ? Point du tout, il est bien vrai que vous l’entendez, mais comme vous êtes sur le point de vous marier et que la jeune Margot vous occupera assez, j’ai fait choix de Polichinelle pour avoir soin de mon jardin.


Air : Capucin

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Informations sur cet air

C’est un garçon qui m’a su plaire.
lucas
Ma foi, vous ne pouvez mieux faire,
Vous serez contente de lui,
Il est cousin de ma future.
cybèle
Vous l’épouserez aujourd’hui,
Ma protection vous est sûre.
lucas

C’est bien de l’honneur pour moi, Madame, je serais charmé d’être à vos gages, mais, comme vous dites fort bien, ma femme me donnera assez d’occupations, et vous m’avez tout l’air de ne pas vous contenter de la moitié d’un homme à votre service.


cybèle

Lucas, je te crois discret.


lucas

Si j’étais femme, vous pourriez en douter.


cybèle

Je vais te confier un secret.


lucas

Confiez, il sera en bonnes mains.


cybèle

Air : Qu’on apporte bouteille

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Informations sur cet air

J’aime Polichinelle.
lucas
Vous vous gaussez de nous,
Une dame comme Cybèle !
cybèle
On ne dispute point des goûts.

Je l’aime, je sais qu’il n’est pas des mieux faits, mais il me plaît et promet beaucoup pour le jardinage.


lucas

Vous vous gaussez, vous dis-je !


cybèle

Va, va, mon pauvre Lucas, tu ne connais pas les déesses. Tiens, mon enfant, nous aimons mieux souvent nos valets que nos maris.


lucas

Il y a, morgué, bien des grosses madames sur terre qui suivont votre exemple. Polichinelle sait-il cette bonne nouvelle-là ?


cybèle

Pas encore, mais j’ai ordonné au diable de se cacher cette nuit dans la ruelle de son lit, et de lui faire cette déclaration-là pour moi... Voici mon mignon, ne lui dis mot... Allons, qu’on se prépare à faire honneur à mon jardinier.


Scène iii

polichinelle, cybèle, lucas, paysans

cybèle

Air : De mon joli, joliet

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Informations sur cet air

Venez tous pleins d’allégresse
Voir le beau choix que j’ai fait,
Ait, ait, [ait, ait, ait, ait, ait, ait.]
Pour me marquer ta tendresse,
Je prétends, mon cher poulet,
Ait, ait, ait, [ait, ait, ait, ait, ait,]
Que sans rien faire autre chose,
Tu bêches, plantes, arrose
Dans mon joli, joliet,
Tu bêches, plantes, arrose
Dans mon joli jardinet.
polichinelle

En vérité, Madame, vous jetez des pierres dans mon jardin qui retombent dans le vôtre.


cybèle

Je te laisse. Songe au poste que tu vas occuper chez moi ; je veux, avant qu’il soit peu, voir du fruit de ta façon.


Scène iv

polichinelle seul

polichinelle

Peste soit de la vieille carogne ! Qu’elle plante ses choux elle-même ; je vais voir Marguerite, c’est l’affaire la plus pressée que j’aie. Mais il me semble que j’ai envie de faire un somme. Voyons. Il faut prendre le sommeil au mot, il ne saurait venir plus à propos, car depuis que je suis amoureux, je n’ai pas fermé l’œil. Mettons-nous sur ce gazon, ma bosse me servira de traversin.


Scène v

polichinelle, un démon, une fée

la fée

Air : Landerira

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Informations sur cet air

Ah, mon cher Polichinelle,
Ton bonheur n’est pas petit.
La riche et tendre Cybèle
Se sent un grand appétit
Pour ton lan la,
[Landerirette,
Pour ton lan la,
Landerira.]
le démon

Air : C’est le Prince d’Orange


Aime cette doyenne,
Tu seras son toutou ;
Sinon j’aurai la peine
De te couper...
La chose est très certaine,
De te couper le cou.
Le démon s’enfuit en lui soufflant au nez.
polichinelle

Au guet ! Au guet ! Main-forte ! Vite ! À la garde ! Au commissaire ! Au voleur !


Scène vi

cybèle, polichinelle

cybèle

Qu’as-tu donc, mon poulet ?


polichinelle

Ah, Madame, j’ai pissé plein mes chausses !


Air : L’amour me fait lon lan la

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Informations sur cet air

La peur me fait, lon lan la,
La peur me fait mourir.
cybèle

Hé pourquoi donc, mon petit matou ?


polichinelle

Air : Des fraises

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Informations sur cet air

Madame, je suis perdu,
Ah, quel songe effroyable !
Je n’en suis pas revenu ;
En rêvant de vous j’ai vu
Le diable, le diable, le diable !
cybèle

Sais-tu bien, mon petit bichon, que c’est moi qui t’ai fait voir tout cela pour te faire savoir que je t’aime à la folie ?


polichinelle

C’est s’y prendre fort joliment que d’endosser la peau du diable pour tenter d’honnêtes garçons !


cybèle

Air : Dondaine

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Informations sur cet air

Oui, je t’aime, mon cher trognon.
polichinelle, à part
Pour cette divine guenon,
Dondaine, dondaine,
Je suis comme un glaçon,
Qu’elle est vilaine !

En vérité, Madame, vous me faites trop d’honneur, il ne vous faut que de l’encens et je n’en ai point.


cybèle

Va, va, mon gros pâté, j’aime mieux les caresses d’un joli homme comme toi que les respects des dieux dont je suis la grand-mère.


polichinelle

Cela ne vous rend pas plus jeune.


cybèle

Je ne sens pas moins le plaisir que me fera la tendresse de mon cher Polichinelle. Je ne t’ai pas fait mon jardinier pour des prunes.


Air : Parez votre chapelle


Je veux mon cher mignon,
Mon trognon,
Que ton cœur
Soit pour moi plein d’ardeur,
Et que chaque matin
Un bouquet de ta main
Pare Cybèle,
Et que, toujours fidèle,
Tu me dises sans fin :
Laissez-moi parer votre chapelle.

Scène vii

polichinelle, marguerite, cybèle

marguerite

Chère mère Cybèle, j’implore votre autorité.


Air : Je voudrais bien me marier

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Informations sur cet air

Mon père veut me marier
Moi, je n’en veux rien faire.
polichinelle
Pourquoi venir ici crier ?
Nous sommes en affaire,
Dénichez !
cybèle
Sans tant me prier,
Compte sur moi, ma chère.

Allez, ma fille, ne craignez rien, vous ne vous marierez que quand je l’ordonnerai, adieu. Suis-moi, mon cher, j’ai quelque chose à te faire faire dans mon jardin.


Scène viii

lucas, marguerite

lucas

Air : Pouvoir


Belle Margot, morgué, ce soir
Je ferai mon devoir.bis
marguerite
La chose ne presse pas tant,
Adieu, mon cher enfant.bis
lucas

Quelle diable de réponse me fais-tu là ! Tiens, voici Polichinelle, je parie qu’il te condamnera. Approche, mon garçon. Margot me fait un compliment qui ne dit rien de bon pour mon amour.


Air : Que j’estime [mon cher voisin]

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Informations sur cet air

Parle-lui bien de mon ardeur,
Tu me connais sincère.
Reboute-lui l’amour au cœur,
Je vais trouver son père.

Scène ix

marguerite, polichinelle

polichinelle

Margot, le pauvre Lucas ne voit pas ce qui lui pend au bout du nez.


marguerite

Oh, ma foi, il t’en pend plus long qu’à lui que tu ne vois pas.


polichinelle

Air : Ton humeur est, Catherine

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Informations sur cet air

Que dis-tu, maligne bête ?
marguerite
Je te dis que je veux changer.
À t’épouser j’étais prête,
Mais j’ai su me dégager.
polichinelle
D’où vient cette fantaisie ?
marguerite
Je veux faire comme toi.
polichinelle
As-tu quelque jalousie ?
marguerite
S’il est vrai, tu sais pourquoi.

Tu m’as fait une infidélité, suffit.


polichinelle

Tu en as menti, c’est toi.


marguerite

C’est toi-même.


polichinelle

Oh, c’est toi !


marguerite

Et moi je te dis que c’est toi, car tu aimes Cybèle : y suis-je ?


polichinelle

Bon, tu veux rire, me crois-tu assez fou pour aimer cette vieille carcasse céleste ? Je t’aime mieux, tu es un plus friand gobet.


marguerite

Tu as beau dire, tantôt tu as paru interdit quand je t’ai trouvé avec elle, tu m’as fait rentrer les paroles dans le ventre, et tu m’as chassée comme une péteuse.


polichinelle

Va, va, j’avais mes raisons. Ne crains rien, un petit duo va nous raccommoder ensemble, c’est ainsi que les amants se réconcilient à l’Opéra.


ensemble, ensemble

Air : Ah, Madame Anroux

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Informations sur cet air

Ah, mon cher bijoux
Rapatrions-nous !
Jamais de querelle,
Ah, mon cher bijoux,
Jamais de querelle,
Rapatrions-nous !
marguerite
Je n’ai plus de courroux,
Sois-moi toujours fidèle,
Et ne sois plus jaloux.
ensemble, ensemble
Ah, mon cher bijoux etc.

Acte iii

Le théâtre représente la Seine du côté d’Auteuil.

Scène i

maître simon, lucas, marguerite, paysans et bateliers

maître simon

Oh çà, mes compères les bateliers, vous savez mes petites facultés ; cependant je trouve un bon parti pour ma fille ; tenez, voici Maître Lucas, c’est lui que j’ai choisi pour mon gendre.


les paysans

Compère, nous approuvons votre choix.


simon

Air : Nanon dormait

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Informations sur cet air

Je danserai
À cette belle noce,
Je chercherai
Encore plaie et bosse
Près de quelques tendrons,
Allons, allons,
Allons nous trémousser, allons.
chœur
Allons, etc.

Scène ii

polichinelle, les précédents

polichinelle

Halte-là, Maître Simon, de la part de Cybèle je m’oppose à ce mariage !


simon

Que nous veut dire ce mal bâti-là ?


polichinelle

Holà, hé, Grippe-sergent, qu’on nous emporte, Marguerite et moi, en lieu de sûreté ! Adieu, Maître Lucas, nous allons bien vous tailler des croupières.


Deux démons enlèvent Polichinelle et Marguerite. Les autres se sauvent.

Scène iii

cybèle, maître lucas

lucas

Air : Morguenne [de vous]

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Informations sur cet air

Morguenne de vous,
Madame Cybèle,
Morguenne de vous,
Vous nous jouez tous.

Voilà le diable qui emporte ma prétendue, et c’est vous qui faites ce beau remue-ménage-là !


cybèle

Ce n’est pas ma faute, j’ai donné des verges pour me fouetter, j’étais folle de Polichinelle et le coquin, le traître, cependant aime cette salope de Margot.


lucas

Polichinelle aime ma future ? Le misérable !


cybèle

Ils nous jouaient tous les deux, mon enfant.


Air : Hé bien


Ils ne sont pas allés bien loin,
Et je viens d’être le témoin
D’une scène amoureuse...
lucas
Hé bien ?
cybèle
Marguerite est heureuse,
Vous m’entendez bien.

J’ai vu des choses qui m’ont fait venir l’eau à la bouche.


lucas

Et à moi les cornes à la tête.


cybèle

J’en suis pour ma déclaration.


lucas

Et moi pour mes deux ans de persévérance.


cybèle

Je me vengerai et je vais toujours commencer par tigonner ma crasseuse de rivale. La voici fort à propos pour être bien frottée.


Scène iv

polichinelle, marguerite, lucas, cybèle

cybèle

Air : Marie Salisson [est en colère]

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Informations sur cet air

Marie Salisson, que viens-tu faire ?
Oh, oh, tourelouribo,
Je vais te frotter ma chère,
Oh, oh, tourelouribo,
Par devant et par derrière,
Oh, oh, tourelouribo.

Jour de Dieu, il faut que je t’arrache les yeux de la tête.


polichinelle

Ne t’avise pas de cela, vieux parchemin ridé, je t’arracherai les dents avec mon sabot !


lucas, à Marguerite

Tu nous en revends donc, traîtresse ?


Air : Lon la

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Informations sur cet air

Peux-tu souffrir un tel magot ?bis
polichinelle
Si j’aime la jeune Margot,
Hélas est-ce ma faute ?
cybèle
Chez moi vous contez à gogot
Vos raisons côte à côte, lon la,
Vos raisons côte à côte.

C’est trop endurer, je veux mettre cette effrontée-là en capilotade.


polichinelle

Ah, Madame Cybèle, ne la frappez pas, je la crois grosse.


cybèle

L’ingrat, il aurait été fâché de faire pour moi tout ce qu’il fait pour elle. Tu vas ressentir l’effet de mon juste courroux. Toi, Citron, mords Polichinelle et lui communique ta rage.


Le chien de Cybèle paraît qui houspille Polichinelle.
polichinelle

Aïe, aïe, je n’en puis plus, j’enrage, au secours, qu’on me mène à la mer, qu’on me saigne ! Marguerite, donne-moi un lavement !


Air : Diogène

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Informations sur cet air

Je vois l’enfer qui s’ouvre
Et là-bas je découvre
Procureur et sergents.
Cachons vite ma bourse,
Leur unique ressource
Est de voler les gens.
Il parle à Cybèle pour Marguerite.

Margot, décampe au plus vite, le diable va t’emporter ; prends garde à toi, il pourrait faire d’une pierre deux coups.


marguerite

Tu te trompes, mon cher Polichinelle, serre-moi la main. Me connais-tu ?


polichinelle, la prenant pour un diable

Retire-toi, maudit loup-garou !


marguerite

Ne vas pas me mordre, au moins !


polichinelle

Air : Je suis perdue

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Informations sur cet air

Je vais te mordre à belles dents,
Vilaine carogne !
marguerite
Ah, mon cher, tu perds le bon sens !
Ciel comme il m’empogne !
Où me sauver, au secours !
Comme il roule la vue !
À quoi puis-je avoir recours ?
Je suis, je suis perdue.
lucas

Je crois ma foi que c’est tout de bon. Et vraiment oui, elle est bien trépassée !


cybèle

Tant mieux !


lucas

Eh morgué, tant pis ! Il ne fallait pas la laisser tuer tout à fait.


polichinelle

Vivat, le diable est mort ! Allons, du vin ! J’ai assez tué de monde pour boire un coup, il faut que je revienne de loin car je suis bien fatigué.


cybèle

Tu n’as pas fait tant de chemin que tu crois. Par la vertu de cette baguette, je te guéris de ta rage. Vois maintenant ta besogne de sang-froid.


polichinelle

Ah, morbleu, qu’est-ce qui a fait ce coup-là ?


cybèle

C’est toi.


polichinelle

C’est moi ?


Air : Elle est morte, la vache à Panier

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Informations sur cet air

Elle est morte, la vache à Panier,
Elle est morte, n’en faut plus parler.
cybèle

Air : La Palisse

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Informations sur cet air

De cet objet plains le sort :
Sans ta noire perfidie
Qui te donne tout le tort,
Elle serait encore en vie.
polichinelle

J’enrage ! Fi, Madame Cybèle, vous êtes la plus méchante de toutes les diablesses. Si vous n’aviez l’âme chevillée dans votre chien de corps pour une éternité, je vous tordrais le cou. Ah, pauvre Margot !


cybèle

Il se trouve mal et je suis la cause de tout ce bacchanal. La chien d’amour, mon cher Polichinelle !


Air : Des fraises

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Informations sur cet air

Ne descends point au tombeau
Et vois couler mes larmes.
En trépassant qu’il est beau !
Mon poulet, veux-tu de l’eau
Des carmes, des carmes, des carmes ?

Ah, mon cher, pardonne-moi ; du moins que ton dernier soupir soit pour Cybèle.


polichinelle

J’y consens. Tiens, voilà mon dernier hoquet.


Il pète.
cybèle

Air : Quand Moïse [fit défense]

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Informations sur cet air

Puisqu’il a perdu la vie
En chou je veux le changer.
Plus que mon orangerie
J’aimerai mon potager.
Les vendangeurs pour me plaire
En chou feront bonne chère ;
Le chou sera désormais
L’enseigne des cabarets.
polichinelle, changé en chou

Air : Confiteor

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Informations sur cet air

Puisque de moi tu fais un chou,
Je te pardonne tout, Cybèle,
Mais qu’on m’arrose tout mon saoul
Pour que ma tête soit plus belle ;
Messieurs, venez souvent me voir,
Votre bourse est mon arrosoir.
divertissement
À tout âge on ressent les traits
Du dieu qu’à Paphos on adore.
La jeunesse lui plaît, et la vieillesse encore
Se rend à ses charmants attraits.
Il n’est qu’un temps heureux pour aimer et pour plaire,
Jeunes cœurs, ces instants sont courts.
On se rit du dieu des amours
Quand il est dans les yeux d’une vieille grand-mère.
vaudeville
1
Pour triompher d’une tigresse,
Il ne faut pas tant filer doux.
Il vaut mieux pousser la tendresse
Tout au travers des choux.
2
Pour rendre sa femme fidèle,
Si l’on agit trop en jaloux,
Un galant survient qui fait d’elle
Des raves et des choux.
3
Tant d’Agnès à nos yeux paraissent
Qui, revenant d’un rendez-vous,
Disent que les enfants qui naissent
Se prennent sous des choux.
4
À jeun mon mari sait me plaire,
Il est complaisant, il est doux ;
Mais je n’y peux jamais rien faire
Quand il revient d’un choux.
5
Si cette pièce a su vous plaire,
Messieurs, venez souvent chez nous,
Votre présence est nécessaire
Pour engraisser nos choux.
Fin

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