Les amants embarrassés

Auteurs : Carolet (Denis)
Parodie de : Thétis et Pélée de Fontenelle et Colasse
Date: 14 février 1739
Représentation : 14 février 1739 Foire Saint-Germain
Source : ms. BnF, fr. 9315
Remarques :
f. 542-548v
Denis Carolet

Les Amants embarrassés


Opéra comique en un acte avec un divertissement
Représenté à la foire de Saint-Germain
le 14 février 1739
BnF ms. fr. 9315, f. 542-548v

Acteurs


Orante, riche bourgeois
Angélique, fille d’Orante
Dorine, suivante d’Angélique
Valère, officier, amant d’Angélique
Jasmin, valet de Valère
Monsieur de la Chevrotierre, maître à chanter
La scène est à Paris, chez monsieur Orante.

Les Amants embarrassés


Scène i

angélique, dorine

Angélique, après s’être quelque temps fait tirer l’oreille, avoue à Dorine qu’elle aime Valère, jeune officier plein de mérite.

N’en dites pas davantage Dit Dorine. voilà un nom propre à faire fortune en amour. Je vous dispense \did Ajoute-t-elle. du portrait que vous voudriez m’en faire.


Air : Ton humeur est, Catherine

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C’est le début ordinaire
D’un amour dans sa primeur.
On ne peut jamais se taire
Sur l’objet de son ardeur.
De l’amant qui vous enflamme
Le portrait toujours flatté
Ne doit souvent qu’à notre âme
Son mérite et sa beauté.
Dorine apprend de sa maîtresse que son amant est parti pour l’armée de Hongrie peu de jours après l’avoir vu pour la première fois, et qu’elle vient d’apprendre son retour par le ministère de son maître à chanter. Plaisanteries usées sur la complaisance de ces messieurs.

Air : Hé bien


Pour bien remettre un billet doux,
Et ménager un rendez-vous
Aux maîtres de musique
Hé bien !
Donnez votre pratique
L’on s’en trouve bien.

Mais Continue Dorine. vos projets ne s’accordent pas avec ceux de votre père, et sans doute que vous n’aurez pas la sotte complaisance d’obéir au vôtre. Auquel cas je plaindrais l’époux que vous recevrez de sa main.


Air : Hé, mariez-vous donc


Si le cœur n’est de la partie,
Si de la chaîne qui nous lie,
L’hymen est pour nous sans appas.
Ne nous marions pas.
Mais s’il offre à notre tendresse
Un époux qui nous intéresse,
Et qui porte sa caution,
Hé ! marions-nous donc !

Air : Va t’en voir s’ils viennent, [Jean]

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Si l’époux est déplaisant
Les galants surviennent,
Son aspect est ennuyant
Leurs discours conviennent.
On songe à l’honneur, on appelle la vertu à son secours.
Va t’en voir s’ils viennent, Jean,
Va t’en [voir s’ils viennent].
Un valet paraît, l’audience me regarder, je vous rejoins.

Scène ii

dorine, jasmin

Jasmin, valet guerrier, débute avec Dorine par des louanges qu’elle reçoit modestement. Il se découvre pour le valet de Valère et paraît plus pressé de déclarer son amour que de parler pour celui de son maître. Il lui propose de faire de son cœur un siège en forme.

Air : Je me ris de qui fait le brave

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En dépit de ta turquerie
J’ose te répondre, ma mie,
Que ton cœur à demi rendu
Va se livrer de bonne grâce.
Avec tout l’honneur qui m’est dû
J’entre avant deux tours dans la place.
Elle lui demande pourquoi son maître ne l’a pas suivi. Il est, dit-il, chez le baigneur où il se fait adoniser\definition Adoniser Terme de plaisanterie et de pure conversation, qui ne se dit qu’en parlant du trop grand soin que prend un homme de s’ajuster pour paraître plus jeune ou plus beau Acad. 1762.

Air : [Ramonez ci,] ramonez la

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Le feu dont mon maître brûle
Fait un Tircis d’un Hercule,
Je ne le reconnais pas.
Poudré par ci, coudé par là,
La, la, la,
C’est un abbé du haut en bas.
Pour moi, ajoute-t-il, qui aborde une fille comme un ouvrage à corne\definition Ouvrage à corne Terme de fortification. Sorte de travail avancé dans les dehors d’une place, consistant en une courtine et deux demi bastions Acad. 1762, j’ai conservé mon négligé martial. Je cours avertir que tout est ici disposé à nous recevoir à discrétion.

Scène iii

[dorine seule]

Dorine convient avec elle-même que Jasmin et ses façons d’agir lui plaisent. Elle veut sortir pour avertir sa maîtresse de l’arrivée de son amant. Orante la retient.

Scène iv

orante, dorine

Orante dit à Dorine qu’il destine à sa fille un parti au prix duquel Crésus n’eût été qu’un parti bourgeois, que le riche parti est le fils de M. Poudre d’or, fameux négociant de l’Amérique, qu’il n’a jamais vu, mais dont le père, qu’il a connu en Espagne, lui mande beaucoup de bien. Dorine l’assure que sa fille est fort résolue de lui manquer d’obéissement en faveur d’un jeune officier nommé Valère qu’elle aime et dont elle est aimée. Dorine promet d’écarter les soupirants de sa fille, et surtout ceux-ci :

Air : Mon mari est à la taverne

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Un sol les poches toujours pleines,
Des vers et de l’esprit d’autrui,
Qui croit que les plus inhumaines
Doivent être folles de lui
Et qui de pitié nous fait dire
[Talaleri, talaleri, talalerire].

Air : Turlurette

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Un petit-maître ennuyeux
Qui de rouge au fait des nœuds
Et qui vous parle toilette
Turlurette, etc.

Air : Tomber dedans


Un poltron qui n’a vu le feu
Que dans des combats en peinture,
Qui, fier de son parement bleu,
Se dit un héros par nature.
Un froid plaisant qui veut railler
Et qui cent fois vous fait bailler
Vous fait bailler,bis
Et qui cent [fois vous fait bailler].

Air : [Que je chéris mon] cher voisin

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[...]
D’épouseurs en détrempe
Qui donnent au crédule honneur
Une mauvaise trompe.

Scène v

dorine

Dorine, en vraie suivante, s’apprête à barrer les desseins du bonhomme, et à favoriser ceux de sa maîtresse.

Scène vi

dorine, la chevrotierre

Dorine, après avoir fait compliment du musicien sur ses talents divers, lui demande s’il n’y a pas dans ce mois quelque nouvel air de sa façon.
le chanteur

Air : Prévôt [des marchands]

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Le Mercure, toujours fécond,
Amusant autant que profond,
Porte mon nom et ma science
Au bout de l’univers surpris.
dorine
Sans doute pour reconnaissance
Vous portez le sien dans Paris.
Le musicien lui fait part de son projet d’un opéra sans parole de sa composition, lequel a pour titre La Mort du grand vizir Moustapha. Ce sont les muets du sérail qui étranglent leur ministre pendant qu’il dort, tous s’exprime en pantomime. Dorine le laisse avec Angélique, son écolière.

Scène vii

angélique, la chevrotierre

Le musicien présente à son écolière ce billet qu’il doit mettre en musique :
Volez, tendres soupirs, vers l’objet que j’adore.
C’est au beau feu qui me dévore
Que je dois mes plus doux loisirs.
Ah ! quel bonheur pour le tondu Valère
Si la beauté qui sait lui plaire
Partage en le voyant sa joie et ses plaisirs.
Sur ce qu’Angélique lui dit qu’elle voudrait être capable de pouvoir le mettre en musique. Il lui répond :

Air : [Menuet de] Grandval


Pour rendre ce charmant ouvrage
Au gré de vos tendres désirs
Entre nous vous feriez, je gage,
Moins de notes que de soupirs.
Elle lui fait donner douze cachets pour sa leçon qu’elle ne prend point. Le musicien s’en va en disant : \og Vive la profession, il y a à gagner avec les plus honnêtes écolières\fg.

Scène viii

[angélique seule]

Angélique prie l’amour de régner toujours sur son cœur et sur celui de Valère.

Scène ix

angélique, dorine

Dorine complimente sa maîtresse sur sa libéralité dont elle sait la cause. Elle la fait retirer à la vue d’Orante.

Scène x

orante, dorine

Orante fait voir à Dorine une lettre de M. Poudre d’or, père de son futur gendre, par laquelle il lui mande qu’il arrivera chez lui ce soir, qu’il ne manque pas de lui faire épouser sa fille à l’entrevue, et qu’une fortune brillante l’attend au perron. \og Bon, dit Dorine, je n’en doute pas, au perron tout ce qui reluit est or. J’avais, continue-t-elle, fait dessein de servir Valère, mais je l’abandonne pour M. Poudre d’or\fg. Orante lui confie le dessein qu’il a de se remarier disant qu’il vaut encor mieux qu’un jeune homme. \og Les jeunes gens, dit Dorine, sont vieux avant d’être majeurs\fg.

Air : Confiteor

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Même avant l’âge de douze ans
Dans ce siècle l’on s’émancipe,
Et sur les forces de trente ans
Avant quinze l’on anticipe
À peine on connaît les désirs
Qu’on succombe sous les plaisirs.
orante

Air : Ô reguingué

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Informations sur cet air

Une femme m’adorera,
M’aimera, me bouchonnera.
dorine
Tous les soirs vous endormira.
orante
J’espère enfin du mariage...
dorine
Ce qu’on en espère à votre âge.
Elle lui conseille de se défaire au plus tôt de sa fille pour se marier lui-même plus facilement, et pour soustraire Angélique aux poursuites de Valère, de l’envoyer sur le champ au fond du [...].

Air : J’ai fait [...]

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Informations sur cet air

Si votre fille après son mariage
Reste en ces lieux et prend l’air de Paris,
Son pauvre époux pour prix de son voyage
Aura bientôt le sort de nos maris.
La voilà partie lui ferme sans me compromettre.

Scène xi

orante, angélique

Orante dit brusquement à sa fille qu’il faut oublier Valère pour épouser l’Américain, qu’il fera jetter par les fenêtres le maître à chanter, et que demain, à pareille heure, elle sera à plus de deux mille lieues de Paris.

Scène xii

angélique

Elle se désespère. Valère paraît.

Scène xiii

angélique, valère

angélique

Air : Le beau berger Tircis

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Informations sur cet air

L’amour ingénieux
Conserve l’espérance.
valère
Vous allez quitter ces lieux.
angélique
L’hymen me fait violence
Mais l’amour qu’il offense
N’en doit briller que mieux.
Valère confie la crainte qu’il a que Dorine, qui l’a reçu d’un air embarrassé, ne les trahisse.

Scène xiv

angélique, valère, jasmin

Jasmin apprend à son maître qu’un diable funeste, que Dorine le trahit.

Air : Le péril

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Informations sur cet air

Monsieur, regagnons la Hongrie,
Triomphons de notre ascendant
Et n’affrontons d’autre croissant
Que celui de Turquie.

Scène xv

les précédents, dorine

Valère accable Dorine de reproches, elle se défend sur les volontés d’Orante, qui veut la marier à son gré.
jasmin

Air : Notre espoir [allait faire naufrage]

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Informations sur cet air

Notre espoir vient de faire naufrage,
Un bon vent nous conduisait au port.
Ce malheur, perfide, est ton ouvrage
Qu’il est dur de finir un voyage
À deux doigts du bord.
dorine

Tout cela est vrai. Si je voulais vous en croire Mademoiselle


Air : Hé bien


Un prompt hymen fait à huis clos
Mettrait votre flamme au repos
Et puis après Valère,
Hé bien !
Instruirait votre père
Vous m’entendez bien.

Mais il faut obéir Continue-t-elle. votre futur a un valet que j’aime et que j’épouserai. C’est ce qui me fait prendre le maître sous ma protection. Elle fait retirer les amants.


Scène xvi

dorine, jasmin

Jasmin querelle Dorine, qui paraît insensible.

Scène xvii

orante, dorine, jasmin

Dorine prie Orante de la délivrer des importunités du valet de Valère. Orante veut le bâtonner. Dorine intercède pour lui.

Air : Fat puni


Ah ! Monsieur, faites-lui grâce.
orante
Non, sur lui faisons main basse.
dorine
Il le mérite \ibis\ mais, Monsieur,
Il faut être charitable.
J’ai pitié du pauvre diable
Qu’il en soit quitte \ibis\ pour la peur.

Scène xviii

orante, dorine

didascalie, Orante dit à Dorine que sa fille ne tient point

de lui.


dorine

Les filles ne tiennent pas toujours du père.


Air : Le trot

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Informations sur cet air

Parlez-lui d’un époux,
Elle est indifférente
Pour un lien si doux.
Son cœur n’a point de pente
Mais d’un amant faites-lui le portrait
Faites-lui le portrait.
orante
C’est, mon enfant, sa mère trait pour trait.
dorine
Son petit cœur il va le trot, le trot, etc.
Orante en sortant lui ordonne d’amener son notaire.

Scène xix

angélique, valère

Valère, persuadé que Dorine le trahit, veut persuader Angélique de se laisser enlever. Elle n’y veut point consentir.

Scène xx

orante, angélique, valère

didascalie, Orante, qui prend Valère pour son Américain, le presse en riant de finir l’affaire. Valère et Angélique, qui croient qu’il les raille, ne savent à quoi s’en tenir et sont dans un très

grand embarras. Pour en sortir, Valère lui avoue qu’il aime Angélique. Orante surpris d’un amour si subit en cependant charmé et dit à Valère au sujet de son mariage :


Air : Un peu d’aide fait grand bien


Monsieur, j’en fais mon affaire.
En vain, elle aime Valère,
elle n’y gagnera rien.
Pour vaincre sa répugnance
Il faut de la complaisance
Un peu d’aide fait grand bien.
L’embarras des amants redouble.

Scène xi

les précédents, dorine, le notaire

dorine

J’amène le notaire. À Orante, montrant Valère. Que dites-vous de votre Américain ? ne vaut-il pas mieux que cent Valères ?


Les amants se rassurent.
orante

Ma fille est une coquine qui me désespère. Elle ne veut point épouser monsieur. C’est son Valère qui est cause de tout cela.


dorine

Air : Ma mère, mariez-moi

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Informations sur cet air

Eh ! n’êtes-vous pas, Monsieur,
Maître d’elle et de son cœur ?
Mariez-les sur le champ
Je vous l’ai prêché, souvenez-vous en.
Que Valère après cela
Fasse tout ce qu’il pourra.
Elle met les mains des amants les unes dans les autres, et leur fait signer le contrat ainsi qu’à Orante. Elle dit au notaire :

Air : [Bouchez,] Naïades, [vos fontaines]

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Informations sur cet air

Puissiez-vous, Monsieur le notaire,
Avoir contre votre ordinaire
Fait le bonheur de deux amants.
La chose serait assez rare,
Il vous suffit d’unir les gens
Pour que le diable les sépare.

Scène xii

les précédents, jasmin

Jasmin dit à Orante, qui s’étonne de le voir chez lui après l’avoir chassé, qu’il y vient chercher son maître et sa femme. Orante demande ce que cela veut dire, et on lui fait comprendre que Valère est le prétendu Américain ne font qu’un, que la lettre qu’il a reçu du Pérou est de la façon de Dorine. Il se fâche puis s’apaise.
valère, à Dorine

Air : Le [...]

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Informations sur cet air

Ce secours n’est pas ordinaire
Tu combles nos vœux les plus doux.
Je te dois tout.
jasmin
C’est mon affaire.
Monsieur je payerai pour vous.
divertissement
Dans le climat le plus sauvage,
L’amour fait sentir son pouvoir.
Que deux beaux yeux se fassent voir
Le huron devient tendre, il soupire, il s’engage.
Triomphez de nos cœurs, régnez, jeunes beautés,
Tous vous répond de la victoire.
Notre défaite est votre gloire,
Partout vos droits sont respectés.
Fin

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