Les Amants inquiets

Auteurs : Favart (Charles-Simon)
Parodie de : Thétis et Pélée de Fontenelle et Colasse
Date: 9 mars 1751
Représentation : 9 mars 1751 Comédie-Italienne - Hôtel de Bourgogne
Source : ms. BnF, Bibliothèque de l'Opéra, Fonds Favart, carton II, 12e pièce
Jean-Baptiste Deshayes et Charles-Simon Favart

Les Amants inquiets


Parodie de Thétis et Pélée
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens Ordinaires du Roi
le mardi 9 mars 1751
Paris, N.B Duchesne, 1760, Théâtre de M. Favart, t.1, Paris, Duchesne, 1763

Acteurs


Tonton, batelière : Madame Deshayes
Colin, berger : Mademoiselle Astraudi
La Dune, entrepreneur des coches d’eau : Monsieur Chanville
Brettifer, seigneur de village : Monsieur Rochard
Marine, batelière : Mademoiselle Coraline
Nanette, batelières : Mademoiselle Catinon
La Couture, valet de chambre de Brettifer : Monsieur Thomassin
Une bohémienne : Arlequin
Un valet de La Dune
Un garde-chasse
Un tambour
Actrices d’Opéras de province, chantantes et dansantes
Bateliers et batelières
Meuniers et meunières
Gardes-chasse
Bergers et bergères
Bûcherons et bûcheronnes
Gens de la noce
Aveugles
Le théâtre représente l’intérieur de la maison de Tonton.

Les Amants inquiets


Scène i

Colin seul

colin

Air : Vous brillez seule en ces retraites

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Que mon destin est déplorable !
J’aime Tonton, et j’en suis bien traité.
Hélas ! mais elle est trop aimable,
Et mon cœur, et mon cœur en est agité.

Air : Là-haut, sur ces montagnes

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Déjà, Monsieur La Dune,
Rival trop dangereux,
Soupire pour ma brune :
Il faut cacher nos feux,
Tonton, fille discrète,
Dans notre ardeur secrète,
En vain comble mes vœux ;
Je forme encor des plaintes.
Il est toujours des craintes
Pour les amants heureux.

Scène ii

Colin, Marine

marine

Air : Préparons-nous pour la fête nouvelle

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Colin, Colin, quel souci vous arrête ?
La Dune prépare une fête.
Ce riche entrepreneur de tous les coches d’eau
À sa chère Tonton va donner un cadeau.

Air : À quoi s’occupe Madelon


Quand tout se trémousse aujourd’hui,
Et prend un air de conquête,
Quand tout se trémousse aujourd’hui,
D’où vous vient ce sombre ennui ?

Air : Je ne pense qu’à mon troupeau, mineur


Ah ! Colin, depuis quelques jours
Vous avez l’amour en tête.
Cher Colin, parlez sans détours,
Vous rêvez à vos amours.
colin

Air : Petite la Valière


Par le seul mot d’amour je me sens alarmé.
marine
Ah ! le pauvre garçon !
colin
Je n’ai jamais aimé,
Vous me faites rougir...
marine, l’interrompant

Air : Que j’aime mon cher Arlequin


Croit-il m’en donner à garder ?
Ah ! qu’il est drôle !
Mon ami, pour te décider,
Tiens, je n’ai qu’à te regarder,
J’en jure ma parole.
colin
Ah ! que vous êtes folle !
marine
Crois-tu m’en donner à garder ?
Est-ce ainsi qu’on m’enjôle ?

Air : Cap de Bonne-Espérance


Colin, que ce jeu finisse,
C’est assez dissimuler,
Aux yeux de la plus novice,
L’amour ne peut se voiler.
Partout où ce dieu peut être,
Nous savons le reconnaître ;
Il a beau s’envelopper,
L’instinct ne peut nous tromper.
colin

Air : C’est l’ouvrage d’un moment

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J’aimerais, mais mon cœur timide
Craint de soupirer vainement ;
Souvent du bonheur d’un amant,
C’est le caprice qui décide
Plutôt que le sentiment.
marine

Air : Eh ! vive la jeunesse, qui ne vit que d’amour


Que cette crainte cesse :
Déclare ta tendresse ;
La plus fière maîtresse
Te paya de retour.
Eh ! vive la jeunesse,
Qui ne vit que d’amour.
colin

Air : Ah ! Madame Anroux

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La crainte est toujours
Des tendres amours,
Le cruel partage.
marine
L’espoir est toujours
Le charmant partage
Des tendres amours.
ensemble, ensemble
La crainte/L’espoir est toujours,
Le cruel/Le charmant partage
Des tendres amours.

Scène iii

Tonton, Marine, Colin

marine

Air : Ma maîtresse est une blonde


Belle Tonton, belle brune,
Recevez nos compliments ;
Pour vous, Monsieur de La Dune
Prépare des jeux charmants.
Eh ! ziste, zeste,
Leste.
tonton
Partagez tous deux,
Ces honneurs que l’on me destine.
colin, à part
Que je vais faire grise mine !
Mais il faut bien voir ces jeux.
marine

Air : Eh ! allons donc, jouez, violons


Des nymphes allaient par le coche
Gagner la ville la plus proche,
Pour recruter un Opéra.
Par ces sirènes ambulantes,
Et ces déesses sautillantes,
Le spectacle s’embellira.
Et La Dune les emploiera
Pour disposer à la tendresse
Le petit cœur de sa maîtresse ;
Mais j’entends déjà leurs chansons.
Eh ! allons donc, jouez, violons.
On entend une symphonie.

Scène iv

Colin, Tonton, Marine, actrices d’Opéra chantantes et dansantes

definitacteur, Chœur des actrices chœurdesactrices
chœurdesactrices

Air : Aimons, aimons-nous

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Aimez, rendez-vous :
Il n’est point de sort plus doux.
Une actrice
Par nos pas et par nos voix
Nous savons disposer des âmes :
Robins, financiers, bourgeois,
Et grands seigneurs, tout sent nos flammes.
Nous allons, par notre art vainqueur,
Attendrir aussi votre cœur.
chœurdesactrices
Aimez, rendez-vous :
Pourquoi faire
La sévère.
Aimez, rendez-vous :
Éprouvez un bien si doux.
Danse des actrices.

Scène v

Tonton, Colin, Marine, La Dune, bateliers

definitacteur, Chœur des bateliers chœurdesbateliers
chœurdesbateliers

Air : En mistico, en dardillon


À not’Bourgeois, prouvons not’zèle,
En mistico, en dardillon,
En dar, dar, dar, dar, dar ;
N’oublions pas Tonton la belle,
Que c’t’objet si vanté
Soit mistificoté, chanté.
On danse.
La Dune
Belle Tonton, bonjour,
Voyez toute ma cour,
Qui vient vous rendre hommage.
Ces beaux bateliers si bien mis
À tous vos ordres sont soumis,
C’est un grand avantage.

Même air


Mon frère Brettifer,
Gentillâtre si fier,
Est seigneur du village ;
Moi, je n’ai que les coches d’eau,
Et si mon sort n’est pas si beau,
Tonton m’en dédommage.

Air : Tout du long de la rivière, ah ! qu’il fait bon là

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Belle batelière,
Recevez ma foi ;
De la terre entière
Je me croirai Roi.
Tout le long de la rivière,
Je donne la loi,
Tout le long de la rivière,
Régnez avec moi.
tonton

Air : Monsieur, en vérité, [vous avez bien de la bonté]

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Informations sur cet air

Je mérite peu cet honneur :
Vos soins savent me plaire ;
Si vous me demandez mon cœur,
Oh ! c’est une autre affaire.
Tous ces apprêts vous ont coûté,
Et j’en suis bien reconnaissante ;
Votre servante ;
Monsieur, en vérité,
Vous avez bien de la bonté.
La Dune

Air : Je ne veux qu’amour pour amour


Des soins que j’ai pris en ce jour,
J’attends une autre récompense
Que ta reconnaissance ;
Il me faut amour, il me faut amour pour amour.
chœurdesactrices
Il lui faut amour, il lui faut amour pour amour.
La Dune

Air : Il faut tous entrer en danse


Je vais me mettre à la tête
De mes gentils bateliers.
Mes belles, dans cette fête,
Ils seront vos chevaliers.
Allons Gilles, allons Pierre,
Frappons du pied contre terre,
Que chacun prenne un tendron ;
Les garçons de la rivière
Ne valent pas une pierre
S’ils ne dansent le cotillon.
On danse.
La Dune, chante la ronde suivante
Dans la belle saison,
Mieux que sur la fougère,
Se plaît l’Amour fripon
Le long de la rivière.
Eh ! riez, riez donc,
Gentille batelière,
Eh ! riez, riez donc,
Gentille Tonton.


La mère à Cupidon
Naquit dans l’onde claire ;
C’est pour ça qu’il fait bon
Le long de la rivière.
Eh ! riez, riez donc,
Gentille batelière,
Eh ! riez, riez donc,
Gentille Tonton.


Un beau Robin mignon,
À flottante crinière,
Rencontrât son trognon
Le long de la rivière ;
Eh ! riez, [riez donc,]
[Gentille batelière,]
[Eh ! riez, riez donc,]
[Gentille Tonton.]


Entrons, dit-il, entrons
Dans ce bateau, ma chère :
Je nous promènerons
Le long de la rivière.
Eh ! riez, [riez donc,]
[Gentille batelière,]
[Eh ! riez, riez donc,]
[Gentille Tonton.]


Il ramait de façon
Qu’il ne put prendre terre :
Tout doux ils dévalions,
Le long de la rivière ;
Eh ! riez, [riez donc,]
[Gentille batelière,]
[Eh ! riez, riez donc,]
[Gentille Tonton.]


Il rompit l’aviron,
Et sans devant derrière,
Zeste ! il fit le plongeon
Le long de la rivière ;
Eh ! riez, [riez donc,]
[Gentille batelière,]
[Eh ! riez, riez donc,]
[Gentille Tonton.]


Faut avoir le bras bon,
Et savoir la manière,
Pour mener un tendron
Le long de la rivière ;
Eh ! riez, riez donc,
Gentille batelière,
Eh ! riez, riez donc,
Gentille Tonton.
On danse l’air ci-dessus.
La Dune, à sa suite

Air : Vantez-vous en


Il est temps que la fête cesse ;
À Tonton.
Je vous ferai vivre en Princesse,
Si vous me donnez votre cœur :
Songez, songez à cet honneur.
Songez encor plus, belle enfant,
À la vive ardeur qui me presse ;
Car vous aurez un bon vivant,
Vantez-vous en.

Air : Adieu, Tonton, ma brune


Je sors avec ma suite,
Adieu, petit bijou.
tonton
Où court il donc si vite ?
Il s’en va comme un fou.
Quel embarras
Sa retraite m’évite !
Ah ! je ne croyais pas
En être si tôt quitte.

Scène vi

Tonton, Colin

tonton

Air : Un abbé dans un coin

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Informations sur cet air

Venez, il est parti,
Mon ami,
Nous sommes seuls ici.
colin
Ils m’ont rompu la tête,
Quels funestes concerts !
Pendant toute la fête,
Quels tourments j’ai souffert !

Air : Et j’y pris bien du plaisir

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Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

Payez-moi de mon martyre ;
Si mon feu peut vous flatter,
L’ardeur que je vous inspire,
À présent doit éclater :
Parlez... ou sans me rien dire,
Poussez un tendre soupir ;
Dans vos yeux laissez-moi lire
Que Colin vous fait plaisir.
tonton

Air : Je n’entends plus dessous l’ormeau


Vous regarder... et soupirer,
Que vous faut-il encore ?
colin
Vous ne pouvez trop rassurer
Un cœur qui vous adore.
tonton
Quand je réponds à votre espoir,
Faut-il avoir
Des alarmes ?
colin
Je crains vos charmes ;
Ils ont trop de pouvoir.
tonton

Air : Il est gen, gen, gen, il est ti, ti, ti


Si La Dune vous fait peur,
Voici bien autre chose.
Apprenez qu’un beau monsieur
Pour moi se propose :
C’est le seigneur d’un hameau,
Il me promet un château.
Il est gen, gen, gen,
Il est ti, ti, ti,
Il est gen, il est ti,
Il est gentilhomme.
colin
Ah ! ce coup m’assomme.

Air : Et tant, tant, tant


C’est Brettifer.
tonton
Oui, c’est lui-même.
colin
Rien n’est égal à mon dépit.
Hé bien ! voyez, chacun vous aime :
Ne vous l’avais-je pas bien dit ?
V’là c’que c’est d’être si jolie !
Aux galants vous faites envie :
Il en vient tant et tant, tant, tant.
tonton
Ah ! plus tu m’en vois suivie,
Plus ton triomphe est éclatant.
colin
airvide
Je ne suis qu’un simple berger,
Qui sans art cherche à plaire.
Et je n’ai rien pour engager,
Que mon ardeur sincère.
tonton

Même air


Le cœur ne doit prendre pour loi,
Qu’une tendresse extrême.
Et le berger devient un roi,
Dès qu’il plaît et qu’il aime.
colin

Même air


Mon trésor le plus précieux,
C’est cette vive flamme,
C’est cette ivresse que tes yeux
Font passer dans mon âme.
tonton

Même air


Eh ! quel trésor a plus d’attraits !
Colin n’a rien... il aime.
Sans son amour j’ignorerais,
Qu’il fut un bien suprême.

Air : Quel plaisir, quand on s’aime bien


Mon cœur est à toi, j’ai le tien.
ensemble, ensemble
Quel plaisir quand on aime bien ?
colin
La douceur de notre lien
Aux Dieux ferait envie.
ensemble, ensemble
Colin/Tonton, ne songeons plus à rien,
Qu’au bonheur de la vie.

Scène vii

Marine, Nanette

Le théâtre représente un paysage. La rivière baigne une colline, sur laquelle est un vieux château flanqué de tourelles.
nanette

Air : Ces filles sont si sottes

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Informations sur cet air

Non, non, Marine, je le vois,
Colin n’a point d’amour pour toi.
marine
Il n’ose encor s’ouvrir à moi.
nanette
Un vain espoir t’occupe :
Colin n’a point d’amour pour toi ;
Et ton cœur est bien dupe,
Ma foi,
Et ton cœur est bien dupe.
marine
airvide
Colin m’aime, tout me le prouve.
S’il me voit, d’abord il s’enfuit.
Seul avec moi quand il se trouve,
Il se tait, il est interdit.
nanette
Ah ! ma cousine,
Je suis peu fine ;
Mais quand j’aurai l’âge
D’aimer à mon tour,
Mon cœur vif et tendre,
Ne pourra prendre
Un air sauvage
Pour de l’amour.

Air : Ronde

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Informations sur cet air

C’est bien autrement
Qu’un amant
Rend hommage à sa maîtresse ;
On aime peu,
Quand on cache son feu
À l’objet de sa tendresse.
marine

Air : Qu’on est à plaindre quand on n’a pas


Ah ! Colin m’aime,
J’en crois mon cœur.
nanette
Ton cœur lui-même
Est un menteur.

Air : L’autre jour d’un air enfantin


Colin et Tonton l’autre jour,
Étaient dans un lieu solitaire ;
Je crois qu’ils se parlaient d’amour !
Ils avaient un air de mystère.
Ils soupiraient,
Se regardaient
Tous les deux d’un air tendre.
marine
Nanette, qu’est ce qu’ils disaient ?
nanette
Je n’ai pu rien entendre.
marine

Air : Bouchez, Naïades, vos fontaines

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Informations sur cet air

Cette nouvelle me désole.
nanette
Me voilà quitte de mon rôle ;
Car, on n’a plus besoin de moi.
Adieu.
Elle sort.
marine
Tonton ici s’avance,
Prenons un air de bonne foi
Pour mieux gagner sa confiance.

Scène viii

Marine, Tonton

Air : Ma tourlourette, en amourette


Venez-vous rêver en ces lieux,
Aux conquêtes que font vos yeux ?
Que votre sort est glorieux,
Ma Tontonette,
En amourette !
On m’a dit qu’un riche seigneur
Vous offre encor son cœur.
tonton

Air : Toujours va qui danse


J’aime mieux l’amour ingénu,
Qui dans nos bosquets habite :
À la cour, il n’est pas connu.
marine
C’est bien dit ma petite,
Et parmi nous, cet amour-là
Fait toujours résidence.
Ta la, la, la, la, la, la, la, la,
Toujours va qui danse.

Air : Un berger qui pour moi soupire

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Informations sur cet air

Un berger qui cherche à me plaire,
Me rend sensible à ses maux ;
Aux plus illustres rivaux,
Il est digne qu’on le préfère.
Ah ! qu’il est beau ! qu’il est charmant !
tonton
Comment nomme-t’on cet amant ?

Air : Pourvu que Colin me, voyez-vous


À m’informer d’un nœud si doux,
Notre amitié t’invite.
marine
Je n’oserais.
tonton
C’est entre nous.
marine
Colin a pris des soins... voyez-vous !
tonton, émue
Colin, Colin !
marine
Quoi ! qui vous agite ?
Vous êtes interdite.

Air : Mais mon berger est si discret


À part.
Son air m’en fait assez connaître.
À Tonton.
Vous approuvez un si beau choix.
tonton
J’ignorais qu’il fût sous vos lois.
À part.
Qu’il cache bien son jeu, le traître !
marine
Ah ! mon berger est si discret,
Que je suis sûre du secret.

Air : Va, tu as raison, la Tulipe


Je vois monsieur de la Couture,
Le messager de Brettifer :
De la part d’un seigneur si cher...
C’est vous qu’il cherche, j’en suis sûre,
Ceci ne veut pas de témoin.
À part, en s’en allant.
Tu ne le porteras pas loin.

Scène ix

La Couture, Tonton

La Couture

Air : Son joli petit corbillon


Je viens pour vous, gentille brune,
À voir mon maître, il faut vous préparer ;
Ne manquez pas votre fortune :
Un tel amant va bien vous honorer.
tonton
Allez, Monsieur l’ambassadeur,
Gardez vos avis,
Je sens tout le prix,
Tout le prix d’un pareil honneur.

Scène x

Tonton

Air : Les pèlerins

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Informations sur cet air

Tristes honneurs, gloire cruelle,
Vous me gênez ;
Mes désirs vers un infidèle
Sont entraînés :
Plus d’une belle pour punir
Un cœur parjure,
Profiterait avec plaisir,
D’une telle aventure.

Scène xi

Colin, Tonton

colin, gaiement

Air : Viens ma bergère, viens seulette

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Informations sur cet air

Tonton, je vous trouve seulette,
Ô lonlanla, landerira ;
Que mon âme en est satisfaite !
Ô lonlanla...
tonton, l’interrompant

Air : Gentille pèlerine


Allez chercher Marine.bis
colin
Vous me faites la mine !
Eh ! pourquoi donc cela !
tonton
Marine a su vous plaire ;
Je sais tout le mystère.
colin
Que dites-vous, ma chère ?
tonton
Oui-dà, Monsieur, oui-dà,
C’est fort bien fait, on vous imitera.
La.

Air : Je n’en dirai pas le nom

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Informations sur cet air

Hélas ! que j’étais contente
Quand je faisais quelque amant ;
J’aurais voulu bonnement
Qu’il m’en fût venu cinquante,
Pour le plaisir singulier
De les voir tous dans l’attente,
Pour le plaisir singulier
De te les sacrifier.
colin

Air : Monsieur l’Homme


Vos soupçons me font outrage,
Il faut s’éclaircir.
tonton
Je n’entends rien davantage,
Je veux te punir ;
On tire du château, le tambour bat.
Mais on tire et l’air résonne
Du bruit du tambour :
Brettifer vient en personne
Me faire la cour.

Air : De tous les capucins du monde

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Informations sur cet air

Je vais répondre à sa tendresse,
Dépit, intérêt, tout m’en presse.
Mon cœur va goûter en ce jour
Les agréments de l’inconstance,
La douceur d’un nouvel amour,
Et le plaisir de la vengeance.
colin, sur le ton des derniers vers précédents
Et moi, je lui vais sans détour,
Déclarer notre intelligence.
tonton

Air : Dans un détour


Qu’ai-je entendu ?
Ah ! téméraire, qu’oses-tu ?
Tout serait perdu.
Songe à cacher tes transports.
Sors !
colin
Dans l’état où je suis,
Je n’écoute plus rien.
tonton
Je frémis.
colin
Je me livre aux fureurs
D’un rival odieux.
tonton
Je me meurs.
On entend le tambour.
colin
Viens Brettifer,
Et dans ce cœur qui lui fut cher,
Viens plonger ton fer.
Le tambour bat.
tonton
Le bruit redouble, c’est lui,
Fuis !
colin

Air : Ma Fanchon ne pleurez pas


J’obéirais si je voi
Finir ta rigueur extrême.
tonton
Hé bien ! mon cher, éloigne-toi.
Je crains, c’est prouver que je t’aime ;
Que cela soit dit en deux mots ;
Apprends à sortir à propos.
Le tambour bat.

Scène xii

Brettifer, Tonton, un tambour

brettifer

Air : Tambour de l’amour


Partout en ce jour,
Au son du Tambour,
Qu’on annonce l’amour
Que Tonton m’inspire.
Le Tambour bat.
À Tonton.
Souffrez qu’en ce jour,
Au son du tambour,
Un seigneur plein d’amour
Près de vous soupire.
Tout, dans nos cantons,
Brûle pour vos traits mignons :
Ah ! combien ces yeux fripons
Font de vacarmes !
Trop d’éclat vous suit,
Et l’amour qui me conduit,
Doit, pour répondre à vos charmes,
Faire autant de bruit.
Le Tambour bat.
tonton

Air : En badinant, en folâtrant


Oh ! vos ardeurs sont trop bruyantes.
Brettifer fait retirer le tambour.
brettifer
C’est pour honorer vos appâts.
Sous mille formes différentes
Aux belles j’ai tendu mes lacs :
Ces métamorphoses galantes
Étaient l’effet
D’un amour secret :
En financier,
En officier,
En conseiller,
En bourgeois, en valet,
Ah ! que j’ai fait de conquêtes brillantes,
Et surtout en petit collet.

Air : Monsieur le prévôt des marchands

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Informations sur cet air

Aujourd’hui, c’est comme seigneur
Que je déclare mon ardeur.
tonton
Les seigneurs n’ont qu’un goût frivole,
Leur cœur est d’abord prévenu ;
Mais leur amour tient-il parole ?
Il s’en va comme il est venu.
brettifer

Air : Il est un Sophie


Il est vrai que mon cœur
Volait de belle en belle.
Je me faisais honneur
De leur être infidèle.
Pour passer le temps,
J’en avais cinq cents,
Bon ! mille et plus encore.
Tonton, des plus charmants objets
Vous rassemblez tous les attraits,
Et sans partage pour jamais,
Tenez, je vous adore,
Tenez, je vous adore.
airvide
Un cœur tendre
Doit se rendre
À l’amour plus d’une fois ;
C’est s’instruire
Pour élire
L’objet digne de son choix.
Un volage
Qui s’engage,
Satisfait la vanité :
Son hommage
Est le gage
Le plus cher à la beauté.
tonton
\vaudeville[de \vaudeville[de \emph Momus fabuliste]]
Un papillon vole de rose en rose,
Et rend hommage à toutes à la fois.
De lassitude, enfin, il se repose
Sur quelque fleur ; est-ce là faire un choix ?
Coquets fixés, ma fable est-elle obscure ?
Lure, lure, lure.
Votre cœur vous l’expliquera,
Lera, lera, lera.
brettifer

Air : T’a-t’il levé la gorgerette


Prenez un peu plus d’assurance
Aux discours d’un fidèle amant.
Pour vous prouver clairement
Quelle doit être ma constance,
Vous allez dans le moment,
Avoir un divertissement.
tonton, sur le ton du dernier vers
La belle preuve, assurément !
brettifer, à la cantonade

Air : Entre l’amour et la raison

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Informations sur cet air

Rassemblez-vous tous à ma voix,
Et venez célébrer mon choix.
À Tonton.
Tout le long de ces avenues,
J’ai fait cacher mes gens là-bas.
On ne me reprochera pas
Que ma fête tombe des nues.

Scène xiii

Brettifer, Tonton, La Couture

Entrée de meuniers et meunières, gardes-chasse, bergers et bergères, bûcherons et bûcheronnes.
brettifer

Air : Non, non, il n’est point de si joli nom

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Informations sur cet air

Dans vos chants joignez sans cesse
Le nom de Tonton au mien ;
Car sans cette gentillesse
De moi vous n’obtiendrez rien.
Chantez donc
Qu’il n’est point de si joli nom,
Que le nom de ma maîtresse :
Non, non,
Il n’est point de si joli nom,
Que le nom de ma Tonton.
Le cor de chasse joue le commencement de l’air suivant.
brettifer

Air : Ah ! que la forêt de Cythère

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Informations sur cet air

Que le cor au loin dans la plaine
Porte le son
D’un si beau nom.
Avec le chœur et le cor.
Tontaine, tontaine, tonton.
Seul.
Chantons, chantons à perdre haleine,
Et Brettifer et sa Tonton.
Avec le chœur et le cor.
Tontaine, tontaine, Tonton,
Tonton, Tonton, tontaine, Tonton.
On danse.
La Couture, à Tonton

Air : Achevons notre cruchon


Rendez Brettifer content,
Avec le chœur.
En plein, plan, rantamplan, tirelire, en plan.
Seul.
Ce seigneur riche et galant,
Pour vos beaux yeux soupire.
Avec le chœur.
Pour vos beaux yeux soupire,
Rantamplan, tirelire.
Seul.
De lui tout ici dépend.
Avec le chœur.
En plein, plan, rantamplan, tirelire, en plan.
Seul.
De lui tout ici dépend,
Et lui, de votre empire.
Avec le chœur.
Et lui, de votre empire,
Rantamplan tirelire.
Seul.
La fortune vous attend,
Avec le chœur.
En plein, plan, rantamplan, tirelire, en plan.
Seul.
La fortune vous attend,
Laissez-vous y conduire.
Avec le chœur.
Laissez-vous y conduire,
Rantamplan tirelire.
En cet endroit, on joue la tempête de l’Opéra et la fête est interrompue par l’arrivée de La Dune.

Scène xiv

Les acteurs précédents, La Dune

La Dune, paraissant armé d’un croc dans un bateau sur la rivière, accompagné de deux bateliers

Air : C’est qu’ça n’vous va brin


Tout beau, tout beau, Monsieur mon frère ;
Je viens ici troubler le bal.
Êtes-vous assez téméraire
Pour vous déclarer mon rival ?
Cajôler ainsi ma maîtresse,
C’est n’avoir point de politesse ;
J’suis bien aise d’vous l’dire enfin,
C’est qu’ça n’vous va brin,
Ça n’vous va brin.
brettifer

Air : Paris est en grand deuil

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Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

Modérez-vous, cadet,
Tonton est mieux mon fait ;
Je ris de votre audace.
J’emmène mon ballet,
Je laisse mon valet
Vous parler à ma place.
Brettifer sort avec les danseurs et danseuses.

Scène xv

La Dune, La Couture

Air : Ah ! que le faubourg Saint-Jacques


Me prend-t’il pour un Jocrisse ?
Nous allons avoir un beau train.
Tonton me rend trop de justice
Pour choisir cet aigrefin.
Brettifer en vain se flatte,
Trop tard il s’est déclaré.
La Couture
L’amant le dernier en date
Est souvent le préféré.
La Dune

Air : Les Trembleurs

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Informations sur cet air

Si son humeur est altière,
La mienne n’est pas moins fière,
J’ai pouvoir sur la rivière,
Je puis lui jouer d’un tour.
Si je perce une barrière
Qui retient l’eau prisonnière,
Toute sa gentilhommière
Sera noyée en un jour.
La Couture

Air : Comment faire

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Informations sur cet air

Combien de gens en pâtiraient !
Que d’innocents y périraient !
La Dune
D’accord, mais je suis en colère.
La Couture
À l’amiable accordez-vous :
Il est quelque moyen plus doux.
La Dune
Comment faire ?
La Couture

Air : L’autre jour dans une chapelle


Ici près, dans une carrière,
Habite un[e] vieille sorcière.
En lui présentant votre main,
Vous apprendrez votre destin.
La Dune

Air : Robin turelure, lure

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Informations sur cet air

Vos conseils sont forts prudents,
Suivons-les, Mons La Couture ;
Je vais sans perdre de temps,
Turelure,
Savoir ma bonne aventure,
Robin turelure, lure.
Il sort avec La Couture.

Scène xvi

Arlequin Bohémienne, aveugles des Quinze-Vingt, en robe

La Bohémienne

Air : Un sot qui veut faire l’habile

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Si ma science ne me trompe,
On doit bientôt ici me consulter.
On en impose par la pompe ;
Avec grandeur je vais représenter.
J’ai fait venir ces figures sinistres,
Pour être les ministres
De l’aveugle sort.
Leur chorus, s’il est d’accord
Préviendra d’abord.
On joue le commencement de l’air Ô Destin.
La Bohémienne
airopera
Ô Destin ! quelle prudence
Peut s’opposer à tes rats ?

Air : Tout roule aujourd’hui dans le monde


Sans mérite, un faquin s’avance,
Tu fais un docteur d’un Midas :
Tu mets Jasmin dans l’opulence,
Par des ressorts qu’on ne sait pas.
Tels brilleraient à l’audience,
Que tu fais marcher aux combats ;
Et tels semblent nés pour la danse,
Qui portent de graves rabats.
Avec le chœur.
Ô Destin ! quelle prudence
Peut s’opposer à tes rats ?

Scène xvii

Colin, La Bohémienne, aveugles

colin, à la Bohémienne

Air : Allons voir à Saint-Cloud


Le maître des bateliers,
Ce fameux monsieur la Dune,
Va venir ici des premiers,
Pour savoir sa bonne fortune.
Vous me rendrez l’esprit content,
Si vous voulez en attendant,
Madame la bohémienne,
M’apprendre aussi la mienne.
La Bohémienne

Air : Vous serez, belle princesse


Boute, boute, boute, boute,
Boute l’argent dans la main.
colin
Faut-il vous payer ?
La Bohémienne
Sans doute.
colin
Colin vous paiera demain.
La Bohémienne
Ô là, l’raguioux, ô la, la, la, l’raguioux,
J’entre en courroux ;
Faquin, retirez-vous.
Avec le chœur.

Fin de l’air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]

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Informations sur cet air

On ne répond ici qu’aux gens pécunieux.
Sortez, sortez, sortez promptement de ces lieux.
colin

Air : N’avez-vous pas vu passer Marguerite, ma Mie


Je n’en veux point sortir,bis
Il faut que j’y soupire.
Ô lire, ô lire,
Mon douloureux martyre,
À loisir.
La Bohémienne

Même air


Tu veux donc rester là !bis
Eh bien, je me retire,
Ô lire, ô lire,
Pour te laisser tout dire,
On s’en va.
La bohémienne est prête à se retirer avec ses aveugles. La Dune qui entre, l’en empêche.

Scène xviii

Les acteurs précédents, La Dune

La Dune, arrêtant la Bohémienne

Air : Quand je suis dans mon corps de garde

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Informations sur cet air

Pourquoi quitter ainsi la scène ?
Colin doit plutôt s’en aller.
À Colin.
L’ami, ta présence me gêne ;
Je veux sans témoin lui parler.
Colin sort.

Scène xix

La Dune, la bohémienne, aveugles

La Bohémienne

Air : Belle digue don, digue don, dondaine

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Informations sur cet air

Quel sujet ici vous amène ?
Digue, digue don, digue don, dondaine.
La Dune
Mon frère et moi, nous brûlons pour Tonton ;
Ma belle diguedi, ma belle diguedon.
Qui des deux y perdra sa peine ?
La bohémienne faisant signe qu’on lui donne de l’argent.
Digue, digue don, digue don, dondaine.
La Dune, lui donnant une bourse

Air : Le Gourdain


Pour nous épargner du train,
Interrogez le destin :
À ses ordres je vous jures,
Nous nous rendrons sans murmure.
La Bohémienne
Lure, lure, lure, lure, lure ;
Je vais conjurer mon lutin.
Guére lin guin, guère lin guin guin,
Guère lin guin, guin, guin, guin.

Air : Je viens exprès de Congo

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Informations sur cet air

De par monsieur Belzébuth,
Paix, psit, mot, chut,
Ré, si, ut,
Ne troublez pas mon début :
L’enthousiasme augmente.
Que tout reste ici presto, ô, ô, ô, ô,
Ressente
Le même vertigo, ô, ô, ô, ô,
Ressente,
Le même vertigo.

Air : À Paris y a trois filles


Rendons l’Oracle en cadence :
Quinze-Vingt, entrez en danse.
Dansez, dansez donc, doubles traîtres ;
Puisqu’enfin
Tout doit danser, jusqu’aux Prêtres
Du Destin.
Danse des aveugles.
La Bohémienne

Air : Du haut en bas

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Informations sur cet air

Je vais parler :
Que chacun tremble ici d’avance,
Je vais parler :
Le destin va se dévoiler ;
Son livre s’ouvre en ma présence ;
Observez un profond silence :
Je vais parler.

Air : Sont les garçons du port au Bled

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Informations sur cet air

Si quelqu’un épouse Tonton,bis
Il en verra naître un poupon,bis
Bien plus gros, seigneur, que son père ;
Le reste est un profond mystère.
La bohémienne se retire avec les aveugles.

Scène xx

La Dune

Air : Ah ! Nicolas, sois-moi fidèle

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Informations sur cet air

Pourquoi me cache-t’on le reste ?
Cela me donne du soupçon.
Il faut bien mieux rester garçon,
Que d’encourir un sort funeste.
Quand une femme a tant d’appâts,
Nage toujours, ne t’y fi’ pas.
Il sort.

Scène xi

Brettifer, Marine

Le théâtre représente une campagne.
brettifer

Air : Premier air


Quelle perfidie !
Ma flamme est trahie !
Est-ce donc mon frère
Qui sait plaire
À Tonton ?
marine
Non.
Un simple berger
Sait l’engager
Par sa flamme sincère :
C’est le beau Colin,
Qui de son cœur a trouvé le chemin.
brettifer
Hein ?
marine

Air : Deuxième air


Dans l’ardeur qui les presse,
Pour eux les plus longs détours
Paraissent courts.
Ils se cherchent sans cesse,
Et se rencontrent toujours.
Pour les rendre heureux,
Le fripon d’Amour sert leurs feux,
Et par des routes secrètes,
Il sait les guider tous deux,
Et dans toutes les cachettes,
Il est toujours avec eux.
brettifer

Air : Depuis que j’ai vu Nanette

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Informations sur cet air

Un berger a l’insolence
De traverser mon ardeur !
Laisse-moi !
Marine sort
Tonton s’avance ;
J’en crois son air de candeur.
Quand je vois cette brunette,
Je sens mon feu redoubler.
Elle a l’air d’une fillette,
Qui ne sait pas l’eau troubler.

Scène xii

Brettifer, Tonton

brettifer

Air : Ma belle, ma toute belle


Plus belle que l’aurore,
Tu sais tous mes désirs ;
Pour t’embellir encore,
Réponds à mes soupirs.
tonton

Air : Ah ! qu’il y va, ma bergère, ah ! qu’il y va gaiement


Monsieur La Dune en dit autant,
Il serait mécontent.
Son vaste pouvoir s’étend,
Tout du long de la rivière,
Tonton, comme batelière,
De lui seul dépend.
brettifer

Air : Ah ! Vous ne m’aimez pas


Quoi ! votre cœur hésite
À combler mon ardeur !
Quand l’amour vous invite
Au plus parfait bonheur,
Par une vaine excuse,
Vous me trompez, hélas !
Qui balance, refuse ;
Ah ! vous ne m’aimez pas.
Un valet de La Dune apporte un billet.
tonton

Air : Amis, sans regretter Paris

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Informations sur cet air

On vient vous donner un billet.
brettifer
De la part de La Dune !
Rompons-en vite le cachet.
Il lit le billet.
Quelle bonne fortune !

Scène xiii

Tonton, Brettifer

brettifer

Air : Un inconnu

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Informations sur cet air

L’obstacle cesse et je n’ai plus d’alarmes ;
Mon frère enfin renonce à vos attraits.
Lorsque des charmes
Si doux, si vrais,
Sont effacés de son cœur pour jamais,
C’est pour jamais que je vous rends les armes.

Air : J’ai des vapeurs, je me meurs


Mais quoi, Tonton est inquiète,
Distraite !
Dieux ! quel mépris !
Vous me laissez, sans me répondre,
Morfondre.
J’en suis surpris.
Quelqu’autre amant vous intéresse ;
Je vois...
tonton, troublée
Non, Monsieur.
brettifer
Mais, mon cœur,
D’où vous vient donc tant de tristesse ?
tonton
J’ai des vapeurs,
Je me meurs.
brettifer

Air : J’étais seule en un bocage


Vous aimez, je le décide ;
Votre cœur est oppressé :
Vous avez la voix timide,
Le regard embarrassé.
Ce mouchoir tremble et s’agite.
Petite,
Vous rougissez !
Jeune objet qui, sans rien dire,
Soupire,
En dit assez.

Air : Nous avons pour nous satisfaire


On m’a fait un rapport sincère.
tonton
Quoi ?
brettifer
Colin et vous de concert.
tonton
Non... Colin...
brettifer
Ton trouble m’éclaire,
C’en est trop.
tonton
Tout est découvert.
brettifer

Air : Les pierrots


Un mortel du rang le plus bas,
À mon amour ose ainsi faire outrage !
tonton
Plus d’un seigneur est dans le cas,
Et n’en fait pas plus de tracas.
brettifer
Au mépris de mon tendre hommage,
Ce beau berger sur moi l’emportera !
Non, non, morbleu, mon cœur se vengera,
Ah ! ah ! nous allons voir ça.
Il sort.

Scène xxiv

Tonton, Colin

tonton

Air : Monsieur l’abbé, où allez-vous

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Informations sur cet air

Mon cher Colin, tout est perdu ;
Hélas ! notre amour est connu.
Brettifer... je frissonne...
colin, froidement
Eh ! bien ?
tonton
Menace ta personne.
Quoi ! tu ne crains rien ?

Air : L’occasion fait le larron


Cette assurance est-elle naturelle ?
colin
Mon fier rival me cause peu d’effroi.
Pour vous punir, il vous trouve trop belle :
Vous vivrez, et c’est tout pour moi.
tonton

Air : Le confiteor


Ce discours est fort obligeant.
colin
Ah ! que n’êtes-vous immortelle !
Le tour serait bien plus galant.
tonton
Que tu peins bien l’amour fidèle !
Mais, quoique rien ne soit mieux dit,
Colin, ton cœur a trop d’esprit.

Scène xxv

Tonton, Colin, gardes-chasse servant d’archers

Un garde

Air : Dérouillons, dérouillons, ma commère

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Informations sur cet air

En prison, en prison au plus vite,
En prison, en prison, en prison.
tonton
Arrêtez donc...
colin
Permettez donc
Que je chante, avant que je la quitte,
Un madrigal.
Les gardes
Non, non, en prison.
colin, en sortant

Air : Adieu donc mes amours


Adieu, ma chère amie.
tonton
Au secours, au secours.
Dieux ! quelle barbarie !
Colin, mes amours,
Ah ! je te perds pour toujours.
Tonton suit Colin.

Scène xxvi

La Couture, Brettifer

brettifer

Air : Folies d’Espagne

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Informations sur cet air

Quoi ! la sorcière a fait cette réponse ?
La Couture
N’en doutez point.
brettifer
Quel oracle fatal !
La Couture
À ses amours votre frère renonce ;
Il craint l’hymen.
brettifer
Il ne fait pas si mal.
airvide
Un fils plus gros seigneur que moi
Quelque jour me ferait la loi.
La Couture
Seigneur, vous pensez à merveille.
brettifer
Monsieur mon père était trop bon :
Je l’ai chassé de sa maison ;
Mon fils me rendrait la pareille.
La Couture

Air : Baise-moi donc, me dirait Blaise

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Informations sur cet air

Tonton vous cherche toute en larmes.
brettifer
Hélas ! hélas ! mon cher, malgré ses charmes,
La crainte étouffe mon ardeur :
Mais prenons un air de victoire ;
Timides effets de ma peur,
Tournez au profit de ma gloire.

Air : Simone, ma Simone


Ne bravons point le Destin ;
Va chercher Colin.
La Couture sort
Cependant, mon feu méprisé
Rallume encor ma rage.
Hélas ! qu’il est mal aisé
D’être amoureux et sage !

Scène xvii

Tonton, Marine, Brettifer

tonton

Air : Je viens devant vous


Je viens devant vous,
À deux genoux.
brettifer
Eh bien, ma chère ?
tonton
Ah ! par charité,
Mettez Colin en liberté.
marine
Ah ! de mon côté je viens vous faire
La même prière :
Je me sens saisir
D’un repentir
Vif et sincère ;
J’ai trahi les feux
De ces amants trop malheureux.
brettifer

Air : Accorde ta musette


Ce beau berger si tendre,
Par mon ordre paraît.
À Tonton.
Et vous allez entendre
Tous les deux votre arrêt.

Scène xviii

Marine, Colin, La Couture, Tonton, Brettifer

brettifer

Air : Votre toutou vous flatte

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Informations sur cet air

Pour lui l’amour éclate
Malgré vous dans vos yeux ;
En moi rien ne vous flatte,
Je vous suis odieux.
Ingrate,
Je ne puis mieux
Venger mes feux,
Qu’en vous rendant époux tous deux.
colin, tonton, marine, la couture, ensemble

Air : Eh ! allons gai, Monsieur le Procureur


Honneur, honneur,
À ce brave seigneur,
Qui de l’amour est vainqueur.
brettifer, à Colin

Air : Nous autres bons villageois

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Informations sur cet air

Mon ami, je ne veux point
Traverser ta bonne fortune ;
Pour te prouver en tout point,
Que mon cœur n’a plus de rancune,
Chez toi j’agirai sans façon,
Comme l’ami de la maison.
colin
Je vous retiens dès à présent,
Pour parrain du premier enfant.
la couture, colin, marine, tonton, ensemble

Air : Eh ! allons gai, Monsieur le Procureur


Honneur, honneur,
À ce brave seigneur,
Qui de l’amour est vainqueur.
divertissement, général, Noce de Colin et Tonton
On présente un bouquet à la mariée. On distribue des rubans à tous les garçons et à toutes les filles du village ; et chacun vient faire son présent aux nouveaux époux ; ces dons consistent en différents ustensiles de ménage.
vaudeville
1
brettifer
Tonton, Colin, heureux époux,
Que votre bonheur nous flatte !
Pour célébrer un nœud si doux,
En ces lieux la joie éclate :
Chacun, son présent à la main,
Va vous faire la révérence ;
N’ayez souci du lendemain
Car j’aurai soin de la dépense.
Et voilà comment
Il faut faire un compliment.
2
Cléon, déjà sur le retour,
Brûlait pour une coquette ;
En vain il peignait son amour,
Et prodiguait la fleurette.
Son hommage était des plus fous,
Tant qu’il ne parla que tendresse.
Il offre contrats et bijoux ;
Pour lui d’abord on s’intéresse :
Et voilà comment
Il faut faire un compliment.
3
tonton
Par vos propos, amants de cour,
Croyez-vous charmer une âme ?
Ce n’est point par un joli tour
Qu’il faut prouver votre flamme.
Quand l’esprit est si babillard,
Le cœur n’a pas grand’chose à dire.
Hélas ! il suffit d’un regard,
Où le sentiment se fait lire.
Oui, voilà comment
Il faut faire un compliment.
4
colin
Te souviens-tu que dans nos bois
D’un loup je domptais la rage ?
Tous nos bergers, à haute voix,
Célébrèrent mon courage.
Si ta bouche ne put s’ouvrir,
Ton cœur avait eu trop d’alarmes ;
Mais je vis briller le plaisir
Dans tes yeux encor pleins de larmes.
Ah ! voilà comment
Il faut faire un compliment.
5
Quand Lise chante sous l’ormeau,
On s’empresse pour l’entendre ;
C’est toujours éloge nouveau
Sur sa voix légère et tendre.
Charmé du plaisir qu’elle fait,
Avec transport chacun l’admire :
Lucas est le seul qui se tait :
Mais il la regarde, il soupire.
Et voilà comment
Il faut faire un compliment.
6
nanette
Chaque berger, d’un air coquet,
S’en vient, le jour de ma fête,
M’engager à prendre un bouquet
Par un compliment honnête ;
C’est à qui louera mes attraits
Avec plus d’esprit et d’aisance.
Blaise ne sait rien dire... mais...
Mais il fait parler son silence.
Et voilà comment,
Il faut faire un compliment.
Fin

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