Les Gémeaux

Auteurs : Gondot (Pierre-Thomas)
Parodie de : Castor et Pollux de Bernard et Rameau
Date: 10 mai 1777
Représentation : 10 mai 1777 Comédie-Italienne - Hôtel de Bourgogne
Source : Paris, Veuve Duchesne, 1777
[Pierre-Thomas Gondot]

Les Gémeaux


Parodie de Castor et Pollux, en trois actes, ariettes et vaudevilles avec spectacle et divertissements
Représentée par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
1777
Paris, Duchesne, 1777

Acteurs


Castor : Monsieur Michu
Pollux : Monsieur Narbonne
Lyncée : Monsieur Labluxière
Télaïre : Madame Trial
Phebé : Mademoiselle Moulinghen
Cléone : Mademoiselle Desglands
Jupiter : Monsieur Suin
Mercure : Monsieur Trial
Pluton : Monsieur Thomassin
Grand prêtre de Jupiter : Monsieur Menier
Monsieur Trifaucet, premier chanteur du concert de Pluton : Monsieur Gaillard
Chœur de prêtres
Chœur de combattants
Chœur de démons
Chœur de plaisirs
Grâces : Mademoiselles Lefêvre
Ombres : Mademoiselles Dugazon, Adeline, Fayel, Desbrosse, Lefêvre
Hérault d’armes : Monsieur Corali
Pleureuses : Mademoiselles Fayel, Dugazon, Adeline
Musiciens
Un timballier
La scène est dans un salon préparé pour un festin.

Les Gémeaux


Acte i


Scène i

Phebé, Cléone

cléone, avec enjouement

Air : Nous jouissons dans nos hameaux


Votre sœur va se marier,
C’est, dit-on, un caprice
Qui prit au Roi mardi dernier,
Jour du feu d’artifice.
De la Princesse, apparemment,
Les roses dispersées,
Pour éclore attendaient l’instant
Qu’on tira des fusées.
phebé

Air : Toujours va qui danse


L’on a pas signé le contrat
Il faut ma signature.
cléone
Oh ! Madame, on s’en passera.
phebé
Tant pis pour la future,
En me manquant, elle craindra
Peut-être la revanche,
Et l’on est bien fort quand on a
Le diable dans sa manche.

Air : Monsieur le Prévôt des marchands

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Informations sur cet air

Il est vrai qu’on ne conçoit pas
Quel est ce galimatias.
Ils sont tous fous dans ma famille !
Castor s’arrache les cheveux.
Dis-moi donc ce que cette fille...
Peut avoir de si merveilleux ?

Air : De s’engager il n’est pas difficile


Air chiffonné, mine et ton de folie,
Elle possède l’art de tout charmer.
Tandis que moi... mille fois plus jolie,
D’un ingrat je n’ai pu me faire aimer.
cléone

Air : Amis, sans regretter Paris

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Informations sur cet air

Vous avez un autre secret,
Vous commandez au diable.
phebé
Que n’est-ce à l’Amour ?
cléone
En effet,
Il serait plus aimable.

Air : De tous les capucins du monde

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Informations sur cet air

Ces Messieurs, savants en magie,
Possèdent la nécromancie.
Demandez leurs quelques attraits,
Qui de Castor tournent la tête ?
phebé, se mettant en colère
Le diable en donne-t-il jamais.
C’est raisonner comme une bête.
cléone

Air : Ton humeur est, Catherine

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Mais la noce une fois faite,
Castor va vous revenir ?
phebé
Non, ma sœur est trop coquette,
Pour ne pas le retenir.
Pollux est un imbécile,
Qui ne sait se décider,
Et Castor assez habile
Pour se la faire céder.
cléone

Air : Joconde

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Informations sur cet air

Comment vous croyez que le Roi
Céderait sa maîtresse ?
phebé
Oui, certainement je le croi.
Je connais sa faiblesse.
Mais si Castor se croit permis
D’être avec moi si leste,
Il pourra bien s’y trouver pris.
Je me tais sur le reste.
cléone

Air : Amis, sans regretter Paris

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Informations sur cet air

Je n’approuve pas la fureur
Que l’amour vous suggère,
Votre sort sera-t-il meilleur ?
phebé
Ce n’est pas ton affaire.
cléone

Air : Ma chère mère que je révère


Quand on est fille,
Qu’on est gentille,
Qu’on a quinze ans,
Peut-on manquer d’amants !
Si l’un vous quitte,
Un autre vite
Succédera,
Je vous prédis cela.
Ce minois-là
Vous en four, vous en four,
Ce minois-là
Vous en fournira.
phebé, en colère

Air : Les Trembleurs

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Informations sur cet air

Allons voir ce qui se passe.
De t’écouter je suis lasse,
Et je te demande en grâce
De ne me flatter jamais.
Quand ici tout me tracasse,
Que mon amant est de glace,
Qu’ai-je besoin que l’on fasse
L’éloge de mes attraits.
Elle sort avec Cléone.

Scène ii

Télaïre seule

télaïre

Air : Je vais te voir, charmante Lise


J’ai du paraître fort maussade,
Hier au cercle de la cour,
Et j’aurais fait une incartade
Pour peu qu’on m’eut parlé d’amour.
Je sais qu’un sceptre, une couronne,
Ont, sans doute, beaucoup d’appas.
Mais pourquoi faut-il qu’on me donne
Ce que je ne demande pas ?
J’ai du paraître fort maussade,
Hier au cercle de la cour,
Et j’aurais fait une incartade
Pour peu qu’on m’eut parlé d’amour.
Elle se promène en rêvant.

Air : Pour héritage


Pour apanage
Je n’eus jusqu’à présent,
Qu’un esprit sage,
Un bon discernement.
Depuis quinze ans
J’en ai fait bon usage,
Et fille prudente à mon âge,
N’a point trois amants.

Air : La farira dondaine

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Informations sur cet air

J’en crains un surtout,
Il est dieu, mais comme
Chacun a son goût,
Je préfère l’homme,
Moi.
Il n’est pas juste que le Roi
Me fasse ainsi la loi.

Air : Tout le long de la rivière

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Informations sur cet air

Ce qui m’inquiète
Le plus dans cela,
C’est que si je traite
Mal ces Messieurs-là,
Sur celui que je préfère,
Chacun tombera,
Et que du sort d’une affaire
Le mien dépendra.

Air : Il était une fille


Ma sœur plus politique,
En eût fait plus de cas,
Et n’aurait pas
Cet embarras.
Mais pour moi je m’explique,
Je n’en demande qu’un,
Cela n’est pas commun...
À Castor qui accourt.
Hum !

Scène iii

Castor, Télaïre

castor

Air : Je ne vous ai vu qu’un seul petit moment


Je n’ai pour vous voir qu’un seul petit moment.
télaïre
Quoi ! vous osez Prince ? Eh bien ! Profitons-en !
castor

Air : La mort de mon cher père


Par ordre de mon frère,
Tête à tête en ce lieu,
Je puis encor vous faire
Un éternel adieu.
Je n’accuse personne
De mon malheureux sort.
Le destin seul l’ordonne,
Le destin seul a tort.
télaïre

Air : Vous m’entendez bien

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Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

De quoi se mêle le destin,
De son pouvoir est-il certain ?
Car si je me marie...
castor
Eh bien !
télaïre
En restant votre amie...
Vous m’entendez bien.

Air : Mon papa, toute la nuit

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Informations sur cet air

Je me moquerai de lui
Et de sa couronne.
Si le Roi veut aujourd’hui
M’asseoir sur le trône,
Je dirai fort bien au Roi,
Sire, cela brille,
Mais je reste fille moi,
Mais je reste fille.
castor

Air : Catinat


Eh ! quoi tous ces apprêts, ces fêtes, ce festin ?
télaïre
Tout cela servira pour Monsieur le Destin.
Croit-il qu’à ses beaux yeux, pour lui faire plaisir,
J’irai sacrifier mon goût et mon désir ?
castor

Air : Les plus belles vous font la Cour


J’ai fait pour vous quelques couplets,
télaïre
Ah ! voyons, voyons, chantons-les.
castor
Je veux apprendre à vos sujets,
À vous aimer, vous rendre
Ce que de leurs tendres respects
Vous avez droit d’attendre.
Il chante.

Air : L’avez-vous vu, mon bien aimé


Peuples, aimez-la comme moi,
Votre charmante Reine.
C’est toujours la première loi
D’aimer sa souveraine.
Il est un amour délicat,
Amour de devoir et d’état,
Un sentiment
Attendrissant,
Une ineffable ivresse,
Que notre cœur,
Pour son bonheur,
Éternise et caresse.
J’établirai pour le prouver,
Que tout sujet doit adorer
La majesté,
Et la beauté.
Surtout lorsque tous deux ensemble,
Le plus tendre amour les rassemble.
Peuples, aimez-la comme moi, etc.
Déjà sur votre trône assis,
Je vois les amours et les ris
S’entre jouant,
S’entre lassant
Le myrte avec la rose,
Que tous les jours
Pour vos atours,
Un doux zéphir arrose.
Tandis qu’accablé de douleur,
Chaque jour déchirant mon cœur...
télaïre
Mon cher Castor,
Vous avez tort...
Le temps et l’amour sont nos maîtres.
castor
Oui, mais ce sont deux grands traîtres.
Permettez au moins quelques pleurs ?
Ah ! ma chère Princesse.
télaïre
Il ne faut pas dans les malheurs
Montrer de la faiblesse.
Le Roi va venir en ces lieux,
S’il nous voyait pleurer tous deux,
Il en rirait,
Vous enverrait
Droit à Lacédémone,
Et pour jamais.
castor
Ah ! je m’en vais,
Puisque tout m’abandonne.
Il va pour sortir.
télaïre, courant après lui

Air : Quoi, vous partez

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Informations sur cet air

Vous partez donc ?
castor
Oui, sans que rien m’arrête.
télaïre
Et dans quels lieux porterez-vous vos pas ?
Ah ! vous m’allez faire tourner la tête.
Mon cher Castor, je vais vous suivre, hélas !
castor
N’en faites rien car votre hymen s’apprête.
télaïre
Ah, cher Prince... je n’y survivrai pas.

Scène iv

Pollux, Castor, Télaïre, suite du Roi

pollux

Air : Sortons d’ici, je me sens tout de flamme


Restez tous deux ! c’est moi qui vous l’ordonne
Embrassez-moi, Madame.
télaïre
Oui-da, Seigneur.
Elle l’embrasse.
pollux
Castor vous aime, eh bien ! je vous le donne.
castor et télaïre se jetant à ses pieds, ensemble
Est-il possible ?
pollux
Oui, oui, de tout mon cœur.

Air : Je suis Madelon Friquet

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Informations sur cet air

Je sens tout ce que je perds
En vous faisant ce sacrifice,
Je sens tout ce que je perds,
Mais je romps volontiers mes fers.
Vous m’êtes tous les deux fort chers,
Ah, rendez-moi du moins justice.
Que ce trait soit mis en vers,
Que vos poètes divers
En fassent une belle esquisse,
Que vos poètes divers
En instruisent tout l’univers.
En s’adressant au peuple.

Air : Fanfare de Saint-Cloud


Vous qui prépariez des fêtes
Pour l’hymen de votre Roi,
Laissez ces fleurs sur vos têtes,
Comme si c’était pour moi.
Quand je cède à ma maîtresse,
Et triomphe de mon cœur,
De Castor, de la Princesse,
Chantez bien haut le bonheur.
divertissement
On danse.
une spartiate
airnote, Accourez, Nymphes printanières
C’est pour le coup que ta victoire,
Dieu d’Amour
Triomphe en ce jour.
Tu peux te vanter que ta gloire
Est immortelle en ce séjour.
Et puis c’est qu’en effet jamais,
Jamais, jamais,
Jamais, jamais,
Tu ne lanças de si beaux traits.
Non, non, jamais,
Jamais, jamais,
De si beaux traits...
C’est pour le coup que ta victoire,
Dieu d’Amour
Triomphe en ce jour.
Tu peux te vanter que ta gloire
Est immortelle en ce séjour.
une spartiate

Air : Eh mais, oui-da


Dans le siècle où nous sommes,
L’on voit avec plaisir
Qu’il est encor des hommes,
Maîtres de leur désir.
Eh ! mais oui-da,
Comment peut-on trouver du mal à ça ?
Céder un diadème,
Est un rien, un bibus\definition Bibus Terme de mépris, qui ne s’emploie guère qu’avec la préposition de, pour dire, qui mérite peu d’attention, qui est de nulle valeur. Acad. 1762.
Mais céder ce qu’on aime,
Ce sont là des vertus.
Eh ! mais oui-da,
On ne peut pas trouver du mal à ça.
Il fut pourtant un père,
Qui, par un sot avis,
Mis une épouse chère
Dans les bras de son fils.
Eh ! mais oui-da,
C’est un superbe exemple que cela.
Encor pourrait-on croire,
Qu’ayant pu s’en lasser,
Il mit un peu de gloire
À s’en débarrasser.
Eh ! mais oui-da,
On ne peut pas trop expliquer cela.
L’on danse.

Scène v

Lyncée, Castor, Pollux, Télaïre

L’on entend un grand bruit d’armes blanches. Lyncée paraît à la tête de quatre spadassins, armés de pied et cap avec des cotte mailles et des casques.
lyncée

Air : Mon papa, toute la nuit

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Informations sur cet air

Passez de ce côté-là,
Et saisissez à vous quatre
La Princesse que voilà.
Et quand on devrait vous battre,
Enlevez, enlevez, enlevez-la,
Tandis que je vais combattre.
Enlevez, enlevez, enlevez-la,
Partez, on vous soutiendra.
Les quatre champions vont pour enlever Télaïre qui se débat. Castor et Pollux et vingt combattants mettent l’épée à la main en criant.
un combattant, au roi

Air : Courons, courons aux armes


Courons, courons aux armes !
Pour votre majesté,
Il n’est point de sûreté.
Courons, courons aux armes !
télaïre, se portant avec effort vers Castor qui se débat avec Lyncée
Où courez-vous ? Castor, arrêtez !
Dieux ! Quels ennemis
Sont assez hardis
Pour nous causer ces alarmes ?
definitacteur, Chœur de combattants chœurcombattants
chœurcombattants, dans le combat
Tue, tue, tue, tue, tue.
télaïre, éplorée
Castor que fais-tu ?
pollux, voyant tomber Castor
Ah ! mon frère est perdu.
À sa suite avec fureur.

Air : Jardinier, ne vois-tu pas

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Informations sur cet air

Secondez tous promptement
Ma juste impatience !
Castor expire à l’instant,
Venez, morbleu, tirons-en
Vengeance,
Vengeance,
Vengeance.
chœurcombattants, avec fureur
Allons, morbleu, tirons-en
Vengeance,
Vengeance,
Vengeance.
Ils sortent.
finacte

Acte ii

Le théâtre représente une place publique. L’on voit au milieu un piédestal élevé sur des gradins, et entouré d’une grille.
\scene[Marche processionnelle faisant trois fois le tour de la place.] Musiquelugubre en crêpes et en manteau noir, six soldats en casques, armes baissées et en crêpes tombants, six femmes en blanc, queue trainante avec des voiles noirs, six hommes en manteaux longs blancs, portant des flambeaux, un timbalier à cheval et en noir

deux trompettessonnant d’une façon lugubre avec des crêpes aux trompettes, six hommes à cheval et en manteaux longs, portés par des petits garçons en noir, trois hérauts d’armes portant les honneurs, l’un un bouclier, l’autre une couronne, la statue de Castor en grand et en casque, portée par quatre soldats, un héraut d’armes portant un casque, un second portant un sabre, six soldats armes baissées, six femmes comme les premières, six hommes à cheval comme les premiers, deux timbaliers, deux trompettes, quatre soldats fermant la marche


L’on va poser la statue, tout le cortège se range autour.
Couplets chantés par les pleureuses pendant la marche :
une pleureuse
airnote
Pleurez filles de la Grèce,
Pleurez ce héros charmant.
Tendre et malheureux amant,
Il se bat pour sa maîtresse.
Il meurt en la défendant.
Ah ! l’on est pas plus galant.
Chœur répétant les derniers vers.
Pleurez filles de la Grèce,
Pleurez ce héros charmant.
Il n’est plus qu’un monument.
Dans les bras de la Princesse
C’eût été bien différent,
C’eût été bien différent.
Chœur répétant les derniers vers.

Air : Que ne suis-je La Fougère

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Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

La faux du temps qui moissonne
Tout dans ce vaste univers,
N’épargna jamais personne
Dans aucun monde divers.
Le pauvre qu’un chaume couvre,
Meurt sous ses rustiques toits,
Et la barrière du Louvre
Ne garantit pas les rois.

Scène i


definitacteur, un héraut d’armes unherault
unherault, monté sur une estrade, chante lugubrement
airnote
Castor est mort !
definitacteur, chœur de psalmodistes psalmodistes
psalmodistes
Dieux que d’alarmes !
le héraut
Castor est mort !
chœur
Coulez nos larmes.
le héraut
Castor est mort !
chœur
Funeste sort !
une pleureuse, s’avançant au milieu

Air : Une bergère qui sait charmer


Douleur amère,
Cris superflus,
Regrets sincères,
Castor n’est plus.
Chœur répétant ces quatre vers.
la pleureuse
Triste victime,
Terrible jour.
Ah ! tout son crime
ne fut que d’Amour.
Chœur répétant les quatre premiers vers.
la pleureuse, s’adressant à l’Amour et levant les bras au ciel
Toi qui rend
Parfois les amants,
Dieu chéri,
Rends-moi celui-ci.
Et tout de suite avec le chœur :

Air : Si tu voulais, charmante brune


Si tu voulais ici, chacune
Ce soir, au clair de la lune,
T’offrirait le plus pur encens.
Si tu voulais ici, etc.
Le chœur répète et chante en accompagnant la pleureuse, et en répétant les unes après les autres :
Si tu voulais...
Ce soir, au clair de la lune, etc.
le héraut, dans sa tribune

Air : Charmante Gabrielle

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Informations sur cet air

Très haut, très puissant Prince,
Castor dans ce cercueil
Fait dans cette Province,
Prendre aujourd’hui le deuil.
Il avait du mérite,
Bien des vertus...
D’un éloge on est quitte,
Sans dire plus.
une pleureuse

Même air


De même qu’une rose,
Qui vient de se flétrir,
À peine encore éclose
Dans les bras du zéphir.
De même de sa vie
Le plus beau jour,
Sous les coups de l’envie,
Fuis sans retour.
Le chœur répète le dernier refrain. Ensuite avec une emphase prophétique :

Air : Vive Louis, vive le bon Henri


Qu’à nos alarmes
Succède un doux espoir.
chœur, répétant chaque strophe
Séchons nos larmes,
Il viendra nous revoir.
chœur
Et parons ses armes
De cet ornement noir.
L’on pare la statue de festons\definition Feston Faisceau fait de petites branches d’arbres, garnies de leurs feuilles, et entremêlées de fleurs et de fruits Acad. 1694 et de guirlandes noires, après quoi toute la marche recommence pour s’en aller.

Scène ii

Télaïre accourt, elle est vêtue d’un grand manteau noir à queue trainant avec un voile

télaïre
airnote
Elle chante sur un ton traîné et lugubre.
Il est mort,
L’objet le plus aimable.
Il est mort,
Castor, mon cher Castor.
Il est mort,
J’en suis inconsolable !
Il est mort !
Elle s’avance au parterre.
Messieurs, plaignez mon sort.
Mon funeste amour
Lui fait perdre le jour.
Dans une heure ou deux,
Nous étions heureux...
Où trouverais-je un amant semblable,
Puis-je vivre après ce coup affreux ?
Elle va se jeter sur les gradins de la statue en se désolant.
Non, je ne puis,
Je languis,
Tout m’accable.
De mes douleurs,
Dieux vengeurs !
Je me meurs.
Elle se relève et revient au parterre.
Il est mort
L’objet le plus aimable.
Il est mort,
Castor, mon cher Castor.

Air : Tu croyais, en aimant Colette

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Informations sur cet air

Assassiner ce pauvre Prince,
Sans lui donner même l’instant
D’écrire un mot dans sa province,
Hélas ! c’est être bien méchant.

Air : Je m’éloigne vainement de cette fontaine


Ah ! si pour moins m’affliger,
Je trouvais encore
Ici de quoi me loger,
Devançant l’Aurore
J’irai chanter,
Répéter :
Prince, je t’adore !
Prince, je t’adore !

Air : Les plus belles vous font la Cour


Mais il n’importe, j’y viendrai,
Tous les jours j’y promènerai,
J’y veillerai,
J’y resterai
Auprès de son image.
Oui, cher Prince, je te verrai,
Ne pouvant davantage.
Elle va pour sortir.

Scène iii

Phebé, Télaïre

phebé, arrive en chantant

Air : Nanon dormait sous la fougère


Quand une femme est en colère,
Tout d’un coup la tête s’en va,
Et je le plains, mon cher beau-frère.
En le voyant sur le piédestal.
Mais le voici... mais le voilà,
Il a toujours bien bonne mine,
Il ne demeurera pas là...
Il reviendra,
Il reviendra,
Et ma cousine,
Proserpine,
Me le rendra,
Me le rendra.
J’ai des moyens sûrs pour cela.
À Télaïre, en pleurs, qui veut fuir.

Air : Toujours seule, disait Nina


Où courez-vous si promptement,
Écoutez-moi, Madame !
télaïre
Je vais suivre l’enterrement
De l’objet de ma flamme.
Je lui dois ce triste devoir.
phebé
Quoi, déjà vous êtes en noir ?
Vous n’étiez pas sa femme
télaïre
Hélas !
Non vraiment, mais
Tout était
Prêt.

Air : Au bord d’un clair ruisseau


Ce n’est que pas vos coups
Que l’amant le plus tendre...
phebé
Je ne puis le comprendre,
C’est un transport jaloux.
Mais s’il faut parler net,
Devions-nous nous attendre
Qu’il n’eût su se défendre,
Beaucoup mieux qu’il n’a fait.
télaïre

Air : Là-haut, sur ces montagnes

Voir la partition
Informations sur cet air

Cessez, cessez, Madame,
D’accroitre ma douleur.
Ainsi point d’épigramme,
Respectez mon malheur !
Quand on perd ce qu’on aime
L’on a bien du souci.
phebé
Je le sens par moi-même,
Car je l’aimais aussi.

Air : Reçois dans ton galetas\definition Galetas Tout logement pauvre et mal en ordre Acad. 1762


C’est assez déraisonner,
En deux mots voici l’affaire :
Voulez-vous l’abandonner ?
télaïre
Hélas ! S’il peut voir la lumière...
Et quoiqu’il me soit si cher,
J’y consens...
phebé
Je vais le chercher.
Il suffit, je vais le chercher.

Scène iv

Pollux à la suite, Télaïre, Phebé

pollux

Air : Catinat


Consolez-vous, Madame, j’ai vengé Castor,
Son assassin n’est plus...
phebé
Voyez le bel effort.
Ah ! quand un immortel
Veut se battre en duel,
Sire, il a si beau jeu,
Qu’il doit en parler peu.
pollux

Air : Je n’ai que dix ans


Puisque le destin,
Nous prive enfin
De ce cher frère,
Si mon tendre cœur...
télaïre
Ah ! Monseigneur,
C’est trop d’honneur.
Avec vous trop sincère
Pour vous promettre du retour,
Croyez-moi, faites taire
Un inutile amour !
pollux
Puisqu’il est ainsi,
Prendre un parti
M’est nécessaire.
De tant de vertus,
Je suis confus,
N’en parlons plus.

Air : Ne v’la t-il pas que j’aime


Tenez, j’imagine un moyen.
Jupiter est mon père,
Pluton, mon oncle, il faudra bien
Qu’ils me rendent mon frère.
télaïre

Air : Printemps dans nos boccages


Ah, seigneur ! Ah, mon frère !
Cette tendre pitié
Vous rendre sur la terre
Le dieu de l’amitié.
L’on dira partout :
Oh, le bon Prince ! Ah, le bon frère !
on dira partout :
C’eût été le meilleur époux...
Oh, seigneur ! Ah, mon frère !
Cette tendre pitié
Vous rendre sur la terre
Le dieu de l’amitié.

Air : La mort de mon cher père


Et puis quel trait de flamme ?
Combien d’esprits follets
Vont égayer votre âme
Par de pareils bienfaits.
En servant l’innocence,
Vous ferez l’innocent,
Est-il de jouissance ?
pollux
Adieu, ma chère enfant.

Air : Nous jouissons dans nos hameaux


Me voilà décidé. Ma foi
Je vais à tous les diables.
télaïre
Mais n’aurez-vous pas peur ?
pollux
De quoi ?
télaïre
Des spectres effroyables !
pollux
Qui moi ? Je ne craindrai cela !
Pas plus que la chimère,
Et de cette main, que voilà,
J’enchaînerai Cerbère.
Il sort.

Scène v

Télaïre seule

télaïre

Air : Il est gen, gen, gen, il est ti, ti, ti


Ah ! Que ce Prince est charmant,
Et qu’il a de courage !
Je l’aimerai bien, vraiment,
Après ce voyage.
Il fait tout ce que je veux...
Oh ! voilà des amoureux !
Il est gen, gen, gen,
Il est ti, ti, ti,
Il est gen, il est ti,
Il est genti comme
L’auteur qu’on renomme\footnote Gentil Bernard.

Scène vi

Télaïre, Pollux rentrant sur la scène

pollux

Air : Stilà qu’a pinté Bergopsoom


Ici je reviens tout exprès,
Ici je reviens tout exprès,
Jupiter trouvera mauvais
Jupiter trouvera mauvais
Que je suive mon entreprise,
Sans qu’auparavant je l’instruise.
télaïre

Air : Pan, pan, pan

Voir la partition
Informations sur cet air

Voici son appartement,
Allez frapper à sa porte !
pollux
C’est penser fort sensément,
Je n’y serai qu’un moment.
Télaïre sort.
pollux, frappant à la porte du temple
Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan.
une voix, en dedans du temple
Qui frappe donc de la sorte ?
pollux, redoublant
Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan,
Ouvrez, ouvrez promptement.

Scène vii

[Un grand prêtre, Pollux]

Le temple s’ouvre.
un grand prêtre de Jupiter et autres

Air : Folies d’Espagne

Voir la partition
Informations sur cet air

Qu’est-ce Seigneur ? Ah, daignez nous apprendre !
pollux
Je veux, Messieurs, parler à Jupiter.
Je n’ai, je pense, aucun compte à vous rendre,
le grand prêtre
Entrez, Monsieur, vous n’avez qu’à rester.

Scène viii

Pollux, un grand prêtre

Les deux battants s’ouvrent, on voit Jupiter dans l’enfoncement assis dans une gloire, un aigle sous ses pieds.
pollux, se mettant à genoux

Air : Je viens devant vous


Je viens devant vous,
À deux genoux.
Je viens mon père
Demander Castor
Que j’aime encor,
Quoiqu’il soit mort.
Il tonne.
N’entends-je pas des coups de tonnerre ?
Je crois qu’il éclaire,
Je meurs de frayeur...
le grand prêtre
N’ayez pas peur,
C’est l’ordinaire.
Votre bon papa,
À l’Opéra
Fait ce bruit-là.
Il reste dans le temple avec Jupiter. Les prêtres sortent et la porte se ferme.
le grand prêtre, au milieu des autres, qui se rangent en deux files

Air : Voilà mon verre par terre


Çà, mettons-nous en prière,
Voici le maître des Dieux.
C’est par des coups de tonnerre
Qu’il s’annonce dans les cieux,
Qu’il s’annonce sur la terre,
Terre, terre,
Qu’il s’annonce sur la terre,
Et dans tous lieux.
Il aligne les prêtres, les redresse et remonte à sa place.

Air : Point de bruit


Frémissons !
Que tout tremble !
Inclinons
Nous tous ensemble.
Ils tombent comme des capucins de cartes.
Levez-vous !
Au délire
Qui m’inspire,
Livrons-nous.

Air : La Turque qu’ils dansent


Dansons,
Dansons,
Dansons.
Danse des prêtres à la manière des Derviches, en faisant trois saut suivant l’air, l’un après l’autre.
un prêtre, sortant du temple, crie à haute voix

Jupiter, Messieurs...


Scène ix

Jupiter, Pollux

jupiter

Air : Confiteor

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Informations sur cet air

Dans les cieux, plus haut même encor,
Mon fils, ta voix s’est fait entendre.
Je savais la mort de Castor,
Je voudrais pouvoir te le rendre.
Mais tu me crois bien plus puissant
Que je ne suis, mon cher enfant.

Air : Pour soumettre mon âme


Quand j’eus par mon courage
L’empire de l’univers,
Neptune eut en partage
La mer, Pluton les enfers...
pollux
Seigneur, j’ai lu dans Virgile
Précisément tout cela.
jupiter
Je te trouve fort habile,
D’avoir lu ce livre-là.

Air : Filles qui passez par chez nous


Je ne vois que l’expédient
De rester à sa place.
pollux
Le sacrifice est un peu grand
Il aura plus de grâce, vraiment,
Il aura plus de grâce.

Air : Quand on a prononcé ce malheureux oui

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Informations sur cet air

Je ne puis sans Castor vivre, quoique l’on dise !
jupiter
Et tu veux donc encor faire cette sottise ?
pollux
J’en ai fait de plus grande...
jupiter
Oh ! je le savais bien,
Et c’est pour ton honneur que je n’en disais rien.

Air : Entre l’amour et la raison

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Informations sur cet air

Tu le veux donc absolument,
Fais à ta fantaisie !
Je t’enverrai dans le moment
Un flacon d’ambroisie.
Mais avant de quitter ces lieux
Puisque rien ne t’étonne,
Pour t’égayer, les Ris, les Jeux
Vont danser la Bretonne.
Jupiter s’en va.

Scène x

[Pollux, les Ris, les Jeux, les Plaisirs, les Grâces]

Les Ris, les Jeux, les Plaisirs viennent pour enchaîner Pollux avec des guirlandes de fleurs. Trois Grâces l’entourent.
une grâce

Air : Faites dodo, cher petit Prince


Où courez-vous ?
Jeune et beau Prince,
Où courez-vous ?
Vous êtes fou.
A-t-on jamais vu quitter sa province,
Pour s’en aller courir le loup-garou.
Où courez-vous ?
Jeune et beau Prince,
Où courez-vous ?
Vous êtes fou.
une deuxième grâce
Vous avez les bras beaux, la taille mince,
Mettez-vous en train, dansez avec nous.
Où courez-vous ?
Jeune et beau Prince,
Où courez-vous ?
Rien n’est si fou.
Les Plaisirs écartant les Grâces.
un plaisir

Air : La Bretonne


C’est ici l’aimable asile
Des Plaisirs, des Ris, des Jeux.
pollux
Je n’ai pas l’esprit tranquille.
un plaisir
Vous chantez pourtant au mieux.
Mi, mi, fa, ré, mi,
Chantez mon ami.
Mi, mi, fa, ré, sol,
Comme un rossignol.
un deuxième plaisir

Même air


Vous allez mon Gentilhomme,
Dans un bien vilain pays,
Et vous ne savez pas comme
Vous reviendrez par ici.
Mi, mi, fa, ré, mi,
Chantez mon ami.
Mi, mi, fa, ré, sol,
Comme un rossignol.
un troisième plaisir

Même air


Voyez ces aimables filles
Autour de vous s’empresser !
Elles sont assez gentilles,
Laissez-les vous embrasser.
Mi, mi, fa, ré, mi,
Chantez mon ami.
Mi, mi, fa, ré, sol,
Comme un rossignol.
pollux, les regardant avec tendresse, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre

Air : Çà n’me va brin, Çà n’me va brin


J’aurais jadis de votre chaîne,
Charmants Plaisirs, serré les nœuds.
Mais aujourd’hui j’ai l’âme en peine,
Et je ne sais ce que je veux.
Aux enfers l’amitié m’entraîne,
Rien ne l’amuse... et tout me gène.
Quels que soient vos attraits, enfin,
Il rompt les guirlandes et s’échappe.
Tout ça n’me va brin,
Ça n’me va brin.
finacte
\acte[Le théâtre représente un antre noir, d’où il sort des flammes du côté droit séparé par un ruisseau qui borde les Champ-Élisées sur la gauche. La caverne est surmontée par une pyramide de diables, sous toutes sortes de figures, qui tiennent des lanternes sourdes

Scène 11

Phebé, chœur de diables
phebé, aux démons

Air : Ah ! le bel oiseau, maman

Voir la partition
Informations sur cet air

Vous qui sans le faire exprès,
M’avez fait magicienne,
Vous qui ne chantez jamais
De musique italienne,
Vous qui cherchant du nouveau,
Avez négligé la mienne...
Messieurs, allez chez Rameau
Me faire écrire...
un diable
Ah ! bravo.
phebé

Air : Quand tu battras la retraite


Mais je sens que je m’égare,
Et qu’un accès de fureur
De mes facultés s’empare.
Auriez-vous quelque chanteur,
Dont l’extravagant délire,
Sans avoir le sens commun,
Put au moins me faire rire ?
un diable
Nous en avons cent pour un.
monsieur trifaucet

Air : La queue du chat


Voulez-vous savoir pourquoi l’on baille,
Aujourd’hui, Madame, à l’Opéra ?
C’est qu’on n’y voit plus que funéraille,
Depuis que Castor s’est fait enterrer-là.
Superbes tombeaux,
Prêtres... couteaux,
Pâles flambeaux,
Tristes lambeaux,
Et des soldats,
Et des combats,
Et des beaux bras,
Et des éclats.
Hélas ! hélas !
Il danse et fait danser Phebé.
Voulez-vous savoir pourquoi l’on baille,
Aujourd’hui, Madame, à l’Opéra ?
C’est qu’on n’y voit plus que funéraille,
Depuis que Castor s’est fait enterrer-là.
Un chétif époux,
Qui devient fou
Pour sa moitié,
Que, par pitié,
La lui rendant,
On lui reprend,
Et qui gémit...
Vous attendrit...
Et qui vous dit...
Il danse.
Rendez-moi, Messieurs, rendez-moi ma femme !
Soyez sensibles à mes malheurs,
C’était en honneur la meilleure âme.
Laissez-vous, Messieurs,
Toucher par mes douleurs.
phebé, regardant avec une longue lunette

Air : Pour nous mettre en train


Ouvrez vos cachots
Et vos noirs soupiraux,
Gens infernaux.
Je vois en gros,
Tant de fols, tant de sots.
Que le nombre effraie... \indicreprmus une pause
Mais cet air m’égaye !
Elle se met à danser machinalement.
Ta, la, la, la, ta, la, la,
Démons, dansez-moi cela !
L’orchestre joue vivement l’air et les diables se mettent à danser. Elle remet en l’air sa lorgnette.
Dieux ! que d’intriguants,
Par de honteux agents,
Petits ou grands,
En peu de temps
Deviennent importants.
Ah ! le nombre effraie... \indicreprmus une pause
Mais cet air m’égaye.
Ta, la, la, la, ta, la, la,
Démons, dansez-moi cela !
Elle remet sa lunette.
Que d’écervelés,
Que de petits abbés
Au Colisée,
Courent à pié,
Arranger un soupé.
Ah ! leur nombre effraie... \indicreprmus une pause
Mais cet air m’égaye.
Ta, la, la, la, ta, la, la,
Démons, dansez-moi cela !

Air : Accourez sur ces bords


Que tout cède à mon ardeur.
Que tout cède à ma fureur.
Je me sens de la valeur,
Jamais femme n’eût tant de cœur.
Enfants désespérés,
Accourez,
Et vous, vieux forcenés,
Déchaînés
Avancez les premiers
Et préparez-moi les sentiers.
Mercure et Pollux paraissent.

Scène xii

Phebé allant au devant de Pollux, Pollux, Mercure

Phebé arrêtant Mercure.
mercure, en petit manteau, tenant une lanterne à la main et faisant la révérence à Pollux qui le suit

Air : Allez tendre ailleurs vos panneaux, [Monsieur l’amoureux volage]


Seigneur ! Si je vais le premier,
C’est que je tiens la lanterne.
pollux
Qu’importe le premier ou le dernier,
Mènes-moi dans la caverne.
phebé, à Mercure

Air : Fille qui voyage en France


Quoi c’est le Roi ?
mercure
C’est lui-même.
phebé
Allez-vous chercher Castor ?
Songez quel péril extrême.
mercure
Avec vous j’en suis d’accord.
Mais dans la crise
N’allez pas nous dire encore
Quelque sottise.
definitacteur, chœur de diables chœurdiables
chœurdiables, s’opposant au passage de Pollux et de Mercure

Air : Le bal inspire ce charmant délire


Arrêtez-vous ! fuyez loin de ces lieux.
mercure
Rentrez démons, rentrez dans l’esclavage !
Respectez le fils du maître des dieux.
chœur
Nous ne pouvons lui livrer le passage,
Arrêtez-vous, fuyez loin de ces lieux.
mercure
Respectez le fils du maître des dieux.
Rentrez démons, rentrez dans l’esclavage !
pollux, met le sabre à la main

Air : Oh, Pierre ! Oh, Pierre !

Voir la partition
Informations sur cet air

Défendons la muraille !
pollux, en les écartant
Faquins ! craignez mes coups !
Là-bas, il faut que j’aille.
Fuyez... sinon, je vous...
Canaille ! Canaille !
Je vous écrase tous.
Pollux les disperse et se précipite avec Mercure dans les enfers.
\scene[Le théâtre représente les Champs-Élisées. Des ombres représentées sous la figure de Pierrots et de Perettes se promènent deux à deux.] Castorenvironné d’un nuage de papillons blancs, qu’il écarte de son souffle
castor

Air : Quand vous entendrez le doux zéphir


Vallons charmants !
Séjour du printemps.
En regardant passer les ombres.
Que j’aime à voir ces conquérants du monde,
Dans ces beaux lieux,
Passer deux à deux,
Dans une paix profonde.
Agamemnon,
Là, sur le gazon,
N’est plus ce lion,
La terreur d’Ilion.
Là d’un œil tranquille,
Hector voit Achille
Sans émotion.
Ces grands Césars,
Ces superbes Tzars,
Et tous ces fondateurs de grands empires
N’ont plus ici
Ce brillant souci,
Ces fastueux délires.
Ici tout rit,
Rien ne contredit,
Personne n’y nuit,
Jamais l’on n’y médit.
Ici, point de brigue,
Pas la moindre intrigue,
Nul besoin de crédit.
Vallons charmants !
Séjour du printemps.
Puisque le sort permet que j’y soupire
Tous mes plaisirs...
Oui, tous mes désirs...
Seront pour Télaïre.

Air : Il était une fille


Les filles de Nanterre,
De Spartes et de Lesbos,
Font ici chanter les échos.
C’est la même manière,
Mêmes gentils propos,
Pour charmer ces héros... oh !

Air : Point de bruit


Dans les bras
De Maurice,
J’ai là-bas
Vu cette actrice,
Qui, jadis,
Sur la scène
De Melpomène,
Eût le prix.
Ce vainqueur,
Qui pour elle
Eût un cœur
Infidèle,
Et qui, la trouvant ici,
Redevient son favori,
Près d’Henri,
Que rappelle
La plaintive Gabrielle,
De Ninon
Prend la lyre,
Et fait rire
Anacréon.
Aux ombres, qui l’entourent.

Air : Allons danser sous ces ormeaux


Venez danser autour de moi,
Venez danser, ombres légères.
Venez danser autour de moi,
Je ne puis vous causer d’effroi.
Là-haut j’aimai la danse avec excès,
Je ne comptais pas trouver de ballets
Dans ce séjour.
C’est un bon tour.
Je crois qu’ici je ne m’ennuierai guères.
Danse gracieuse des ombres.
Couplets chantés par une jolie ombre :

Air : Le printemps qui vit naître


C’est ici la demeure
Des héros fortunés...
Les jours ici par l’heure,
Ne sont point gouvernés.
Sous ces berceaux de roses,
Sous ces tendres lilas,
Le cœur dit... le cœur ose...
L’esprit ne défend pas.
Dégagé de matière,
Ce cœur toujours brûlant,
Puise dans la lumière
Ses feux, son doux aimant.
L’âme ici caressée
Par l’innocent désir,
Avertit la pensée
D’épurer le plaisir.
Loin des brillants mensonges,
Couronnés de pavots,
Si quelquefois les songes
Nous livrent au repos,
Ils viennent avec l’âge
Et les traits des amours,
Nous rapporter l’image
Du plus beau de nos jours.
Les ombres dansent.

Scène xiii

Pollux, Castor

Il se fait un frémissement dans les ombres effarouchées.
pollux, entrant sur la pointe du pied comme voulant arrêter les ombres qui fuient

Air : Ah ! j’ai tout vu, [j’en suis bien convaincu]


Dans ces beaux lieux
Restez esprits heureux !
Je ne suis curieux
Que par l’ordre des dieux.
Apercevant Castor et se jetant à son col.
Que vois-je, ô ciel ! est-ce vous ! ô mon frère.
tous deux, ensemble
Mon frère !
Mon frère !
Par quel hasard heureux !
Mon cher Castor...
Hélas ! depuis ta mort,
Je ne sors,
Je ne dors,
Toujours je plains ton sort.

Air : De porter mon premier bouquet [Hélène]


Premièrement, je t’ai vengé
Du perfide Lyncée.
J’ai, dans son sein même, plongé
Par trois fois cette épée.
Après j’ai su te ménager
Le tendre amour de la Princesse
Qui sans cesse
Pleure et ne veut changer.

Air : C’est l’ouvrage d’un moment

Voir la partition
Informations sur cet air

Mais comme elle se désespère,
Fais ton paquet promptement,
Pour les gages tout uniment
Je resterai... Vas sur la terre !
C’est l’ouvrage d’un moment.
castor

Air : Viens dans ma cellule


J’irais sur la terre
Moi, sans vous, mon frère !
Si c’est à ce prix,
Je reste ici.
pollux
Que veux-tu faire ?
castor
J’irais sur la terre
Moi, sans vous, mon frère !
De tant de bonté,
En vérité,
Je suis flatté.
pollux
Mais écoute donc
Une raison !
castor
Je n’entends rien
Et je fais bien.
pollux
Il est nécessaire,
Télaïre... hélas !
Se meurt.
castor
Oh ! c’est un autre cas.
Sautant au col de son frère.

Air : J’allons donc, de ma bergère


Quoi, je vais de Télaïre
Voir encor les doux attraits.
Ah ! quel moment ! quel délire !
Tous mes vœux sont satisfaits.
Il court et revient comme par réflexion tenant sa montre à la main.
Mais si par hasard, mon frère,
Elle a peur des revenants ?
pollux
Oh, parbleu ! c’est ton affaire.
Elle appellera ses gens.
Il sort et Mercure l’arrête.

Scène xiv

Castor, Pollux, Mercure

mercure

Air : Monsieur le Prévôt des marchands

Voir la partition
Informations sur cet air

Prenez garde au Dieu des filous,
Messieurs, rempochez vos bijoux,
Et puis finissez par vous taire !
Jupiter arrive ici bas...
Je viens d’en avertir son frère,
Qui, ma foi, ne l’attendait pas.

Air : Cotillon couleur de rose, mineur


Il a pris pour venir ici,
Le nom de Baron de Tonnerre,
De l’étiquette libre ainsi,
L’on n’a point d’honneurs à lui faire,
Et c’est tant mieux,
Car si les cieux
Avec lui descendaient sous terre,
Il ferait jour
Dans ce séjour
Et vous verriez un plaisant tour.
L’on entend l’arrivée de Jupiter et de Pluton, tout le monde court à eux.

Scène xv

Pollux, Castor, Jupiter, Pluton, Mercure

jupiter, en redingote de voyage avec un passe-montagne et un bonnet de courrier, une canne à la main

Air : Oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah !


Pourquoi point de lumière
Dans ces escaliers-là ?
Y fait-il toujours, frère,
Aussi noir que cela ?
Oh ! oh ! oh !
Ah ! ah ! ah !
Et pourquoi donc l’on n’y voit pas ?
pluton

Air : Amis, sans regretter Paris

Voir la partition
Informations sur cet air

Aisément l’on arrive ici,
La descente est facile.
Mais pour remonter, mon ami,
Il faudrait être habile.
jupiter

Air : Que ne suis-je La Fougère

Voir la partition
Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

Laissez-moi reprendre haleine !
Car j’ai le cœur déchiré.
Quels sont ces êtres en peine,
Au bas du premier degré ?
pluton
Ce sont de ces imbéciles,
Qui voulant braver le sort,
Soit furieux... soit tranquilles,
Ce sont procurés la mort.
jupiter
Qui sont ceux que sur la gauche,
On tourmente à coups de fouets ?
pluton
Ce sont des gens de débauche,
Morts de plaisir et d’excès.
Plus loin ce sont les avares,
Les ingrats... les envieux.
Ces gredins dans mes ténares,
Sont toujours les plus nombreux.

Air : Il faut que je fracasse [cette maudite glace]


Mais, mais, pouvais-je croire
Que vous viendriez boire
Avec moi dans ces lieux ?
Ma surprise est extrême !
jupiter
Je le crois bien de même.
Mais m’y voilà.
pluton
Tant mieux !
jupiter

Air : Je suis un bon frotteur


Ce qui m’amène ici
Est tout simple, voici
Le mystère.
C’est un hasard heureux
Qui de nos neveux
Peut faire des dieux.
J’en ai déjà fait un,
Cela n’est pas commun.
Et j’espère
Les faire tous deux.
Car j’ai dans les cieux
Deux places pour eux.
Or, du cadet,
J’ai bien du regret.
Rendez-le moi, frère,
Rien ne peut mieux
Satisfaire vos vœux.
pluton, en prenant la main de Jupiter

Air : Le bon père de notre couvent


Je vous le donne ce neveu,
Je vous le donne ce neveu,
Le Destin va crier un peu.
N’importe,
N’importe,
Je tiens seul ici les clés de la porte.
jupiter

Air : De tous les capucins du monde

Voir la partition
Informations sur cet air

Dans ces lieux dont l’horreur me glace,
Phebé va venir à sa place.
Mon ami, je t’en fais présent.
Ah ! c’est bien la plus fière harpie,
Et de quoi faire assurément
Une quatrième furie.
Pour te faire voir ses chefs d’œuvres,
Elle animera des couleuvres,
Dont tu peux armer tes lutins.
Mais déjà ton cœur en frissonne.
pluton
Non pas, mon frère, mais je crains
Qu’elle ne me les empoisonne.
castor, sautant au col de Jupiter, de Pluton, de Pollux, de Mercure, et les embrassant avec vivacité

Air : Pierrots

Voir la partition
Informations sur cet air

Vous me comblez tous de bienfaits,
Souffrez mon oncle, mon père, mon frère,
Vous me comblez tous de bienfaits,
J’en suis pénétré pour jamais.
Je n’ai plus qu’un souhait à faire,
Vous savez que j’aime...
jupiter
Ce coquin-là
Voudrait encor se marier.
castor
Oui-da.
pluton
Ah ! ah ! je voudrais bien voir ça !
jupiter

Air : La Royale


Il me vient
Une idée assez drôle,
Qui pourtant convient
À ma visite folle
À l’instant,
Oh ! la bonne folie,
Par économie,
Qu’ici l’on marie.
pluton
Ah ! je l’entends.
J’ai même des fêtes
Ici toutes prêtes.
On voit arriver des quadrilles de diables.
Et les voilà.
Mercure, allez vite,
Chercher la petite,
Amenez-la.
Mercure sort pour aller chercher Télaïre, pendant le divertissement.
divertissement

Scène xvi

Castor, Pollux, Télaïre, Jupiter, Pluton, Mercure

Mercure amène Télaïre.
télaïre, qu’on ne voit pas

Air : Ah ! j’ai grand peur


Où suis-je ? Hélas ! Quelles horreurs !
Ah ! je me meurs.
Ah ! j’ai grand peur !
mercure
Ne craignez rien, mon petit cœur.
télaïre
Ah ! je me meurs.
Ah ! j’ai grand peur !
mercure, en amenant Télaïre sur la scène

Air : Eh, allons donc, Mademoiselle


Eh ! allons donc, Mademoiselle.
Vous faites bien des façons.
Quand l’amour vous tient l’échelle,
Vous avez peur des démons.
Eh ! allons donc, Mademoiselle,
Vous faites bien des façons.
télaïre, apercevant Castor qu’elle embrasse

Air : Ah ! Maman

Voir la partition
Informations sur cet air

Ah ! Castor,
Ah ! Castor,
Et vite que je t’embrasse.
Ah ! Castor,
Ah ! Castor,
Je croyais te trouver mort.
castor
Ma Princesse, l’on m’a fait grâce.
Je renais, et revis pour vous encor.
télaïre
Ah ! Castor,
Mais, mais... tu n’es donc pas mort.
castor, venant de l’embrasser

Air : Gentille pastourelle


De Vénus tendre fille,
Mère du doux plaisir,
Quand ta bouche gentille
S’entrouvre à mon soupir,
Du cercle qu’il embrasse
Ardent à s’embraser,
Mon cœur franchit l’espace
Pour prendre ton baiser.
Ce baiser dont la flamme,
Compose mes esprits,
Compose aussi mon âme,
Par lui... pour toi... je vis...
Ah ! quelle apothéose
De me voir transporté
Sur tes lèvres de rose,
À l’immortalité.
pluton, caressant Télaïre et la regardant amoureusement
À Jupiter.

Air : Babet, que t’es gentille

Voir la partition
Informations sur cet air

Je ne le blâme pas,
Car elle est fort gentille.
télaïre
Seigneur... mon embarras.
jupiter
Remettez-vous ma fille :
Castor immortel...
télaïre, faisant la révérence
Me plaira bien tel.
pluton
Je le crois bien ma mie...
Il va devenir ton époux.
pollux
Et moi, je n’en suis point jaloux...
télaïre, faisant la révérence à tout le monde
Mais Messieurs, vous me charmez tous,
Je vous en remercie,
Je vous en remercie.
divertissement, général
Pluton chante les couplets alternativement en dansant chacun en ronde.

Air : Joli mois de mai [que tu nous rends le cœur gai]


Venez faire carillon,
Vous que je tiens en cage.
Vous n’avez pas vu Pluton,
Danser encor, je gage.
Haut le pied, démons,
Dansons tous des cotillons !
L’on danse.
À Jupiter.
Tu m’as l’air d’un beau danseur,
Toi, qui tiens le tonnerre.
Ça ne fais pas le Seigneur,
Viens danser aussi, frère.
Haut le pied, Baron,
Viens danser un cotillon !
L’on danse.
Pour célébrer tes gémeaux,
Je fais de bonne grâce
Des entrechats et des sauts.
Mais que chacun en fasse.
Haut le pied, démons,
Dansons tous des cotillons !
L’on danse.
Qu’à l’Hymen de mon neveu,
Tout l’enfer applaudisse.
Démons, mettez tout en feu,
Et que ceci finisse.
Haut le pied, démons,
Allumons
Nos lampions !
Le tout finit par un beau feu d’artifice.
Fin

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