Les Amours militaires ou Madame Terrible

Auteurs : Moline (Pierre-Louis)
Parodie de : Armide de Quinault et Gluck
Date: 6 septembre 1778
Représentation : 6 septembre 1778 Inconnu - Meaux en Brie
Source : ms. BnF, NAF 9277
Remarques :
Représenté pour la fête de l'Arquebuse, par les élèves de la danse de l'Opèra.
Pierre-Louis Moline

Les Amours militaires


Madame Terrible
Opéra-comique en deux actes et en prose mêlé de vaudevilles, parodie de l’opéra d’Armide
Représenté à Meaux en Brie, pour la fête de l’Arquebuse, par les élèves de la danse de l’Opéra
le 6 septembre 1778
BnF ms. naf. 9277

Les Amours militaires


Acte i

Le théâtre représente l’entrée d’un village ; dans le fond, on voit une petite cabane couverte de chaume attenante au cabaret de Madame Terrible, et, du coté opposé, quelques vieilles masures entourées d’arbres.

Scène i

Renaud, La Valeur, La Victoire

Ils sont assis autour d’une table où il y a plusieurs bouteilles et des verres.
renaud

Air : Sans un petit brin d’amour,


Amis, pour nous mettre en train,
Goûtons encore ce bon vin,
Trinquons et buvons sans fin,
Des grivois, c’est le refrain.
La Valeur
Chantons toujours cette liqueur vermeille
Qui réjouit notre cerveau...
La Victoire
Rien n’est si doux que le jus de la treille
Rien n’est si sot qu’un buveur d’eau.
tous trois ensemble, ensemble
Amis, pour nous mettre en train,
Goûtons encore ce bon vin,
Trinquons et buvons sans fin,
Des grivois, c’est le refrain.
Ils boivent et ensuite, ils se lèvent de table.
renaud

Parbleu, je suis charmé de te retrouver ici, mon cher La Valeur, et toi aussi, mon camarade La Victoire.


La Valeur

À la vérité, nous ne devions pas arriver si tôt. Nous avons encore cinq jours pour nous rendre au régiment, et crainte de te manquer, nous venons te chercher trois jours d’avance.


renaud

C’est fort bien fait, mais votre précaution est inutile, car je ne partirai point !


La Victoire

Comment ! tu ne peux plus t’en dédire. Nous avons donné notre parole à notre caporal de te ramener avec nous.


renaud

Cela n’est pas possible : vous savez que je me suis battu avec un de nos camarades, qui m’a insulté, et que mon capitaine me menace de la prison.


La Victoire

Va, ne crains rien, viens avec nous, et je te réponds de ta liberté.


renaud

Non, je me trouve bien ici ! D’ailleurs, j’ai des affaires qui m’engagent à y rester quelque temps.


La Valeur

Est-ce que tu serais devenu amoureux, par hasard ?


renaud

Non, pas que je sache, morbleu ! Et cette sottise n’a pas encore troublé mon heureuse indifférence. Je n’ai jamais été amoureux que de la gloire... peut-être qu’avec le temps cela pourra changer, mais, jarnombille, jusqu’à présent...


Air : Je suis un bon soldat

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Informations sur cet air

Je suis un bon soldat titata
Il pousse une botte.
Tout cède à mon courage ;
J’ai dans mon fourniment patapan
De quoi faire ravage.
La Victoire

Tu n’as que faire de te vanter ; nous savons que tu es un de nos plus vaillants soldats.


renaud

Mais je vois venir ici Madame Terrible, la maîtresse de ce logis. Il est de la bienséance que je l’évite pour le moment. Suivez-moi, mes amis, et allons d’un autre coté.


Ils sortent.

Scène ii

Madame Terrible, Lise ainée, Rosette

Elles sortent de la maison.
Madame Terrible, suivant Renaud des yeux, à part

Il s’éloigne de moi sitôt que je parais devant lui, et il me fuit comme si j’étais une sorcière ou quelque magicienne... Oh ! le perfide !


lise

Qu’avez-vous donc ma cousine ? vous êtes toute rêveuse.


rosette

Quel sujet peut vous attrister ?


Madame Terrible

Hélas !


lise

Vous ne faites que vous plaindre depuis quelques jours ; cependant vous n’avez pas lieu d’être chagrine, car depuis que vous êtes veuve de Monsieur Terrible, on ne voit chez vous que des fêtes, et c’est à qui s’empressera à vous procurer du plaisir.


Madame Terrible

Hélas !


rosette

Air : Chacun à son tour


À soupirer qui vous engage,
Reprenez votre belle humeur !
De tous les garçons du village
N’avez-vous pas soumis le cœur ?
Vous devez être satisfaite,
Car on vient vous faire sa cour
Chacun à son tour, liron, lirette,
Chacun à son tour.
Madame Terrible

Eh bien ! mes enfants, tout cela ne saurait toucher mon cœur. Je sais que tous nos jeunes villageois sont épris de mes charmes, mais je ne triomphe [pas – d’un amant que je déteste, et qui se fait une gloire de me voir avec indifférence. Apprenez que je suis amoureuse d’un soldat... C’est la seule conquête qui puisse flatter mon amour propre.


lise

Ah ! ciel ! un soldat, ma cousine ?


Madame Terrible

Oui, c’est un soldat ! en un mot, c’est Renaud. Vous le connaissez, il est dans l’âge aimable où, sans effort, on aime ; et cependant, le cruel est insensible pour moi !


rosette

Air : Folies d’Espagne

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Informations sur cet air

Vous m’étonnez...
lise
Cela n’est pas croyable !
rosette
Quoi ! cet ingrat méprise vos attraits ?
Madame Terrible
Pour ce guerrier ma haine est implacable,
Je l’aime enfin autant que je le hais.
lise

Vous l’aimez et vous le haïssez ? quelle bizarrerie ! pour moi, je me déciderais d’un coté ou d’un autre, ou je n’y penserais plus.


Madame Terrible

Bon, son image me suit partout ! je l’ai encore vu cette nuit en rêvant... ah ! qu’il me paraissait aimable ! je ne peux y penser sans rougir...


rosette

Voici le compère Michaut avec toutes les filles et les garçons du village. Qu’est-ce que cela veut dire ? ils viennent tous en dansant !


Scène iii

Madame Terrible, Lise, Rosette, Michaut, Jeannette portant des bouquets, Troupe de villageois

Ils dansent en rond.
jeannette

Air :


À la fête qu’ici l’on apprête
Employons-nous gaiement
Jusqu’au moindre moment.
Les plaisirs font ici leur retraite
Et ces lieux charmants
Sont fait pour les amants
chœur
À la fête etc.
Madame Terrible

Eh bien ! qu’est-ce donc, mon cher oncle ? d’où vous vient cette gaîté ? vous mettez tout le monde en train aujourd’hui ! quel en est le sujet ?


michaut

C’est demain votre fête, ma nièce, et je viens vous présenter ce bouquet. Vous me permettez ?


Il l’embrasse.
Madame Terrible

Vous êtes bien galant pour votre âge !


michaut

Oh ! dame. Le petit divertissement que je vous donne est sans cérémonie. Tout ce qui me fâche c’est qu’aujourd’hui je ne puis plus conduire le branle comme autrefois.


Madame Terrible

Vous avez raison, cela fait pitié, et les temps sont bien changés !


michaut

Mais, à propos de changement, n’avez-vous pas envie de vous remarier ? Savez-vous qu’il est ridicule à votre âge de rester veuve, et, d’honneur, cela m’afflige beaucoup ! Mariez-vous bien vite si vous voulez que je meure content.


Madame Terrible

Cela ne presse point !


michaut

J’ai entendu parler d’un certain Renaud qui est la terreur de ce canton. C’est un brave soldat, d’une famille honnête, et, je crois, qui pourrait vous convenir.


Madame Terrible, avec colère

Que me dites-vous là ? sachez que c’est le plus grand de mes ennemis, et si jamais quelqu’un pouvait lui donner sur les oreilles, celui-là serait digne de moi !


michaut

Eh ! la, la... ma nièce, ne vous emportez point ! En attendant que cela arrive, réjouissons-nous d’avance, et célébrons votre fête.


On danse.
michaut, jeannette, ensemble
À la fête etc.
Madame Terrible

Mais qui vient ici nous troubler ? quoi, c’est toi, La Sonde ?


Scène iv

Madame Terrible, Michaut, Lise, Rosette, Troupe de villageois, La Sonde ayant un emplâtre sur l’œil et une béquille sur laquelle il se soutient en boitant, deux hommes l’accompagnent

La Sonde

Ah ! madame, tout votre cabaret est dans le plus grand désordre ! ouf ! je n’en puis plus !


Air : Trembleurs

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Informations sur cet air

Quelle disgrâce cruelle,
Pour vous servir avec zèle,
Ah ! je tremble, je chancelle.
Madame Terrible
Qu’est-ce donc ? expliquez-vous !
La Sonde
L’aventure est incroyable,
Un soldat impitoyable,
Plus fort que Robert le diable,
Vient de me rouer de coups.
michaut

Ah ! le pauvre garçon.


Madame Terrible

Quel est donc ce soldat ? raconte-moi vite tout ce qu’il vient de se passer.


La Sonde, avec un ton tragique

Je vais, Madame, vous en faire un fidèle récit. Je conduisais vos dindons dans la basse-cour, lorsque deux hommes ont pris querelle en buvant (c’était un rat de cave et un muletier). Je m’avance pour les mettre d’accord, mais aussitôt l’un d’eux jette une bouteille à la tête de l’autre, et cette bouteille va frapper la tête d’un jeune soldat qui passait devant nous. Au même instant ce guerrier plein de courage s’élance sur nous comme un furieux, et se saisissant d’un bâton, nous rosse sans miséricorde. Nous appelons au secours et voilà déjà plus de cinquante personnes qui se battent contre ce guerrier, mais c’est en vain qu’ils veulent résister à sa valeur. Ce seul guerrier, Madame, dans un clin d’œil les met tous en capilotade. Enfin, ils prennent la fuite avec les dindons épouvantés, les autres entrent sans vie sur le champ de bataille, et moi, fort heureusement, je me suis échappé de ce combat avec un œil emporté et une jambe fracassée.


Madame Terrible

Il n’y a que Renaud dans le monde capable d’une pareille action.


La Sonde

Vous l’avez deviné, Madame, c’est ainsi qu’on nomme ce guerrier.


Madame Terrible

Va, mon pauvre La Sonde, console-toi, tu n’en mourras pas pour cette fois-ci, et j’aurai soin de toi. Attends avec patience le dénouement. À ses cousines. Allez, vous autres, le faire reposer dans cette cabane jusqu’à nouvel ordre.


Lise, Rosette et les villageois conduisent La Sonde dans la cabane et reviennent.
michaut

Oui, Madame, il est de votre honneur de punir ce soldat de sa témérité.


Madame Terrible

Allons le chercher partout, il me paiera cher tout le dégât qu’il vient de me faire.


Air : À coups d’pieds, à coups d’poings


Qu’il me rebute chaque jour,
Et qu’il méprise mon amour,
Aisément cela se peut croire
Mais qu’il se soit donné les tons
De mettre en fuite mes dindons...

Et ceci est un peu trop fort, je ne suis pas femme à me laisser manquer, et je le poursuivrai jusqu’au trépas...


michaut

Eh bien ! ma nièce, suivez-moi, et si je ne vous venge pas tout à l’heure...


Je veux être un chien,
À coups d’pieds, à coups d’poing
Cassons-lui la gueule et la mâchoire !
Ils répètent tous le même refrain, et entrent tous dans la maison.

Scène v

Renaud, La Valeur, La Victoire

Ils entrent par le fond du théâtre du côté de la cabane.
La Valeur

Mais je ne te conçois point, mon ami ! Que diable viens-tu chercher encore ici, après le désastre que tu as fait dans ce logis ? Si la maîtresse te rencontre, tu auras beaucoup de peine à t’échapper de ses mains, et tu paieras les pots cassés. D’ailleurs, il y a à craindre pour toi que les charmes de ses beaux yeux ne te fassent oublier tout ce que tu dois à la gloire.


renaud

Va, ne crains rien, il lui sera malaisé de me prendre dans ses filets, ni d’une façon, ni d’une autre.


La Valeur

On dit, cependant, qu’elle a plusieurs sortilèges pour se faire aimer malgré qu’on en ait point envie ; et elle a encore le secret de vous rendre amoureux par enchantement.


renaud, éclatant de rire

Par enchantement ? ah ! ah ! ah ! le secret est curieux, cela doit faire un amour bien intéressant.


La Valeur

N’importe, je t’en avertis ! prends-y garde, et méfie-toi de cette cabaretière. Elle est plus dangereuse que tu ne penses.


Air : Plus inconstant que l’onde est le nuage

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Informations sur cet air

C’est un Argus redoutable, intrépide,
Et sa magie est fors à redouter.
Aussi puissante qu’Armide,
Rien ne peut lui résister.
Fût-on Alcide,
Il faut lui céder.
Ami, si tu m’en crois,
Que dans ces lieux rien ne t’arrête.
Bats en retraite,
Ou bien c’en est fait de toi.
renaud

Air : Va t’en voir s’ils viennent

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Informations sur cet air

Bien obligé de ton soin,
Ne sois pas en peine,
Je ne puis aller plus loin
Car j’ai la migraine.
Et va t’en voir s’ils viennent, Jean,
Va t’en voir s’ils viennent, Jean.
Il s’assoit contre une table.

Je ne sais pas ce que j’ai, mais le vin que nous avons bu ce matin m’a un peu troublé la tête, et je meurs d’envie de dormir.


La Valeur

Eh bien ! repose-toi ici ! Adieu camarade, nous viendrons te chercher sur la brune.


Il sort.

Scène vi

Renaud seul

renaud

Ma foi, on a beau dire, cet endroit-ci me parait admirable pour y dormir à son aise. Quelle tranquillité !


Air : Dans le fond d’une écurie

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Informations sur cet air

Oui, ce bosquet de réserve
Me parait délicieux,
Tout ici ravit mes yeux.
Plus j’admire et plus j’observe,
Je ne puis quitter ces lieux
Plus j’admire et plus j’observe,
C’est ici l’heureux séjour
De Bacchus et de l’Amour.
Il baille.

Mais je commence à bailler. Allons, en arrive ce qu’il pourra, il faut que je sommeille. Bonsoir la compagnie !


Il s’endort.

Scène vii

Renaud endormi, Madame Terrible, Troupe de villageois

Madame Terrible, à part

Enfin, le voilà endormi comme je le désirais. Aux villageois. Venez ici, vous autres, et divertissez-vous à présent tant qu’il vous plaira. Je vous préviens que Renaud a le sommeil fort dur, et quelque tapage que vous fassiez, ne craignez point qu’il s’éveille. Je vais chercher un instrument dont j’ai besoin, et je lui prépare un réveil qui ne l’amusera pas. En attendant, dansez autour de lui, et chantez comme des aveugles, et criez comme des sourds.


Elle sort.

Scène viii

Renaud endormi, Troupe de villageois

Jeannette, les villageois et les villageoises dansent autour de Renaud, en se tenant par la main.
jeannette et le chœur, ensemble
À la fête etc.
Ils dansent en rond.

Scène ix

Madame Terrible, Renaud endormi, villageois

Madame Terrible, tenant un grand couteau de cuisine dans sa gaine, aux villageois

C’en est assez, éloignez-vous, et laissez-moi seule. Ils sortent. Enfin, il est en ma puissance ! Je le tiens, pour le coup, et il ne m’échappera plus... son sommeil favorise ma vengeance...puisqu’il méprise mon amour, soyons impitoyable... mais que dis-je ? c’est lui qui a mis en fuite tous mes dindons, il faut que je le tue.


Elle tire son couteau de cuisine.

Air : Dérouillons, ma commère

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Informations sur cet air

Ah ! qu’il meure,
Tout à l’heure !
Malgré-moi, je frémis
Hélas ! d’où vient que j’en pleure ?
Ah ! qu’il meure
Tout à l’heure !
Oui, je ne sais plus où j’en suis.
Dérouillons, dérouillons, ma commère,
Dérouillons, dérouillons nos outils.

Frappons, achevons... il est cependant bien aimable, bien gentil, et, ma foi, ce serait grand dommage de le tuer ; non, je n’en ai pas le courage, et le couteau m’échappe des mains.


Air : C’est bien doux, Rosette est jeune


Un doux transport vient me saisir,
Et malgré moi mon cœur soupire ;
S’il faut que mon amant expire
Ce ne sera que de plaisir.
Quand notre amour devient extrême
C’est bien dur de percer ce qu’on aime.

Que j’ai de plaisir à le voir ! et qu’il a bonne grâce à dormir ! On croirait que ce jeune guerrier est né seulement pour faire la guerre. Eh bien, on se trompe, il est encore fait pour l’amour ! Il faut cependant que je l’enchante pour le mettre à l’épreuve, et quand il sera bien amoureux de moi, je tâcherai de le haïr à mon tour... c’est une pensée admirable... car après tout, quand j’évoquerais ici, ou ailleurs, toutes les furies des Enfers, la Rage, la Haine et toute sa suite, ce qui fournirait à plus d’un auteur un acte d’opéra, tout cela ne saurait m’inspirer une meilleure vengeance pour punir un amant qui méprise mes charmes... Mais il ne s’éveille point, aurait-il envie de dormir d’ici à demain ?


Air : Réveillez-vous, belle endormie

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Informations sur cet air

Réveille-toi, dormeur aimable,
Réveille-toi, car il est jour,
Ton sommeil m’est insupportable
Ouvre tes yeux au tendre amour.

Scène x

Madame Terrible, Renaud endormi, Troupe de villageois et de villageoises, Jeannette

Madame Terrible, à part

Allons, il n’y a pas moyen de le réveiller ! Aux villageois. Accourez ici, vous autres, et venez seconder mes désirs amoureux. Transportez ce guerrier dans le fond du cabaret, et surtout ayez soin de le porter bien légèrement, et transformez-vous en zéphires, s’il est possible, afin de ne point troubler son repos.


Deux hommes emportent Renaud, et Madame Terrible les accompagne.
jeannette, et ensuite, le chœur
À la fête...etc.
Les villageois se retirent en dansant.
finacte

Acte ii


Scène i

La Victoire portant un fusil, La Valeur portant un sabre

La Victoire

Eh ! non, jour de Dieu, il n’y a pas de temps à perdre, te dis-je ! Suis-moi ! Je ne souffrirai pas, morbleu, que notre camarade Renaud s’amuse ici plus longtemps à la bagatelle. Il faut qu’il marche avec nous. Notre parole est donnée et nous le conduirons à notre caporal, mort ou vif ! Voilà d’abord son fusil que je lui apporte.


La Valeur

Et moi, son sabre de bataille.


La Victoire

Air : Joconde

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Informations sur cet air

Je vois que dans ce cabaret,
Le fier Renaud s’oublie.
La Valeur
Mais il n’a pas tort tout à fait,
L’hôtesse est très jolie.
Les jeunes filles de ces lieux
Ont, je crois, le cœur tendre,
La Victoire
Des charmes dont brillent leurs yeux.
Cherchons à nous défendre.
La Valeur

Va, je n’aurai pas grand peine à me faire cette violence. On n’aime jamais qu’une fois dans sa vie, et depuis que j’ai perdu ma chère Rosette, j’ai renoncé à tout autre engagement.


La Victoire

C’est tout comme moi, car tu n’ignores point l’amour que j’ai eu pour la petite Lise. Lorsqu’elle retourna à son village, je pensais en perdre la tête. Enfin, n’importe ! La gloire me console de son absence. Mais il n’en serait pas de même de notre camarade Renaud. Il n’a jamais été amoureux, lui, il est encore tout neuf sur cet article, et les premières passions sont les plus dangereuses pour un jeune homme qui entre dans le monde.


La Valeur

Madame Terrible aura beau faire, toutes ses finesses sont cousues avec du fil blanc, et nous enlèverons Renaud malgré elle.


La Victoire

Il faut tenir ferme, mon cher La Valeur, et si, pour nous amadouer, elle venait à nous offrir à boire, il faut la refuser sans miséricorde.


La Valeur

J’en demeure d’accord.


ensemble, ensemble

Air : Palsangué, Monsieur l’curé


Redoublons nos soins, privons-nous
De cette liqueur aimable.
Plus l’enchantement parait doux,
Et plus il est redoutable.
La Victoire

Quand Renaud jettera les yeux sur son fusil, il rougira de sa faiblesse.


La Valeur

Quand il verra briller son sabre, il sera transporté de joie.


La Victoire

Air : Où allez-vous, Monsieur l’abbé

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Informations sur cet air

L’hôtesse en vain retient ses pas,
Allons l’arracher de ses bras !
On cherche à le surprendre...
La Valeur
Eh bien !
La Victoire
On pourrait bien lui prendre...
Vous m’entendez bien.
La Valeur, tirant le sabre du fourreau

Morbleu, la belle chose que la gloire... Quand on est devant l’ennemi... À grand coups de sabre, ha ! Il remet le sabre. Malgré tout cela, je trouve que l’Amour a bien aussi son mérite, et il ne le cède en rien à la guerre. Par exemple, quand on est auprès d’un minois qui vous enchante... ah ! camarade ! un siècle de gloire ne vaut pas un moment de plaisir !


La Victoire

Allons, viens avec moi, et laisse-là tes fades comparaisons !


La Valeur

Il n’y a rien qui nous presse. Attends, j’ai encore quelque chose à te dire...


Ils se parlent tout bas.
La Victoire

Eh bien ! dépêche-toi !


Scène ii

La Valeur, La Victoire, Madame Terrible dans le lointain, Rosette, Villageois

Madame Terrible, à Rosette et aux villageois

Voilà les deux camarades de Renaud ! Ils viennent le chercher. Allez au devant d’eux, et empêchez-les d’entrer au logis.


rosette, à Madame Terrible

C’est mon cher La Valeur ! Allez, soyez tranquille, je vais bien jouer mon rôle.


Elle met un voile et les villageois l’environnent. Madame Terrible rentre dans la maison.

Scène iii

La Valeur, La Victoire, Rosette voilée, Villageois, Jeannette

La Victoire, d’un air impatient, à La Valeur

C’est trop nous amuser ! Allons chercher Renaud.


Dans l’instant qu’ils se retournent, ils sont arrêtés par les villageois et villageoises qui dansent autour d’eux en chantant.
jeannette, ensuite le chœur
À la fête...etc.
La Valeur

Parbleu, voilà qui est ravissant ! Ma foi, vive la gaîté ! Allons mes enfants, divertissez-vous ! Il me semble que je suis à une noce.


La Victoire, entrainant La Valeur

Eh ! qu’ils dansent tant qu’ils voudrons, retirons-nous !


rosette, retenant La Victoire

Quoi donc, Monsieur le soldat ? Vous voulez déjà nous quitter ? Est-ce que les jeunes filles vous font peur ?


La Victoire, brusquement

Oh, laissez-moi !


rosette

Comme vous êtes fier !


La Valeur

Attends un moment, camarade, elle a un son de voix qui m’intéresse, et je voudrais voir sa figure.


rosette, à La Victoire

Votre ami est plus raisonnable que vous, et je lui conseille de rester avec nous.


Air : Adieux paniers, [vendanges sont faites]

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Informations sur cet air

Voici la charmante retraite
Des doux plaisirs et de l’Amour.
Mais si l’on quitte ce séjour,
Adieux paniers, vendanges sont faites.
Elle se dévoile.
La Valeur

Ciel ! que vois-je ! c’est toi, ma chère Rosette !


rosette

Eh oui, mon cher La Valeur ! C’est moi même, et toujours aussi fidèle pour toi qu’il est possible de l’être dans un cabaret.


La Valeur

Ah ! quelle heureuse rencontre !


La Victoire, d’un air impatient à La Valeur

Air : Nanon dormait

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Informations sur cet air

Allons, allons,
Qui te retient encore ?
Suis-moi, partons !
La Valeur
Je vois ce que j’adore,
Je n’en puis plus douter.
La Victoire, le tirant par le bras
Allons, suis-moi, morbleu ! c’est trop nous arrêter !
La Valeur, revenant auprès de Rosette

Mais dis-moi donc, par quel hasard je te trouve ici ?


rosette

La chose est fort simple. Madame Terrible est ma cousine, et à présent je demeure chez elle. Le reste serait trop long à te raconter, c’est pourquoi, devine si tu peux !


La Valeur

Voici un récit un peu laconique, et je n’ai pas le don de deviner. Mais enfin, ma chère Rosette, tu m’aimes donc toujours malgré les rigueurs de l’absence ?


rosette

Ah, si je t’aime !


Air : J’aime une ingrate beauté

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Informations sur cet air

1
Rien n’affaiblira l’amour
Que j’ai pour un amant tendre.
Il augmente chaque jour,
Et je ne puis m’en défendre.
Tout comble mon espoir,
Je revois ce que j’aime,
Du plaisir de te voir,
Je fais mon bien suprême.
La Victoire, avec dépit, à part

Parbleu, je joue-là un plaisant personnage.


2
rosette
Que pourrais-je désirer
De plus doux que ta présence ?
Je ne fais que soupirer
Et gémir en ton absence.
la valeur et rosette ensemble, ensemble
Que la plus vive ardeur
Dans notre âme renaisse,
Jouissons du bonheur
De nous aimer sans cesse.
La Victoire, à part

Ils ne finiront point... Haut. Eh bien ! Veux-tu venir, ou ne veux-tu point ?


La Valeur

Eh ! laisse-moi lui parler encore un instant.


La Victoire, à part

Comme il est opiniâtre dans ses amours ! Mais je ne vois qu’un seul moyen pour les séparer. Voici de quoi les faire disparaître aussi adroitement qu’à l’Opéra.


Il met son fusil en joue devant Rosette qui s’enfuit en jetant un cri.
rosette, s’enfuyant

Ahi ! ahi !


Scène iv

La Victoire, La Valeur, Villageois

La Valeur

Ah ! mon ami, qu’as-tu fait ?


La Victoire

Un beau coup de théâtre.


La Valeur

Air : Folies d’Espagne

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Informations sur cet air

Dieu ! Quel malheur ! je la vois disparaître
Elle s’enfuit, je la perds sans retour.
La Victoire
Viens, suis la gloire, et de ton cœur sois maître !
La Valeur
La gloire cède où commande l’amour.
La Victoire

Entrons dans le cabaret, et profitons des conseils que notre caporal nous a donnés.


La Valeur, à part

Peut-être que je la trouverai sur mes pas... Haut. Je te suis sans balancer.


Scène v

La Victoire, La Valeur, Troupe de villageois, Lise voilée

lise, arrêtant La Victoire ainsi que La Valeur

Air : Comme v’la qu’est fait

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Informations sur cet air

Des environs de ce bocage
D’où vient que vous vous détournez ?
Délassez-vous d’un long voyage
Auprès de ces bords fortunés.
L’Amour vous appelle au partage
Des biens qui nous sont destinés.
À La Victoire.
Vous me reconnaîtrez, je gage,
Vous allez me voir trait pour trait.
Elle se dévoile.
La Victoire, étonné

Quoi ! C’est vous, charmante Lise ?


lise

Eh ! C’est vous cher amant ? C’est vous que je revois ?


La Victoire

Ah ! Je n’ose en croire mes yeux ! Mais par quel heureux destin...


lise, l’interrompant

Tenez, mon cher La Victoire, pour vous abréger un ennuyeux récit : je suis la sœur aînée de Rosette, et notre aventure est la même, mais je vous retrouve ici sans le secours d’une magique puissance, et mon cœur est satisfait.


La Victoire

Chère Lise, quel bonheur !


lise et la victoire ensemble, ensemble

Air : Aimons toujours notre berger,


Aimons, aimons toujours
Le tendre objet qui sait nous plaire
Aimons, aimons toujours
Celle qui règne sur nos jours.
Celui qui règne sur nos jours.
Pendant cet air, les villageois dansent en rond.
definitacteur, Chœur des villageois chœurdesvillageois
chœurdesvillageois
Aimez, aimez toujours
Le tendre objet...etc.
La Valeur, éclatant de rire

Ah ! ah ! ah ! Voilà mon rôle doublé à merveille, et je crois que la copie l’emporte encore sur l’original.


Avec dérision, en riant, à La Victoire.

Air : Nanon dormait

Voir la partition
Informations sur cet air

Allons, allons
Qui te retient encore ?
Suis-moi, partons !
La Victoire
Je suis ce que j’adore.
Je n’en saurais douter.
La Valeur, riant toujours

Allons, suis-moi, morbleu ! C’est trop nous arrêter !


La Victoire

Eh bien, camarade ! Va-t-en si tu veux, et ne te gène pas pour moi. Je veux réparer auprès de Lise le temps que j’ai perdu sans la voir.


La Valeur, à part

En voici bien une autre... Attends, attends, je vais te rendre l’échange de la bonne façon.


Il tire son sabre et met en fuite Lise ainsi que les villageois. La Victoire court après elle, et La Valeur les suit en chantant :
Allez-vous en gens de la noce,
Allez-vous en chacun chez vous !

Scène vi

Renaud, Jeannette, Garçons cabaretiers

renaud, en habit galonné

Eh ! Messieurs de grâce, laissez-moi tranquille ! Je n’ai que faire de vous pour m’habiller !


Plusieurs garçons le tirent par les bras pendant qu’on lui présente un miroir.
jeannette, à Renaud

Air : La Polonaise, contredanse


Ah ! que vous avez bonne façon,
Vous voilà paré sur le ton.
Ah ! que vous avez bonne façon.
Ah, Monsieur ! regardez-vous donc.
renaud
Non !
Je suis fort content, mais finissez
Car vous m’excédez,
Vous m’estropiez,
Vous m’étouffez !
jeannette et les garçons ensemble, dansant autour de lui, ensemble
Ah ! que vous avez bonne façon,
Vous voilà...etc.
renaud, avec humeur
Non !
Allez-vous en à tous les diables !
Tous les garçons prennent la fuite et tombent les uns sur les autres.

Scène vii

Renaud seul

renaud

Enfin, me voilà débarrassé de ces maroufles ! Mais avec tout cela, quand je songe à ma position, je la trouve plaisante et des plus singulières. Un guerrier comme moi, être vêtu de la sorte ! Eh ! que ne fait-on pas pour l’amour ? Hercule a [filé] pour Omphale, et je peux me parer pour plaire à ma charmante maîtresse. Cependant, je ne conçois rien à l’amour extrême que Madame Terrible m’a inspiré. C’est une énigme pour moi comme pour bien d’autres : il faut qu’elle m’ait ensorcelé pendant je dormais.


Air : Vogue la galère

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Informations sur cet air

Je veux toujours lui plaire,
Elle a su me charmer.
J’abandonne la guerre
Pour le plaisir d’aimer,
Et vogue la galère
Tant qu’elle pourra voguer.

Scène viii

Renaud, Madame Terrible

Madame Terrible

Ne vous impatientez point mon cher Renaud, mon toutou, mon bijou, mon petit chou. Je ne vous quitte que pour un instant, je vais bientôt revenir.


renaud, l’arrêtant

Madame Terrible, vous m’allez quitter ?


Madame Terrible

Un moment. Il faut que je descende au fond de mon caveau pour une affaire très importante. Il faut que je fasse rincer mes bouteilles.


Air : Réveillez-vous, [belle endormie]

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Informations sur cet air

Voyez en quels lieux je vous laisse...
renaud
Puis-je rien voir que vos appas ?
Madame Terrible
Les plaisirs vous suivrons sans cesse.
renaud
En est-il où vous n’êtes pas ?
Madame Terrible, à part

Il en tient un peu à ce que je crois. Mais je veux encore l’éprouver tout à fait...Haut. Adieu, Renaud.


renaud

Madame Terrible, vous m’allez quitter ?


airvide
Quoi, vous partez sans que rien ne vous arrête...
Madame Terrible

Vous ignorez l’inquiétude cruelle qui me dévore. Apprenez que je suis jalouse de cette gloire que vous chérissiez tant avant que de m’aimer. C’est une rivale fort dangereuse, et je crains toujours qu’elle ne m’enlève votre cœur.


renaud

Rassurez-vous, belle princesse !


Air : À chacun son tour


Aujourd’hui ma raison m’éclaire,
L’amour est mon premier devoir.
Je fais ma gloire de vous plaire,
Et tout mon bonheur de vous voir.
À vos désirs si j’ai paru contraire,
Je suis bien changé dès ce jour ;
Chacun à son tour, liron, lirette
Chacun à son tour.
Madame Terrible

Cet aveu sincère me transporte de plaisir ! Eh bien, je ne vous quitterai plus, et je veux que dès ce jour vous quittiez bravement le service en attendant que je vous achète une charge d’oisif.


Air : La Magnotte


Aimons toujours avec ardeur,
renaud
L’Amour nous y convie.
Que désormais notre bonheur
À chacun fasse envie.
Madame Terrible
Ah ! Si vous m’ôtez votre cœur,
Vous m’ôteriez la vie.bis
renaud

Je perdrais plutôt le jour.


Madame Terrible

Non, mon ami, ne perdez ni le jour, ni la nuit. Ne vous désolez pas d’avance. Adieu, je vais apprendre mon bonheur à mon cher oncle.


airvide
Ton cœur et le mien
S’accorderont bien.
Nous nous marierons dimanche.
Elle sort.

Scène ix

Renaud, troupe de villageois qui arrivent en dansant, Jeannette, Lise, Rosette

jeannette, ensuite le chœur
À la fête...etc.
renaud

Eh ! que diable, vous dites toujours la même chanson !


jeannette

Monsieur, n’en soyez pas étonné, c’est tout comme à l’Opéra afin de vous donner du plaisir !


renaud

Je vous en dispense. Quand votre maîtresse n’est point ici, rien ne peut m’amuser.


jeannette

Eh bien ! Dansez avec nous, cela dissipera votre mélancolie !


renaud, brusquement à Jeannette

Non ! éloignez-vous de moi !


Rosette, Lise et les villageois se retirent en groupe sur un coté du théâtre.

Scène x

Renaud, Rosette, Lise, Villageois, La Victoire, La Valeur au fond du théâtre

La Victoire, à part, à La Valeur

Le voici, profitons de ce moment.


Ils s’approchent de Renaud, l’un lui présente un fusil et l’autre un sabre.
renaud, se retournant

Ciel !que vois-je ? quel éclat frappe mes yeux ?


La Victoire

Je t’apporte ton fusil.


La Valeur

Et moi ton sabre.


renaud

Ah ! mes braves camarades ! que je suis honteux de paraître ici devant vous !


La Victoire

Notre caporal te rappelle.


La Valeur

Et notre capitaine te pardonne.


renaud, faisant un saut de joie

Il me pardonne ! Eh bien, mes amis, je pars avec vous, et rien ne peut me retenir ! Quittons ces frivoles ornements, et reprenons notre habit militaire, c’est celui qui me convient le mieux.


Il quitte son habit et prend le fusil et le sabre.
La Victoire

Allons, ne restons pas ici plus longtemps !


renaud

C’en est fait, je vous suis.


Scène xi

Renaud, La Victoire, La Valeur, Rosette, Lise, Jeannette, Villageois, Madame Terrible

rosette, voyant arriver Madame Terrible

Ah, ma cousine ! Accourez vite ! Voilà Renaud qui va partir !


Madame Terrible, arrêtant Renaud

Ah ! Ciel ! arrêtez-vous ! est-il vrai ? ... Renaud ! Non ! Je crois que c’est pour plaisanter. \’ Ecoutez-moi, parlez ! Je veux savoir de votre bouche si vous partez ou non... mais... je suis prête à m’évanouir, approchez-moi une chaise... Eh bien ! Renaud, expliquez-vous, et ne me déguisez rien. Allez-vous partir pour tout de bon, ou est-ce pour rire ?


renaud, d’un ton furieux

Je pars.


Madame Terrible, tombant sur sa chaise

Je meurs.


renaud

Adieu. Il s’arrête. Cependant, elle me fait pitié et je sens que je l’aime plus que je ne le pensais... mais n’importe, il faut partir.


Il sort avec ses camarades.
rosette, à part, regardant La Valeur

Quelle cruauté !


lise, à part, regardant La Victoire

Quelle ingratitude !


Scène xii

Madame Terrible, Rosette, Lise, Villageois, Jeannette

Madame Terrible, se levant avec fureur

Il est parti ! ... Il est parti ! ... Ah, le perfide Renaud ! Il me fuit... il me laisse mourante et au désespoir... D’un ton modéré. Mais cela suffit... Il me vient un projet éclatant... Oui, m’y voilà bien décidée... Ma maison, mes meubles et tout le cabaret paieront pour son ingratitude.


Air : Dérouillons, ma commère

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Informations sur cet air

Ah ! j’enrage !
Quel outrage !
Quelle noire trahison !
Je ne me sens plus de rage !
Ah ! j’enrage !
Quel outrage !
Sans employer quelques démons
Mettons le feu, partout faisons ravage
Et brûlons toute la maison.

Commençons d’abord par cette cabane.


Elle va prendre un flambeau, et met le feu à la cabane. La Sonde, qui y était couché, en sort tout épouvanté, et aussitôt Renaud, La Victoire, La Valeur et Michaut arrivent et éteignent le feu. Pendant ce temps, tous les villageois environnent Madame Terrible et La Sonde. Rosette et Lise vont trouver leurs amants.

Scène xiii

Madame Terrible, Renaud, La Valeur, La Victoire, La Sonde, Michaut, Rosette, Lise, Jeannette, Villageois et villageoises

La Sonde, sortant de la cabane, tout effrayé

Ahi ! ahi ! ahi ! au feu ! au secours !


Madame Terrible, à La Sonde

Comment ? c’est toi qui était là ?


La Sonde

Eh ! oui, de par tous les diables ! Vous le saviez bien !


Madame Terrible

Ah ! Mon pauvre La Sonde, pardonne ma fureur. Tu vois les funestes effets de l’amour et du désespoir !


La Sonde

Et contre qui en avez-vous pour mettre le feu à la maison ?


Madame Terrible

Le perfide Renaud m’a abandonné !


renaud

Non, Madame, me voici encore.


Madame Terrible, à Renaud

Quoi ! C’est vous ? Ah ! Je vous croyais bien loin.


renaud

L’excès de votre amour a touché mon cœur. Vous me voyez prêt à vous épouser avant d’aller rejoindre nos drapeaux. Mais c’est à condition que vous consentiez au mariage de vos deux cousines avec mes deux camarades. Je crois que cette catastrophe sera plus heureuse qu’un incendie.


Madame Terrible, se retournant et voyant Rosette qui donne le bras à La Valeur, et Lise à La Victoire

Mais, ils se connaissent donc ?


renaud

Sans doute ils se connaissent, et ce n’est pas d’aujourd’hui. On vous contera tout cela. Il s’agit à présent de faire leur bonheur.


Madame Terrible

Eh ! Je ne demande pas mieux. Je suis trop glorieuse de m’allier avec des militaires. Ils sont tous braves comme leurs épées. Je n’ai plus rien à désirer étant l’épouse de Renaud. Allons nous réjouir en attendant, et célébrons ici ce triple mariage.


Danse des villageois
jeannette, seule et ensuite le chœur
À la fête... etc.
Ballet qui termine la pièce
vaudeville
3
renaud
Ça, marions-nous
Ma chère cabaretière ;
Ça, marions-nous
Entre nous, plus de courroux.
Parmi nos soldats,
Tu seras ma vivandière,
Après les combats
Nous prendrons tous nos ébats.
4
Madame Terrible
Viens mon cher Renaud,
Pour calmer notre colère,
Viens mon cher Renaud,
Allons boire sans eau.
Oui, je suis à toi
À la paix comme à la guerre,
Donne-moi ta foi
Jure de n’être qu’à moi.
5
renaud
Dis par quel juron
Tu veux que je t’en assure.
Je suis un luron
Qui ne dira jamais non.
Madame Terrible
Mon cher Renaudet,
Oui, tu m’aimes, j’en suis sûre,
Mais allons au fait,
Viens...
renaud
Où donc ?
Madame Terrible
Au cabaret !
6
La Sonde
Sans être un ballon
J’échappe de la fournaise
Sans être un ballon
J’étais brûlé tout de bon.
Car cette maison
Allait être un tas de braise.
Oui, cette maison
Ressemble au fameux ballon.
7
Première femme
Sans enchantement,
Nous avons rempli nos rôles.
Deuxième femme
Sans enchantement,
Nous retrouvons nos amours.
La Victoire, premier soldat
Nous sommes contents
Plus d’effets, moins de paroles.
La Valeur, deuxième soldat
Nous sommes contents
Que chacun en dise autant.
8
Premier Jeannot
Ils sont contents,
Je le crois, par la morguenne !
Sais-tu bien pourquoi ?
Deuxième Jeannot
C’est qu’ils vont au cabaret !
Premier Jeannot
Eh ! non, ce n’est pas ça,
C’est que chacun a sa chacune.
Deuxième Jeannot
T’as, pardié, raison,
Choisissons aussi un petit trognon !
Ça rime ça, eh !
Premier Jeannot
Oh, oui ! ça rime mais c’est bien long.
Deuxième Jeannot
En fait de cabaret, plus c’est long...
Premier Jeannot
Et en fait d’amour ? ... eh !
Il rit.\footnote Si la dernière réponse du Jeannot paraissait effaroucher les spectateurs ou le censeur, il pourrait faire entendre le mot sans le prononcer, et dire : \og Et en fait...Eh ! ... \fg Il rit.
renaud
Taisez-vous vous autres !
9
La première actrice, au public
Lorsqu’auprès de nous,
L’indulgence vous appelle,
Nous aspirons tous
À satisfaire vos goûts.
Nos associés
Pour leurs efforts et leur zèle
Seront bien payés
Si vous les applaudissez.
Fin

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