Les Jumeaux

Authors: Guérin de Frémicourt (Jean-Nicolas)
Parody of: Castor et Pollux de Bernard et Rameau
Date: 1754 march 1st
Performance: 1754 march 1st Comédie-Italienne - Hôtel de Bourgogne
Source: Supplément aux Parodies du Théâtre Italien ou Recueil de pièces de différents auteurs représentés, depuis quelques années, par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi, nouvelle édition, t. I, Paris, Veuve Duchesne, 1765
Jean-Nicolas Guérin de Frémicourt

Les Jumeaux


Parodie de Castor et Pollux, en trois actes
Représentée pour la première fois par les comédiens italiens ordinaires du roi
le samedi 9 mars 1754
Paris, Duchesne, 1755
definitacteur, jolicœur jolicœur
definitacteur, sans-raison sansraison

Acteurs


Brasdefer, ancien militaire de condition retiré : Monsieur Desbrosses
Olibrius, capitaine, fils de Brasdefer : Monsieur Rochard
Jolicœur, dragon, frère d’Olibrius : Mademoiselle Astraudy
Thérèse, amante de Jolicœur et accordée avec Olibrius : Madame Favart
Babet, sœur et rivale de Thérèse : Monsieur Chanville
Manon, confidente de Babet : Mademoiselle Desglands
La Terreur, soldat d’Olibrius
Sans-raison, geolier
Monsieur Grincé, capitaine de Jolicœur, qu’on ne voit point
Provinciaux et Provinciales
Actrices d’Opéra
Grivois et grivoises
Geôliers et geôlières
Dragons et paysannes
La scène est en province, près du château de Brasdefer et de la garnison de jolicœur.

Les Jumeaux


Acte i

Le théâtre représente un lieu orné pour des noces.

Scène i

Babet, Manon

manon

Air : Je ne sais ce qu’il me veut dire


Aujourd’hui, votre sœur Thérèse
Sera femme d’Olibrius,
Babet, que vous devez être aise.
babet, d’un air de dépit
Vraiment on ne peut l’être plus.
manon
Qu’est-ce donc que cela veut dire ?
Je crois que votre cœur soupire.
babet

Air : C’est qu’ça n’vous va brin


Hélas ! j’ai lieu d’être inquiète,
Le futur déplaît à ma sœur,
Et cette petite coquette
En secret aime Jolicœur.
Rendre mon amant infidèle,
Et plus que moi paraître belle,
C’est un outrage à mes appas,
Et ça n’se fait pas,
Ça n’convient pas.
manon

Air : Mais j’aperçois venir ici


Pour s’amouracher d’un soldat
Babet est trop bien né,
J’aimerais mieux le célibat
Qu’un pareil hymenée.
babet
Quand on a point d’ambition
Et qu’Amour nous domine,
On peut épouser un dragon
Jeune et de bonne mine.

Air : Oh reguingué, oh lon, lan, la

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Informations sur cet air

Un pareil choix me fait honneur,
Olibrius, quoique Seigneur,
Est le frère de Jolicœur.
manon
Ils ne sont frères que de mère,
Ces jumeaux ont chacun leur père.

Air : De tous les capucins

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Informations sur cet air

D’un militaire d’importance
Olibrius tient sa naissance,
Jolicœur est fils d’un manant.
babet
Je n’entre point dans ce mystère,
Mais tous deux eurent en naissant
Même cœur, même caractère.

Air : A coups d’pied, à coups d’poing


Dès leur enfance on jugea d’eux,
Et l’on prévit que tous les deux
Se distingueraient avec gloire.
Olibrius, enfant mutin,
Se chamaillait en vrai lutin,
Et chacun fut témoin
Comme il trouva la manière de s’battre.
À coups d’pied, à coups d’poing,
Et d’casser la jambe et la machoire.

Air : Je ne sais pas écrire


Et Jolicœur, petit garçon,
Sur un balai, sur un bâton,
Galopait par la ville,
Son goût le rendit maquignon
Puis il devint étant dragon
Cavalier fort habile.
manon

Air : Carillon, din, dan, don


Mais si vous aimez Jolicœur,
Laissez marier votre sœur.
babet
J’aurai, je crois, plus d’avantage,
En empêchant ce mariage.
manon
Sans raison vous le troublez,
On ne sait ce que vous voulez.
babet

Air : À sa voisine


Je n’ai pas tort,
S’ils sont d’accord,
Il faudra que je meure.
Car Jolicœur,
Près de ma sœur,
La verrait à toute heure.
Olibrius est un amant
Dont l’âme est morfondue,
Il peut lui céder aisément
Sa prétendue.

Air : Bacchus disait pour m’exciter à boire


Mais empêchons que mon malheur s’achève,
Monsieur Grincé paraît entreprenant,
Ma sœur lui plaît, il faudra qu’il l’enlève,
Un jour d’hymen, le tour sera plaisant.

Air : Sur le pont d’Avignon

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Informations sur cet air

Elle vient. Sa présence excite ma colère,
Manon, je t’ai tout dit Le texte imprimé porte \og j’ai t’ai tout dit\fg , nous corrigeons. \SR, tu n’es plus nécessaire.
Manon sort.

Scène ii

Babet seule

babet
airnote, Pour Jeannette
Favorise
L’entreprise,
Tendre Amour,
D’un cœur qui suit ta cour.
Que les grâces
Sur mes traces
En ce jour
S’empressent tour à tour.
Que j’arrange,
Elle tire un miroir de poche.
Ma fontange,
À dessein,
J’ai mis cet assassin.
L’autre mouche
Rend farouche,
Il faut prendre
L’air plus tendre
Pour séduire,
Pour conduire
Finement
Dans le piège un amant.
Elle sort.

Scène iii

Thérèse seule

thérèse
airnote, Menuet nouveau
Ah ! qu’on est à plaindre
De se contraindre
Dans ses amours
Que l’on doit craindre
Des nœuds qui durent toujours !
La tendresse
Doit seule nous engager,
Ou la sagesse
Court beaucoup de danger.


Je vais faire serment
D’aimer un époux constamment,
Cet époux n’est pas mon amant,
En secret mon cœur me dément,
N’est-il point d’arrangement ?
Si la faiblesse
Me surprend,
Qui sera de ma promesse
Le garant ?


Qu’on est à plaindre etc.

Scène iv

Jolicœur, Thérèse

jolicœur

Air : Hélas, nuit et jour, je pense


Adieu, ma chère maîtresse,
Je vous vois, je pars content.
thérèse
Je pensais que la tendresse,
Vous rendrait triste en partant.
jolicœur
Hélas ! c’est un tour galant,
Qui peint ma délicatesse,
Embrassons-nous, ma princesse,
Mes amours,
Car c’est pour toujours.
thérèse

Air : Ah, Colin, finis ! je te dis et redis


Quelqu’un peut venir,
Et je dois vous bannir.
jolicœur
C’est trop me punir,
Quelle rigueur extrême !
Le futur époux,
De moi n’est point jaloux,
Il sait que je t’aime
Sans se fâcher contre nous.

Air : Monsieur le Prévôt des marchands

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Informations sur cet air

Tu refuses de m’écouter !
Quand je suis prêt à te quitter.
thérèse
Ne restez-vous pas à la noce ?
jolicœur
Non, non.
thérèse
C’est en user fort mal.
jolicœur
Morbleu, je veux que l’on me rosse,
Si je vois cet hymen fatal.
thérèse

Air : Quoi, vous partez

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Informations sur cet air

Quoi ! vous partez, sans que rien vous arrête ?
jolicœur
Dans tes beaux yeux je trouverais la mort,
Me convient-il de danser à la fête ?
Pour un rival, le rôle est un peu fort !
thérèse
Quoi ! vous partez, sans que rien vous arrête ?
Un seul instant peut changer notre sort.
jolicœur
airnote, Comme la poudre qui s’envole
Je vais d’ici déloger sans trompette,
À l’intérêt ton cœur a pu céder ;
On me l’enlève, en vain je le regrette,
Pour moi l’Amour devait y commander ;
Espoir trop cher !
Mais espoir trop frivole.
Hélas ! tu te perds en l’air
Comme la poudre qui s’envole.


Le jour, la nuit, je faisais sentinelle,
Pour m’emparer de ce rebelle cœur.
De ta fierté battant la citadelle,
De tes refus je me croyais vainqueur,
Espoir trop cher ! etc.


Pour mon malheur, l’hymen en embuscade,
Dans mon attaque est venu me troubler,
Lorsque ton cœur qui battait la chamade
Avec l’Amour allait capituler,
Espoir si cher ! etc.
thérèse

Air : Monsieur de Catinat

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Informations sur cet air

Tu sais que je te plains, ton frère en fait autant.
jolicœur
Vous me plaignez, il m’aime, ah ! je suis trop content :
Je remonte à cheval et je pars à l’instant.
thérèse
Toujours content de rien !
jolicœur
Adieu, ma chère enfant.
Ils s’embrassent.

Scène v

Olibrius, Thérèse, Jolicœur

olibrius, les surprenant
airnote
Bon !
Je vous y prends donc,
Couple fidèle !
Bon !
Je vous y prends donc,
Mon beau dragon !
jolicœur
Ah ! c’était nos adieux.
olibrius
Bagatelle.
thérèse
Oui, c’était nos adieux.
Oui, jugez mieux.
olibrius

Air : Dans ses bras tu resteras,


Dans ses bras,
Tu resteras
thérèse
Ah ! quel embarras !
olibrius
J’ai tout su,
Morbleu !
Tout aperçu,
Mais son feu
M’alarme peu.
De mon hymen je romps le nœud,
Tous deux d’un plein aveu,
Je vous lie,
À part.
Ma folie
Risquait trop gros jeu.
thérèse
Quoi ! Monsieur ?...
olibrius
C’est en honneur.
jolicœur
Vous feriez mon bonheur ?
thérèse
Est-ce un songe
Trompeur ?
À part.
Qu’il prolonge
L’erreur.
olibrius
Non, non, non, non.
C’est tout de bon.
À part.
D’un mari je crains le sort
Et je n’ai pas grand tort,
Il était, parbleu, temps.
Vivez tous deux contents,
Soyez époux.
jolicœur
Ô sort trop doux !
À Thérèse.
N’y consentirez-vous pas
Mon petit cœur ?
thérèse
Hélas !
olibrius, jolicœur et thérèse, ensemble
]
Dans ses bras
Dans mes bras
Tu resteras.
olibrius

Air : Que j’estime mon cher voisin

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Informations sur cet air

Thérèse était fort de mon goût
Je t’immole ma flamme,
À part.
Il faut se faire honneur de tout.
jolicœur et thérèse, ensemble
Ah ! quelle grandeur d’âme !
olibrius

Air : L’aveugle enfant


Tu peux, mon cher, juger du sacrifice,
Par les tourments que ton cœur a souffert.
jolicœur
Oh, j’aime mieux juger d’un tel service
Par les plaisirs qui me seront offerts.bis
olibrius

Air : Eh, allons donc, jouez violons


Tu vas jouir d’un avantage,
Qui devait être mon partage ;
Tous les apprêts
Sont déjà faits,
Qu’à la gaité l’on s’abandonne,
L’hymen t’apprête sa couronne,
C’est moi qui devais la porter,
Mais tu sais mieux le mériter.
Enfants, la musique est payée,
Rions, chantons et gambadons,
Eh ! allons donc, jouez violons.

Scène vi

Olibrius, Thérèse, Jolicœur, entrée de différents provinciaux et provinciales

divertissement
thérèse
airnote, Les bretonnes
Sautez donc, mon cœur battez donc,
Comme il s’agite !
Comme il palpite !
Sautez donc, mon cœur battez donc,
Comme il palpite pour mon mignon.


Chacun ici se réjouit,
Partagez mon plaisir extrême ;
Chantez, dansez, jusqu’à la nuit,
Je sens mon cœur sauter de même.
Sautez donc etc.


Quand on épouse un objet que l’on aime,
L’hymen devient le dieu le plus charmant ;
Pour une femme, ah ! quel bonheur suprême !
Dans un époux, de trouver un amant.
Quel beau jour qu’un jour de mariage.
On voit partout régner la gaité
Si c’est toujours de même en ménage,
Il n’est point d’autre félicité.
Sautez donc etc.
On danse.

Scène vii

Olibrius, Thérèse, Jolicœur, la terreur soldat d’Olibrius

la terreur

Air : Un officier, deux officiers


Ventrebleu, tandis qu’en ces lieux
Vous dansez à votre aise,
Grincé s’approche en furieux,
Pour enlever Thérèse.
olibrius
Pour enlever Thérèse !
jolicœur
Pour enlever Thérèse, ô dieux !
tous, ensemble
Nous défendrons Thérèse.

Air : Ma commère, quand je danse

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Informations sur cet air

Quoi qu’il soit mon capitaine,
Sous mes coups il tombera.
olibrius, à Thérèse
Éloignez-vous donc, ma reine,
Pendant qu’on vous défendra.
À Jolicœur.
Va par ici, je vais par là.
jolicœur et olibrius, ensemble
Dépêchons-nous,
Mes amis, armez-vous,
Courons tous,
Les voilà.
Ils courent tous aux armes.
une femme de la noce

Air : Allez-vous-en [gens de la noce]

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Informations sur cet air

Allons-nous-en, gens de la noce,
Allons-nous-en, chacun chez nous.
On ne voit que plaie et bosse,
On ne gagne ici que des coups.
chœur de femmes, ensemble
Retirons-nous, retirons-nous,
Allons-nous-en, gens de la noce,
Allons-nous-en, chacun chez nous.
Elles emmènent Thérèse. Combat. Grincé et sa suite repoussent Jolicœur et ses amis.
la terreur, à Olibrius

Air : Beau marinier


Venez, Seigneur Olibrius,
Car sans vous nous sommes perdus,
Jolicœur est mis en prison.
olibrius
Oh ! j’en aurai bientôt raison.
Olibrius rallie ses gens, qui se battent contre ceux de Grincé, qui sont repoussés à leur tour.
finacte

Acte ii

Le théâtre représente l’extérieur de la prison, éclairé par des lanternes.

Scène i

Thérèse seule, en deuil

thérèse

Air : Approchons, Vesta repose


Faible éclat, lanternes,
Ternes,
Astres de ces noirs cachots,
Tristes falots,
En rendant moins sombre,
L’ombre,
Vous en redoublez l’horreur.
Malgré ma peur,
Pleurons ici Jolicœur.

Air : Que ne suis-je le bouquet


Il avait bon pied, bon œil,
Il était vif comme un écureuil,
Il était léger comme un chevreuil,
Son cœur pétillait d’un noble orgueil,
Il me faisait tant d’accueil,
De ma rigueur il était l’écueil,
Il me semble qu’il est au cercueil,
Et j’en porte le deuil.


Je reste fille !
L’Hymen en grand attirail
Allait signer notre bail,
Mon amant gémit sous la grille
De quelque affreux soupirail.


À son air frais et vermeil,
Je songerai pendant mon sommeil,
Pour le mieux pleurer à mon réveil,
Sous ce triste et lugubre appareil.
S’il eut suivi mon conseil,
Il serait encor fier sur l’orteil.
En perdant cet amant sans pareil,
Je renonce au soleil.

Scène ii

Babet, Thérèse

thérèse

Air : Comment donc, petite effrontée


Je vous trouve bien effrontée,
De venir me braver jusqu’en ces lieux,
Ôtez-vous de mes yeux,
Craignez une amante irritée,
Ôtez-vous de mes yeux.
babet
Il est vrai que je ferais mieux.
thérèse

Air : Eh ! bon, bon, bon, eh ! fron, fron fron


Jolicœur est mis en prison,
C’est par votre trahison.
babet
Eh ! bon, bon, bon, eh ! zon, zon, zon
Prenons courage,
Je pourrai bientôt,
D’un mot,
Réparer le dommage.
thérèse

Air : Ma Fanchon, ne pleurez pas


Vous pourriez combler mes vœux ?
babet
Vous allez un peu trop vite,
Son sort dépend de nous deux ;
Pour la peur, il en sera quitte.
Mais il ne sera point lâché
Sans avoir fait notre marché.bis

Air : C’est mademoiselle Manon

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Informations sur cet air

Jolicœur s’est battu contre son capitaine,
Selon toutes les lois il en devrait mourir.
Mais par certains égards, on a changé sa peine,
On l’a mis en prison pour n’en jamais sortir.
thérèse
Projets superflus !
Hélas ! nous ne le verrons plus.
Comment le délivrer ? Votre espérance est vaine.
babet
J’en aurai l’honneur
Mais il faut me céder son cœur.
thérèse
Oui da, je le veux bien.
À part.
Car je ne risque rien.
babet

Air : Je n’en dirai pas davantage


Le geôlier me fait les doux yeux :
Il ouvrira bientôt ces lieux,
Mes charmes ont quelque avantage :
Je n’en dirai pas davantage.

Air : Ah ! Maman que je l’échappe belle


Beau dragon, avec toi je m’engage,
Qu’une vive ardeur,
De ta froideur
Me dédommage,
À ton tour, à Babet, rends hommage,
Ton air tapageur
A séduit mon sensible cœur.


La fierté vainement prend les armes,
Tu sais l’étouffer,
Et triompher,
De nos alarmes.
Dans tes yeux,
Pleins de feux,
Pleins de charmes,
Fillette à l’instant
Devine à quoi sert un amant.


En amour, un ardent militaire,
Vaut mieux qu’un robin.
Fade poupin,
Trop froid pour plaire,
Une mine et gaillarde et guerrière
D’assaut prend un cœur,
Qui s’excuse après sur sa peur.
On entend une fanfare.
thérèse

Air : De nécessité nécessitante


Mais d’où partent ces chants d’allégresse
Dans des lieux où règne la tristesse ?
babet
Olibrius vient et je vous laisse,
J’agirai selon votre promesse.

Scène iii

Olibrius et ses amis, Thérèse

olibrius

Air : Marche des Francs-Maçons


Que tout chante ma gloire,
J’ai percé
Le téméraire Grincé,
Ma valeur l’a terrassé.
J’étais sûr de la victoire,
Que tout chante ma gloire !
Trop sensé
Pour être jamais blessé,
Je suis toujours cuirassé,
C’est bien pensé.


Guerriers,
Qui partagez mes lauriers,
D’un rival
Fier et brutal,
Apportez ici les armes,
Pour mieux sécher les larmes
D’un objet plein de charmes
Chantez tous en chœur,
L’heureux vengeur,
Qui de son cœur
Calme la douleur.
chœur des amis d’olibrius, ensemble
Rondeau abrégé
En chœur,
Chantons la gloire,
La victoire
De ce brave seigneur,
À peine il est outragé,
Qu’il est vengé.
olibrius
Que ces tristes lieux retentissent,
Que les prisonniers applaudissent,
Qu’ils chantent, qu’ils se réjouissent,
Mais il faut pour qu’ils en jouissent,
Que vos bruyants concerts
Éclatent dans les airs.
chœur, reprend
En chœur,
Chantons la gloire,
La victoire
De ce brave seigneur.
À peine il est outragé
Qu’il est vengé.
thérèse

Air : Je ne dois plus feindre


S’annoncer par une fanfare !
Vous avez le cœur bien barbare.
Au lieu d’avoir la larme à l’œil,
Du malheur de votre cher frère.
olibrius
Et vous, pourquoi vous mettre en deuil ?
Cet habit ne vous convient guère.

Air : Comme un coucou

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Informations sur cet air

Était-il votre époux ?
thérèse
O, dame !
Il était mon amant chéri.
olibrius
Cela suffit-il ?
thérèse
Une femme
Porte bien le deuil d’un mari.
olibrius

Air : Allons gai, monsieur le Procureur


Allons gai, soyez de bonne humeur,
Car j’ai vengé Jolicœur.
thérèse

Air : Il faut autre chose


Vous remportez une victoire,
La vengeance flatte la gloire,
D’accord,
Mais aux tourments que l’amour cause.
Il faut autre chose encor,
Il faut autre chose.
olibrius

Air : Je ne suis pas assez beau

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Informations sur cet air

Je sais tout ce qu’il vous faut,
Oh ! oh !
Pour l’amour vous êtes née,
Vous allez jouir bientôt,
Oh ! oh !
D’une heureuse destinée.
Me voilà
Prêt à remplacer mon frère,
Puisque l’hymen sait vous plaire,
Terminons ce marché-là.
thérèse
Ah, ah, ah, ah !
Pouvez-vous penser cela ?
olibrius

Air : Que nos accents,


Faites, d’un mot, adorable Thérèse,
Votre bonheur et ma félicité ;
De votre cœur que la douleur s’apaise,
De si beaux yeux sont faits pour la gaité,
De la tendresse
La douce ivresse,
Ajoute encore un charme à la beauté.
thérèse

Air : Le temps passé n’est plus


Jolicœur est-il oublié ?
Que devient donc votre amitié ?
olibrius
Ma foi, n’y pensons plus,
Car nos regrets sont superflus.
note[L’Amour est un esclavage, de Monsieur Mondonville]
Des douceurs du mariage,
Mon cœur est encor tenté,
Si ce n’est pas être sage,
Mon excuse est ta beauté.


Dans une langueur extrême,
Ne perdons point nos beaux ans,
Ah ! je sens que je t’aime,
Thérèse, aime-moi de même,
Cela fait passer le temps.


Des douceurs du mariage,
Mon cœur est encor tenté,
Que mon feu te dédommage
D’un amant trop regretté.


En vain, ton cœur se désole,
Prends un autre engagement,
Sans espoir, l’amour s’envole.
En gémir, c’est être folle,
Toujours un amant console
De la perte d’un amant.


Des douceurs du mariage,
Ton cœur n’est-il point tenté ?
Qu’il est doux d’en faire usage
En perdant sa liberté !
thérèse

Air : Bacchus disait, pour m’exciter à boire


Pour Jolicœur la même ardeur m’anime,
Mais mon estime est toute à vous.
olibrius
Hélas !
En pareil cas, dire que l’on estime,
C’est clairement dire qu’on n’aime pas.bis

Air : C’est fort bien fait, c’est encor mieux


Hé bien, par un trait de grandeur,
Je vais trouver mon père,
Brasdefer est puissant seigneur,
Il sauvera mon frère,
Mon amitié m’inspire ce projet.
thérèse
C’est fort bien fait.bis
olibrius
De plus, je veux
Vous rejoindre tous deux.
thérèse
C’est encor mieux.bis
olibrius

Air : Nous autres bon villageois

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Informations sur cet air

Comptez sur un prompt effet,
Il faut s’en réjouir d’avance,
Vous allez voir un ballet.
thérèse
Ah ! grands dieux ! quelle extravagance
Quand votre frère est en prison.
olibrius
Je crois, parbleu, qu’elle a raison,
Allons, messieurs, retirez-vous.
Elle a plus de bon sens que nous.bis
olibrius et thérèse, ensemble
Duo de monsieur de la Garde

Air : Quel plaisir de boir du vin


Il n’est point de plus rare honneur
Que de céder ce que l’on aime,
De son ami, combler l’ardeur,
Quand on peut agir pour soi-même,
Que cet effort a des grandeur !
Des noms fameux, célébrez dans l’histoire
Le votre sera le premier,
Le mien doit être le premier,
On va partout chanter sa gloire,
On va partout chanter ma gloire,
Qu’il est beau d’être singulier !
Il sort.

Scène iv

Thérèse seule

thérèse
airnote, Menuet nouveau
Est-il sans l’amour
Un seul beau jour ?
Pour sentir ses traits
Nos cœurs sont faits,
Qui redoute ses alarmes,
Connaît peu ses charmes.
Le cœur d’un ami
Est endormi,
S’il goûte un repos
Exempt de maux,
Jamais les plus doux plaisirs
N’ont comblé ses désirs.bis


Vole, dieu vainqueur,
Vole dans mon cœur,
Tu fais gémir,
Tu fais souffrir,
Mais on craint de se guérir,
Un seul moment,
Peut d’un amant,
Payer le tourment.
Nos chaînes,
Nos peines,
Sont autant de biens,
Et je m’y tiens,
Car, est-il sans l’amour, etc.
Elle sort.

Scène 5

Olibrius et des laquais dans le fond du théâtre
olibrius

Air : Elle aime à rire, elle aime boire


Laquais, je viens voir votre maître.
un laquais
Oh ! Monsieur, il est occupé.
olibrius
Que fait-il ?
le laquais
Il donne à souper,
À des actrices.
olibrius
J’en puis être :
Ouvrez-moi vite ce salon.
le laquais
Personne n’ose l’entreprendre.
Attendez !
olibrius
Pourquoi donc attendre ?
Je suis le fils de la maison.
un autre laquais

Air : Or, écoutez, honorable assistance


Monseigneur vient, que tout tremble et frémisse,
Il ne paraît que la canne à la main,
Et lorsqu’il sort, son plus doux exercice
Est de rosser ceux qu’il trouve en chemin,
De sa présence
En diligence,
Éloignons-nous,
Et craignons tous
Les coups.
Les laquais sortent.
olibrius

Air : Ma voisine a fait un faux pas


Voyez un peu cet insolent !
De son maître, fort joliment,
Le drôle chante les merveilles ;
Après ce bel éloge-là,
On va croire que mon papa
Vient pour me frotter les oreilles.
Les portes du salon s’ouvrent et l’on voit un riche appartement d’où sort Brasdefer.

Scène vi

Brasdefer, Olibrius

olibrius

Air : La révérence anglaise


Je viens, Monsieur,
Vous faire ici ma révérence,
De tout mon cœur,
Je suis votre humble serviteur,
Mon frère Jolicœur,
Pour un trait d’imprudence,
Dans des murs fort épais
Vient d’être mis au frais.
brasdefer
Quand un militaire
Se bat contre son officier,
C’est un téméraire,
Point de quartier,
Le conseil de guerre
A jugé ton frère,
Contre nos lois
Je n’irai pas donner ma voix.
olibrius
Contredanse

Air : Les petits rats

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Informations sur cet air

Moi, je vais, dans la rage qui m’enflamme,
Enchaîner tous les dogues de la tour,
Pénétrant à la lueur de ma lame,
Dans l’horreur des cachots de ce séjour,
Des geôliers je braverai la colère,
Je n’entends ni rime, ni raison,
Et pour être un fils digne de son père,
Je veux mettre en cendre la prison.
brasdefer

Air : Tout d’travers

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Informations sur cet air

Je n’ai jamais vu d’étourdi
Plus hardi.
Mais à ces grands mots qu’il dit
Tout d’travers,
Je juge qu’il a l’esprit
À l’envers.
olibrius

Air : Des favoris de la gloire


Aux cœurs que la gloire excite,
Ces grands écarts sont permis,
Cher papa, tout vous invite
À rejoindre deux amis.
De plus, la beauté que j’aime
Attend mon frère à l’instant,
Je dois les unir moi-même,
Par un triomphe éclatant.
brasdefer

Air : Dans le fond d’une écurie

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Informations sur cet air

Sur ce grand trait de noblesse,
Réfléchissons un moment.
L’un en cédant sa maîtresse,
Se montre mauvais amant
Et l’autre mauvais ami
S’il reçoit la politesse,
Faible amant, mauvais ami,
À vous rien ne m’intéresse,
Faible amant, mauvais ami,
Ne sont héros qu’à demi.
olibrius

Air : Comme un coucou que l’amour presse

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Malgré tous vos discours, mon père,
Je ne conviens point de mon tort,
Si vous ne me rendez mon frère,
J’aime mieux partager son sort.
brasdefer
Contredanse

Air : La nouvelle polonaise


Tu n’es pas digne de mon sang,
Et ton frère occupera ton rang,
D’une importune audace,
Morbleu, je me lasse,
Va, cours le tirer d’embarras,
Mais chez moi tu ne reviendras pas,
En prison, à sa place,
Tu resteras.
olibrius

Air : Qu’importe

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Informations sur cet air

Oh ! je le veux bien.
brasdefer
De moi tu n’auras rien.
olibrius
Qu’importe.
brasdefer
Quel vertigo l’emporte ?
Songe aussi que tu perds
Mille plaisirs divers.
olibrius
Qu’importe.
brasdefer

Air : Monsieur, en vérité, vous avez bien de la bonté

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Informations sur cet air

Connais les plaisirs des seigneurs.
olibrius
Je veux partir.
brasdefer
Arrête.
Aux actrices qui sortent de son appartement.
Venez, chers tyrans de nos cœurs,
Lui donner une fête.
Qu’en ces lieux il soit arrêté
Par les talents de quelque actrice.
olibrius, à Brasdefer, qui rentre dans son appartement
Quel artifice !
Monsieur, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.

Scène vii

Olibrius, chanteuses et danseuses

divertissement
une chanteuse

Air : Je ne sais pas écrire


Seigneur, de nos aimables jeux,
Amusez-vous une heure ou deux.
olibrius
Non, non, je me retire,
Ah ! dans le trouble où je me voi,
Belles, que voulez-vous de moi ?
la chanteuse
Ah ! Doit-on vous le dire ?
On danse autour de lui.
une chanteuse

Air : Ici, je fonde une abbaye


Pour passer doucement la vie,
Il faut s’égayer tant qu’on peut,
Doux objets, table bien servie,
Ici l’on fait ce que l’on veut.


On n’est heureux que quand on aime,
Aimer est un bien sans égal,
Votre papa suit ce système,
Et ne s’en trouve pas si mal.


Le plaisir à vous se présente,
Approchez, voyez et goûtez ;
Tout ici prévient votre attente,
C’est le séjour des voluptés.
On danse encore autour de lui pour l’empêcher de sortir.
olibrius

Air : Je suis pour les dames


Des doux plaisirs, vous nous offrez l’image,
Sous des traits un peu forts,
Mes chers enfants, vous perdez l’étalage,
De vos rares trésors,
Ah ! finissez ce fade badinage,
Je veux être sage, moi,
Je veux être sage.
À la fin, il s’échappe et sort.
finacte

Acte iii

Le théâtre représente l’extérieur de la prison et le guichet.

Scène i

Babet seule, en s’arrangeant

babet

Air : De ses yeux, la langueur éloquente


Redoublons le pouvoir de nos charmes,
Le succès ne peut être incertain,
Le geôlier rendra bientôt les armes,
Animé par l’amour et le vin.

Air : À boire à monsieur le Prieur


Il y va de ma gloire
De sa demeure noire,
Tirons adroitement,
Mon cher amant ;
Pour mieux remporter la victoire,
J’ai fait venir mon sommelier ;
Le sommelier et les geôliers paraissent.
À boire, à boire, à boire,
À monsieur le Geôlier.

Scène ii

Babet, le Sommelier, le Geôlier et sa suite

Ils reprennent en chœur.
À boire, à boire, à boire,
À monsieur le Geôlier.
On leur verse du vin.

Scène iii

Les précédents acteurs

olibrius

Air : Que chacun de nous se livre


Je viens délivrer mon frère
De ce séjour ennuyeux.
babet
L’Amour en fera l’affaire,
Croyez-moi, j’agirai mieux.
olibrius
De vous je crains des obstacles,
Je veux prouver en ce jour,
Que pour faire des miracles,
L’amitié vaut bien l’amour.

Air : Ouvre-moi ta porte


Au Geôlier.
Ouvrez-moi la porte,
Mon frère est chez vous,
Je veux qu’il en sorte,
Ça, dépêchons-nous.
Pendant que le Geôlier chante, sa suite danse le même air.
le geôlier

Air : On ne peut trop tôt,


Que ce fier à bras,
Change de langage,
Son frère est en cage,
Un triple grillage,
Le retient là-bas.bis


[bis]
Ferons le passage
Par mille entrechats,
Faisons grand tapage...
Surmontons sa rage
Par nos éclats.bis


Montrons du courage,
Allons, haut les bras,
Faisons grand tapage...
Nous bravons l’orage,bis
On n’entre pas.bis
babet, à Olibrius

Air : Je passe la nuit et le jour

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Au lieu de les faire cesser
Regardons les un peu s’battre,
Nous les allons voir s’efforcer
Pour faire ici le diable à quatre.
Puisqu’ils aiment tant à danser,
Il faut les laisser
S’exercer,
Se trémousser,
Et se lasser,
Ensuite on saura les chasser.
Deux geôliers et une geôlière dansent un pas de trois avec des trousseaux de clef à la main.
olibrius, regardant la geôlière

Air : Pour la baronne

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Elle est jolie,
Croit-elle inspirer la frayeur ?
Petite geôlière, ma mie,
Je n’ai point peur
De ta fureur,
Elle est jolie.
Tous les geôliers dansent.
babet

Air : Il faut quand l’amour nous presse

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Quelle nombreuse brigade !
olibrius
Oh ! je vais les renvoyer,
Car je commence à m’ennuyer
De leur bravade,
Ils ne nous seraient pas quartier
D’une gambade.
Trio

Air : Dans la cuisine


Au geôliers.
C’est trop attendre,
Je vais entrer malgré vous,
Je suis peu tendre,
Morbleu, craignez mon courroux,
C’est trop attendre,
Je vais vous assommer tous.
babet, à Olibrius
C’est trop prétendre,
Vous êtes seul contre eux tous.
Aux geôliers.
Il est peu tendre,
Fuyez, redoutez ses coups.
À part.
Ah ! quelle esclandre !
Je voudrais être chez nous.
le geôlier
C’est trop prétendre,
De force entre-t-on chez nous ?
Pour nous défendre,
Nous saurons combattre tous,
Il est peu tendre,
Amis, ma foi, sauvons-nous.
Olibrius, l’épée à la main, les chasse. Ils se sauvent dans la prison où il les suit et entre avec eux.

Scène iv

Babet seule

babet

Air : Sous un ombrage épais


Tout ce grand bruit
N’a donc rien produit !
Ils ont tous, de ce frappeur,
Peur,
Moi, je le suis,
Mais je ne le puis,
On a fermé le guichet,
Net.
Ah ! si bientôt,
Jolicœur sort du cachot,
C’est à ma sœur
Qu’il portera son ardeur ;
Jusques ici,
J’ai mal réussi,
Ferai-je encor carillon ?
Non.

Air : À la promenade, Menuet


Un courroux
Sombre et jaloux,
De nos jours,
Trouble le cours,
Par douceur
On gagne un cœur,
Jamais par rigueur,
Vainement
J’aime un amant.
Il se rit,
De mon dépit,
Mes attraits
Sont vifs et frais,
Pourquoi m’affliger ?
[bis]
Changer
C’est mieux se venger.

Air : Que j’aime mon cher Arlequin


Mal à propos j’ai fait éclat,
Ah ! le sot rôle,
Que ma sœur garde son soldat,
Entre nos cœurs plus de débat,
Du mien, l’amour s’envole,
De courir après un ingrat,
Ah ! qu’une femme est folle.
Elle sort.
\scene[Le théâtre représente le préau de la prison. On voit au fond des grivois et grivoises autour de plusieurs tables.] Jolicœurseul sur le devant
jolicœur

Air : Habitants des galères


Bien aise
D’engager sa foi,
Thérèse,
S’enflammait pour moi,
Elle m’était bien due,
Prêt à me marier,
Ma chère prétendue
Plaît à mon officier.


Sa flamme
Veut me l’enlever,
Ma lame
Veut la conserver,
Contre mon capitaine,
Je me bats en démon,
Mais hélas ! pour ma peine,
On me mène en prison.


Sans cesse,
Il faut qu’un époux
Paraisse
Complaisant et doux.
Si l’honneur s’en offense
Moquez-vous de ses cris,
Imitez la prudence
Des Messieurs de Paris.
Des grivois et grivoises dansent en rond.
un grivois

Air : Ah ! voilà la vie que les moines font


Il faut de sa peine
Toujours s’étourdir,
La raison n’amène
Jamais le plaisir.
Nous l’avons bannie,
Et dans ce séjour
Nous passons le jour
À parler d’amour,
À rire, à sauter,
À boire, à chanter,
Sans aucun souci,
Ah ! voilà la vie, la vie, la vie,
Et voilà la vie
Que l’on mène ici.
chœur
Ah ! voilà la vie etc.


Nous laissons la plainte,
À nos créanciers,
Nous n’avons plus crainte,
Des fâcheux huissiers
La gloire et l’envie,
Le brillant fracas,
Ne nous troublent pas.
Les biens superflus
Ne nous tentent plus,
Nous passons le jour
À parler d’amour,
À rire, à sauter,
À boire, à chanter,
Sans aucun souci,
Ah ! voilà la vie, la vie, la vie,
Et voilà la vie
Que l’on mène ici.
chœur
Ah ! voilà la vie etc.
On danse.
une grivoise
airnote, Vaudeville nouveau
Il n’est point de sûrs asiles
Quand l’amour lance ses traits :
Des âmes les plus tranquilles
Il aime à troubler la paix ;
Et ses flèches
Font des brèches
Jusqu’au séjour de Pluton,
Ah ! voyez donc,
Le p’tit fripon,
S’attendrait-on
À le voir là ?
Mais subtilement,
Dans le moment,
On n’sait comment
L’y voilà.


On fait en vain sentinelle
Au sérail des Ottomans,
En vain le sabre étincelle,
Pour effrayer les amants,
Il se glisse
Sa malice
Sait endormir le soupçon.
Ah ! Voyez donc etc.


Ouvre les yeux, les oreilles,
Vieux jaloux, défend tes droits,
N’épargne ni soins, ni veilles,
Grille de la cave aux toits.
Par adresse,
Par finesse,
Il sera dans la maison.
Ah ! Voyez donc etc.


Dame Olympe, triste prude,
Déclame contre l’amour,
Mais elle a le ton moins rude
Sitôt qu’on lui fait la cour,
Dame Olympe,
Sous sa guimpe,
Sent son cœur comme un tison.
Ah ! Voyez donc etc.
La danse est interrompue par l’arrivée d’Olibrius.

Scène v

Jolicœur, Olibrius

olibrius

Air : Nous sommes précepteurs d’amour

Voir la partition
Informations sur cet air

Ne cessez point des jeux si doux !
Amis, pourquoi fuir à ma vue ?
Je viens habiter parmi vous,
Et vous payer ma bienvenue.

Air : Ah ! la drôle d’histoire


À Jolicœur.
Ah ! viens que je t’embrasse.
jolicœur
Ah ! c’est vous que je voi.
olibrius
Je viens prendre ta place,
Par amitié pour toi :
À ce prix j’ai ta grâce.
jolicœur
Vous vous moquez de moi.
olibrius

Air : C’est une autre affaire


À tous mes honneurs succède,
Reçois ce que je te cède.
jolicœur
L’amitié me le défend,
Serait-ce agir en bon frère ?
olibrius
Thérèse t’attend.
jolicœur
Oh ! c’est une autre affaire.
olibrius

Air : Viens dans mon âme


L’amour t’appelle,
Dans son riant séjour,
Vole en ce jour,
Sois lui fidèle,
Rends amour pour amour.


Tu fais mourir Thérèse éloigné d’elle,
Thérèse, en pleurs, demande ton retour,
Pars et va lui faire ta cour,
Que cette belle
Te répète à son tour,
L’amour t’appelle etc.
jolicœur

Air : Hélas, maman, c’est bien dommage


C’en est fait, je n’insiste pas,
Quoi ? Je causerai son trépas
Si je m’arrête d’avantage ?
Tout de ce pas j’y vais courir,
Je dois l’empêcher de mourir,
Car ce serait un grand dommage.

Air : Chacun à son tour


Je reviendrai, je vous assure,
Dès que j’aurai fait mes adieux,
Parlasambleu, je vous le jure.
olibrius
Ne jure pas, tu feras mieux.
jolicœur
Vous pourrez recevoir cette poulette
Peut-être avant la fin du jour,
Chacun à son tour,
Liron, lirette,
Chacun à son tour.
olibrius

Air : Filles qui passez par ici


Mon frère, ici tu perds ton temps.
jolicœur
Adieu, je me retire,
Je reviendrai dans peu d’instants,
Je n’ai qu’un mot à dire.
Il sort.

Scène vi

Olibrius seul

olibrius

Air : Je vais revoir ma charmante maîtresse,


Il va revoir sa charmante maîtresse,
J’ai tout cédé, trésor, tendresse,
Ce trait doit paraître un peu fort.
Par l’excès d’un plus rare effort,
Je cède encor, honneur, noblesse,
[bis]
Est-ce grandeur, est-ce faiblesse ?
Je pourrais bien avoir tort.

Air : Est-il sans aimer,


Est-il, en aimant,
Quelque douceur parfaite !
Non, non, l’amour est un tourment,
D’abord il séduit,
Bientôt il inquiète,
Ah ! ah ! la peine en est le fruit.


L’amitié
Nous promet moins de charmes ;
Mais à moins d’alarmes
L’on se voit lié,
Constante et facile,
La paix suit ses pas,
L’amour toujours indocile
Vend cher ses appas.


Est-il en aimant etc.


Peu sincère,
Ne cherchant qu’à plaire,
La beauté
Trahit la volupté.
La feinte, l’artifice,
Le caprice,
De trop près
Sont unis aux attraits.
À nos vœux,
Tandis que tout conspire,
Souvent notre empire
Se partage à deux.


Est-il en aimant etc.
Il sort.

Scène 7

Jolicœur, Thérèse
thérèse

Air : Quoi tu veux que j’expire,


Ah ! quel sort plein de charmes !
Après tant d’alarmes
Je te voi,
Mon cœur qui suit ta loi,
Brûle de t’engager sa foi,
Viens, tes craintes sont vaines,
Aimons-nous,
L’amour triomphe des jaloux ;
Ce doux moment
Finit nos peines.
Mon cher amant
Seront nos chaînes,
Je suis à toi
Redis donc avec moi
Quel sort plein de charmes !
Après tant d’alarmes,
Je te voi
Mon cœur qui suit ta loi,
Brûle de t’engager sa foi.


Mais quel air indifférent !
Trompes-tu mon attente ?
Lorsqu’à toi mon cœur se rend,
Ta tristesse me surprend ;
Cette froideur qui s’augmente
Me fait frémir,
Pourquoi gémir ?
Dans les yeux de ton amante
Reprends tes feux,
Soyons heureux.
Tu sais que je te chéris
D’une flamme constante,
Mais tu n’as que des mépris
D’un cœur vraiment épris.
Est-ce là le prix ?
jolicœur
Hélas !
thérèse
Que m’annonce cet hélas ?
Vole dans mes bras,
Ne différons pas
Un hymen plein d’appas,
Hé bien ?
Il ne me répond rien.
jolicœur
Je sens avec douleur
Mon malheur.
thérèse
Il soupire,
Que veut dire
Ce regard ?
jolicœur
Thérèse, il est déjà tard.
thérèse
Ton peu de transport
Me fait voir mon tort.
jolicœur
Vous me plaindrez fort
Quand vous saurez mon sort.
thérèse
Non, le plus doux
Dépend de nous,
Soyons époux.
jolicœur
Hélas !
Mon frère m’attend là-bas.
thérèse
Ah ! quand nos feux ont trop d’éclat,
Un tendre amant n’est plus qu’un ingrat.
jolicœur

Air : Est-il de plus douces odeurs


Ah ! Thérèse, votre chagrin
Augmente mon martyre,
Vivez.
thérèse
C’est aussi mon dessein.
jolicœur
Vivez.
thérèse
Que veux-tu dire ?
Quelle est cette secrète horreur
Où ton âme se livre ?
Tu me fais mourir de frayeur
En me priant de vivre.
jolicœur

Air : Tout roule, aujourd’hui, dans le monde


Mon frère de trop bonne grâce
De ma prison m’a fait sortir
Il y veut rester à ma place,
Je ne dois pas y consentir :
Mon cœur brûlait d’impatience
De vous dire un petit bonjour,
Je vous ai fait ma révérence,
Et je vous quitte sans retour.
thérèse

Air : Birenne

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Informations sur cet air

Et Jolicœur me laisse sans époux !
jolicœur
Olibrius sera bientôt le votre.
thérèse
C’est donc un jeu ! Pour qui me prenez-vous ?
Me renvoyer ainsi de l’un à l’autre.
jolicœur

Air : La simple nature,


Ma chère maîtresse
Reçoit mes adieux,
Je sens redoubler ma tendresse,
Cache ces beaux yeux,
Le devoir m’appelle,
Je dois l’écouter,
Sans hésiter ;
Mais l’amour fidèle
Quand je perds l’espoir
Conserve son pouvoir.
Ah ! quelle a de charmes !
Calme ta douleur,
Ma chère enfant, je sens tes larmes
Couler dans mon cœur,
On verra ma flamme
Triompher du sort,
Jusqu’à la mort
Pour toujours mon âme
Demeure avec toi,
Et l’amour avec moi.
thérèse

Air : Ne pensez pas Pierrot bon drille


Ton frère, pour briser ta chaîne,
A fait tantôt grand baccanal,
Ce n’était pas beaucoup la peine
Pour en profiter aussi mal.
On entend un bruit de tambours.
thérèse, effrayée

Air : Point de bruit, bouche close


Ah ! quel bruit
M’épouvante !
Ton amante
Est tremblante,
Ah ! quel bruit,
Il s’augmente,
Mon attente
Se détruit.
jolicœur et thérèse ensemble, ensemble
Arrêter,
Quelle peine !
Respectez
Notre chaîne :
On vient t’enlever hélas !
On vient m’enlever hélas !
thérèse
Je vais mourir dans tes bras.
Elle s’évanouit.
jolicœur
Quel destin
Me tourmente !
Mon amante
Est mourante !
Quel destin me tourmente !
Au secours, j’appelle en vain.

Air : Accompagné de plusieurs autres


Il nous faudrait quelque liqueur
Propre à chasser cette vapeur
Jamais dragon n’en fit emplette
Du moins, s’il passait un abbé,
J’aurais un mouchoir imbibé
De quelque essence de toilette.

Air : Tout rou, rou, ouvrez les yeux


Il est temps d’ouvrir les yeux
Ma chère Thérèse
Ouvrez donc les yeux.
thérèse
Ah ! je me sens mieux,
Car le bruit s’apaise.
Le bruit recommence, Thérèse retombe dans les bras de Jolicœur, ensuite on entend le flutet qui joue un air.
jolicœur
Écoutez cet air joyeux,
Ma chère Thérèse.
ensemble, ensemble
deuxcol, \jolicœur
Ouvrez donc les yeux.

thérèse


J’ouvre donc les yeux.

Scène viii

Brasdefer descendant de sa chaise de poste, Thérèse, Jolicœur

jolicœur

Air : Modérez-vous, cadet


C’est monsieur Brasdefer.
brasdefer
Rassure-toi, mon cher,
Et vous aussi la belle !
Pourquoi s’épouvanter ?
Je viens vous apporter
Une bonne nouvelle.

Air : Non, je ne ferai pas

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Informations sur cet air

Vos deux noms désormais ne feront plus qu’un chiffre,
Et j’amène un tambour, accompagné d’un fifre,
Pour vous féliciter et pour vous réjouir.
thérèse
Votre maudit tambour m’a fait évanouir.
brasdefer

Air : Pour la baronne

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Informations sur cet air

C’est une aubade.
thérèse
Pourquoi vouloir me faire peur ?
Ah ! je croyais qu’une brigade
Venait pour prendre Jolicœur.
brasdefer
C’est une aubade.

Air : Temple, que je bâtis en l’air


Vous pouvez tous deux vous unir.
jolicœur
Non, je cours délivrer mon frère.
brasdefer
Tous vos soucis doivent finir,
Mon crédit l’a tiré d’affaire
Pour jamais je vous réunis tous.
thérèse
Enfin, j’aurai donc un époux.
brasdefer

Air : De tous les capucins

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Informations sur cet air

Pour les jumeaux tout se déclare,
L’excès d’une amitié si rare,
A si fort étonné la cour,
Qu’elle use envers eux d’indulgence,
La grâce qu’on fait en ce jour
Ne peut tirer à conséquence.

Air : Va toujours tambour battant


Avec toi ton frère partage
L’honneur de guider nos grivois,
Vous aurez chacun l’avantage
De commander tous les six mois
Comme leur nouveau capitaine
Pour te saluer à l’instant
Je vois venir dans la plaine
Nos dragons tambour battant.
thérèse et jolicœur, ensemble
Duo chanté par Madame Favart et Mademoiselle Astraudy
Ah ! quels moments
Charmants !
Tu rends mes feux
Heureux.
Que l’ivresse
Naisse
De ces doux nœuds.
Ah ! les transports naissants
Que je ressens,
Vont changer en plaisirs
Tous mes désirs.
Ah ! ah ! Reçois mes soupirs
Enchaîne,
Entraîne,
Ce cœur tant qu’il vivra
Chère âme
Sa flamme
Toujours s’augmentera,
Toujours s’augmentera.
Parodie, ronde grivoise chantée par Monsieur Chanville
1
L’autre jour, à la garnison
Je fis rencontre d’un tendron,
De mine assez friponne,
J’lui dis bonjour la ptit’ maman,
En la saluant fort joliment,
Ratapatapan, ratapatapan, ratapatapan,
À la dragonne.
2
Elle était avec un rival
Qui voulait faire le brutal,
J’naimons pas qu’on m’raisonne,
Entre deux yeux le regardant,
Je lui flanque un moule de gand,
Ratapatapan, ratapatapan, ratapatapan,
À la dragonne.
3
À la garde j’entends crier,
Mais moi que rien n’peut effrayer,
De près je le talonne,
Et de sa fuite fort content
À la belle je r’viens à l’instant.
Ratapatapan, ratapatapan, ratapatapan,
À la dragonne.
4
Je m’approchai pour l’embrasser,
Elle voulut me repousser
En honnête personne.
Mais quand un tendron fait l’méchant
Il faut le m’ner tambour battant,
Ratapatapan, ratapatapan, ratapatapan,
À la dragonne.
5
Tout d’abord ell’s’effaroucha,
Mais bientôt elle se défâcha,
Car une fille est bonne,
Ell’me traita plus poliment
Et je lui fis un compliment,
Ratapatapan, ratapatapan, ratapatapan,
À la dragonne.
6
Je lui demandai son bouquet,
Aussitôt d’un p’tit air coquet
La belle me le donne,
Et moi qui suit reconnaissant
Je l’payai deux baisers comptant,
Ratapatapan, [ratapatapan, ratapatapan,
À la dragonne.]
7
Elle en demande encore autant,
J’lui dis mon officier m’attend,
Et la retraite sonne.
Jusqu’au revoir la belle enfant
Et je pars d’un air triomphant
Ratapatapan, [ratapatapan, ratapatapan,
À la dragonne.]
Au parterre.
coupletvaud 0
8
Messieurs, la gloire d’un auteur
Est d’remporter ç’laurier flatteur,
Qu’au parterre on moissonne,
Qu’il est joyeux, qu’il est content,
Lorsque vous chantez en sortant
Ratapatapan, [ratapatapan, ratapatapan,
À la dragonne.]
9
Vous plaire anime notre ardeur,
Heureux l’auteur ! heureux l’acteur !
Que votre main couronne,
À notre zèle en cet instant
Applaudissez tambour battant
Ratapatapan, [ratapatapan, ratapatapan,
À la dragonne.]
La contredanse finit le divertissement.

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