Arlequin Bellérophon

Auteurs : Biancolelli (Pierre-François) dit Dominique
Romagnesi (Jean-Antoine)
Parodie de : Bellérophon de T. Corneille/Fontenelle et Lully
Date: 7 mai 1728
Représentation : 7 mai 1728 Comédie-Italienne - Hôtel de Bourgogne
Source : Les Parodies du Nouveau Théâtre-Italien, t. IV, Paris, Briasson, 1738
Pierre-François Biancolelli, Jean-Antoine Romagnesi

Arlequin Bellérophon


Parodie
Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le 7 mai 1728
Les Parodies du nouveau Théâtre-Italien, Briasson, 1738

Acteurs


Stenobée
Philonoé
Le Roi
Bellérophon
Amisodar
Le sacrificateur
Des ministres
La pythie
Apollon
Un poète
Sorciers
Chœur de peuples
Deux amazones

Arlequin Bellérophon


Scène i

philonoé, deux amazones

Le théâtre représente un jardin.
philonoé

Air : Le plaisir passe la peine

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Informations sur cet air

Amour, lorsque sous ton empire,
Sans espérance un cœur soupire,
La peine passe le plaisir.
Mais malgré le poids de ta chaîne
Lorsque l’hymen peut l’adoucir
Le plaisir passe la peine.
deuxième amazone

Palsambleu ! la Princesse a raison, elle parle en connaisseuse.


première amazone

Air : Digue diguedon

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Informations sur cet air

Un heureux penchant vous entraîne,
Bellérophon est tout charmant.
philonoé
Il dit qu’il m’aime tendrement.
première amazone
Parbleu ! vous valez bien la peine,
Diguedi guedon, diguedon dondaine,
Que l’on vous le dise souvent.
philonoé

Nous avons été bien traversés, mais grâce au ciel, nous touchons au moment d’être heureux.


première amazone

Air : Quand je tiens de ce jus d’Octobre

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Informations sur cet air

Il faut que d’amoureuses chaînes
Coutent toujours quelques soupirs.
Quand les amants n’ont point de peine,
Ils n’ont jamais de vrais plaisirs.
philonoé

L’aimable petit homme que Bellérophon ! n’ai-je pas raison, Mesdames les amazones ? Il est si brave.


première amazone

Têtebleu ! c’est un grivois des plus déterminés : quel abatteur de quilles !


deuxième amazone

J’ai bien vu des hommes en ma vie, mais jamais un comme lui.


première amazone

Il faut assurément qu’il ait une rude force, puisqu’il nous a vaincues. Jugez ce que doit être une femme armée de pied-en-cap, lorsqu’elle est si redoutable en pet-en-l’air.


philonoé

Je crois, Mesdames, qu’il serait à propos que vous chantassiez sa gloire.


première amazone

Cela serait nouveau, des captifs chanter la gloire de leur vainqueur.


deuxième amazone

Fi donc, cela ne serait pas à sa place.


philonoé

Pardonnez-moi, il faut bien que des femmes s’amusent.


première amazone

Allons donc, chantons ses exploits pour la rareté du fait.


Air : Menuet de Grandval


Sa brûlante ardeur pour la gloire
En lui ne peut se modérer.
deuxième amazone
Avec ce gaillard la victoire
N’a pas le temps de respirer.

Voilà ce qui s’appelle une gasconnade lyrique.


Scène ii

bellérophon, philonoé

bellérophon

Ah ! vous voilà, Princesse, que je suis content !


Air : Zon, zon

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Informations sur cet air

Au gré de mon désir
On couronne ma flamme,
Sentez-vous le plaisir
Qui chatouille mon âme ?
Et zon, zon, zon,
Le sentez-vous, Madame ?
Et zon, zon, zon.
philonoé
Oh ! je vous en réponds.

Air : Pour la Baronne

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Informations sur cet air

Comme vos peines
Causaient autrefois mes soupirs,
Liés tous deux des mêmes chaînes,
Je dois partager vos plaisirs
Comme vos peines.
bellérophon

Air : Tu croyais en aimant Colette

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Informations sur cet air

Ah ! qu’un si doux aveu me touche !
Qu’il rend mon destin glorieux !
philonoé
S’il ne me sortait de la bouche,
Il m’échapperait par les yeux.
tous deux, ensemble

Air : Il faut que je file, file

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Informations sur cet air

Qu’ici notre amour extrême
Chante comme à l’Opéra.
Nous pouvons agir de même
Qu’on agit en ce lieu-là.
Et nous dire sans emblème
Je vous aime, et cætera,
Je vous aime, je vous aime,
Le beau duo que voilà !
philonoé

Adieu mon petit bonhomme, aimez-moi toujours, et vous ne vous en repentirez pas.


bellérophon

Où allez-vous donc, ma poulette ? Quoi ! vous m’abandonnez dans le moment le plus tendre ? Cela n’est pas bien, vous trichez.


philonoé

Mon devoir m’appelle auprès de mon père. Voici la Reine qui vient, je vous laisse avec elle.


bellérophon

Que diable vient-elle faire ici ? Je m’en vais lui dire que je n’y suis pas.


Scène iii

stenobée, bellérophon

stenobée

Air : Le fameux Diogène

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Informations sur cet air

Quand cesseras-tu ta haine ?
Ma préférence te gène,
Et je m’en aperçois.
bellérophon
Quel aspect effroyable !
Oui, je crois voir le diable
Lorsque je vous revois.

Je suis sincère, comme vous voyez. Que me demandez-vous ? Vous m’avez fait bannir d’Argos, et vous venez me relancer jusqu’en ces lieux. De grâce, laissez-moi en repos.


stenobée

Air : La ceinture

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Informations sur cet air

Je sais les maux que je t’ai faits,
Mais malgré ma rigueur extrême,
Ne me dis plus que je te hais,
Ou reproche-moi que je t’aime.
bellérophon

Que veut dire ce jeu de mots-là ? Le diable m’emporte si j’y entends rien.


Air : Laire la, laire lan laire

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Informations sur cet air

Par la rage et par les fureurs
L’amour prouve-t-il ses ardeurs ?
Est-ce ainsique l’on doit le faire ?
Laire la,
Laire lan laire,
Laire la,
Laire lan la.
stenobée

Je t’avouerai, mon cher Bellérophon, qu’une extrême pudeur m’empêcha d’écouter ma tendresse.


bellérophon

Têtebleu, le temps vous a bien aguerrie ! Vous avez secoué le joug des préjugés, à ce que je vois ! Allons, allons, songez qu’il ne convient pas à une Dame de faire les avances, adieu.


stenobée

Quoi, tu me quittes !


bellérophon

Oh ! si vous ne me laissez, j’appellerai du monde à mon secours.


stenobée

Arrête, cruel.


bellérophon, en s’en allant

Air :


Vous y perdez vos pas, Nicolas.

Scène iv

stenobée seule

stenobée

Air : Je ne suis né ni roi, ni prince

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Informations sur cet air

Tu me quittes, barbare ! arrête !
Mais, par ma foi, je suis bien bête
D’aimer un traître qui me fuit.
Telle est notre ardeur imprudente,
L’amour trop heureux s’affaiblit,
Et l’amour malheureux s’augmente.

Mais voici Amisodar qui vient fort à propos.


Scène v

amisodar, stenobée

stenobée

Air : Jeanneton m’aimez-vous

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Informations sur cet air

Amisodar, m’aimez-vous ?
amisodar
Voyez quel conte.
stenobée
Servirez-vous mon courroux ?
amisodar
ma main est prompte.
stenobée
Je puis donc compter sur vous ?
amisodar
Quel chien de conte.

Air : Vous avez en moi ce qui s’appelle

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Informations sur cet air

Ah ! du moins, ne doutez pas, cruelle,
De mes feux et de votre pouvoir,
Vous avez en moi ce qui s’appelle
Un amant qui vous aime, il faut voir.
stenobée

Air : Robin turelure

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Informations sur cet air

L’insolent Bellérophon,
M’a fait un horrible injure,
Loin de m’en faire raison
Turelure,
Le Roi la sait et l’endure,
Robin turelure.

Air : Réjouissez-vous bons français

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Informations sur cet air

Lui-même au lieu de le punir,
Avec sa fille il va l’unir.
Troublons l’hymen qui se prépare
Par une vengeance barbare.
amisodar

J’y consens.


Air : Les Trembleurs

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Informations sur cet air

Mon pouvoir que rien n’égale
Peut de la nuit infernale
Évoquer la mort fatale,
Et la répandre en ces lieux.
Je puis, armé du tonnerre,
Aux mortels livrer la guerre,
Et désoler cette terre
Par un monstre furieux.
stenobée

Non, non, point de tonnerre, le monstre me divertira davantage.


amisodar

Que dites-vous, Madame ?


Air : C’est le bout du bras

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Informations sur cet air

Pour vous ce spectacle est effrayant.
stenobée
N’importe, n’importe.
Que de la terre à l’instant
Le monstre sorte, le monstre sorte.
amisodar
Madame, éloignez-vous,
Je vais servir votre courroux.

Scène vi

amisodar

Que ce jardin se change en un sabbat affreux.


Le jardin disparaît, et l’on voit en sa place une caverne affreuse et un gros chat au milieu du théâtre.
amisodar

Air : Quel plaisir d’aimer sans contrainte

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Informations sur cet air

Accourez sorciers et sorcières,
Joignez à mon art vos noirs mystères,
Et surtout mettez de la partie
Les diables de Basse-Normandie

Scène vii

amisodar, les sorciers et les sorcières paraissent au son de la symphonie

sorciers et sorcières, ensemble
Parle, nous voilà prêts, tout nous sera possible.
amisodar

Allons mes enfants, il s’agit d’un coup de maître. Il faut faire sortir des enfers un monstre qui fasse ici le diable à quatre.


Les sorciers se jettent par terre pour l’évocation.
definitacteur, chœur de sorciers chœurdesorciers
chœurdesorciers

Air : Ramplan


Par ce commandement,
Ramplan,
Par ce commandement
Que le Ténare s’ouvre,
Ramplan, pataplan,
Ramplan, promptement,
Que l’enfer se découvre
Dans ce même moment,
Ramplan.
amisodar

Poursuivez mes amis, cela va à merveilles. Il faut avouer que voilà un beau spectacle !


Air : Je reviendrai demain au soir

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Informations sur cet air

Faites sentir votre pouvoir
Au ténébreux manoir.bis
Pressez, appelez à grand bruit,
Et la mort et la nuit.bis
Les sorciers se rejettent encore contre terre.
amisodar

Que les peuples de cette contrée éprouvent nos fureurs, quoiqu’ils ne nous aient rien fait.


chœurdesorciers

Air : Passant sur le Pont-Neuf

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Informations sur cet air

Noires filles du Styx, Hécate, Erèbe, Averne,
Nuit, Mort, chiens des enfers que la fureur gouverne,
Que l’on travaille
À désoler cette canaille,
Entendez nos clameurs, c’est pour vous que l’on braille.
amisodar

Air : Nanon dormait

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Informations sur cet air

Le charme est fait, remercions Hécate.
Ah ! les voilà !
Il sort des enfers un procureur, un médecin, et un maltôtier\definition Maltôtier Il se dit par abus de ceux qui recueillent toute sorte de nouvelles impositions Acad. 1762.
Qui sont ces monstres-là ?
Un procureur, un suivant d’Hippocrate,
Avec un maltôtier.
Messieurs, vous savez bien votre métier.

Voilà ce qui s’appelle trois monstres bien complets. Quel ravage cela va faire ! Messieurs, si vous dansiez pour vous réjouir d’avoir fait une si belle besogne... Mais non, il me vient une meilleure pensée, attendez.


Air : Les feuillantines

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Informations sur cet air

Pour mettre Prince, et bourgeois
Aux abois,
N’en formons qu’un de ces trois.
Aux enfers faisons le pacte,
Cela vient à propos pour finir l’acte.

Air : Mon père je viens devant vous

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Informations sur cet air

Allons, ne perdons point de temps,
Aux enfers descendons ensemble,
Il faut des charmes plus puissants
Pour faire qu’un corps les rassemble.
un sorcier
Pour assouvir votre fureur,
C’était assez du procureur.
amisodar

Ah ! Vous faites tort au mérite de ces Messieurs, chacun vaut son prix. Mais ce sera bien autre chose quand ils seront réunis : Ah ! Vous faites tort au mérite de ces Messieurs, chacun vaut son prix. Mais ce sera bien autre chose quand ils seront réunis : \emph Virtus unita fortior Cette citation latine signifie : \og L’union fait la force\fg \JC..


Air : Je ne suis né ni roi, ni prince

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Informations sur cet air

Par ce redoutable assemblage
Je puis mieux signaler ma rage.
On voudra l’éviter en vain.
Si de leur essence subtile,
Je puis ne faire qu’un venin,
Tout antidote est inutile.
Ils abîment. Le monstre aussitôt sort des enfers et traverse le théâtre au son de la symphonie.

Scène viii

le Roy, stenobée

le roi

Air : Trois voleurs insolents

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Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

Un monstre bien méchant
S’en va tout dévorant
Dans les champs, dans la ville.
Et quoique je sois Roi,
Je crains aussi pour moi
Sa fureur incivile.
stenobée

Voilà ce que c’est que de donner asile à des coupables, ils nous attirent toujours quelque malheur. Mais après tout, Seigneur, vous devez vous rassurer.


le roi

Comment me rassurer lorsque cet animal furieux fait ici tant de ravage ?


stenobée

Air : Lanturlu

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Informations sur cet air

De ce monstre horrible
Que craignez-vous donc ?
Rien n’est impossible
`A Bellérophon.
Son bras invincible
L’aura bientôt abattu,
Lanturlu, lanturlu, lanturlu.
Elle sort.

Scène ix

bellérophon, le roi

bellérophon

Ah ! ah ! vous voilà beau-père, vous allez apparemment consulter l’oracle d’Apollon.


le roi

Air : Joconde

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Informations sur cet air

Vous savez que de mes états
C’est le dieu tutélaire,
Et lui seul dans cet embarras
Peut me tirer d’affaire.
bellérophon
Et que peut sa protection ?
Insensé que vous êtes,
Ne savez-vous pas qu’Apollon
Est le dieu des poètes ?

Ma foi, il ne peut pas vous rendre de grands services. Mais, laissez-moi faire, je vais combattre le monstre, moi.


le roi

Que dites-vous là ? Vous n’y pensez pas.


bellérophon

Pardonnez-moi.


Air : La Serrure

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Informations sur cet air

Lorsqu’à sa fureur meurtrière
Tous vos sujets sont exposés,
À votre avis, mon cher beau-père,
Resterai-je les bras croisés ?
le roi

Savez-vous bien, Seigneur Bellérophon, que ce monstre-la en vaut trois pour le moins ?


bellérophon

Malepeste ! Trois contre un, la partie n’est point égale. De quoi s’avise cet animal d’être triple ? Mais n’importe, je veux en effrayer.


Air : Réjouissez-vous bons français

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Informations sur cet air

Ma foi ce serait un beau coup,
Si j’en pouvais venir à bout.
On écrirait mon aventure
Dans la Gazette et le Mercure.

Scène x

philonoé, les susdits

philonoé

Air : Or écoutez petits et grands

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Informations sur cet air

Je viens partager vos douleurs,
À vos larmes joindre mes pleurs.
le roi
Contre le monstre qui les cause,
Bellérophon court, et s’expose,
Y consens-tu, ma fille ?
philonoé
Hélas !
Vous même n’y consentez pas.

Air : Ma raison s’en va bon train

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Informations sur cet air

Tout prêt d’être mon époux,
Quoi, vous exposeriez-vous ?
Non, demeurez-là.
bellérophon
Il succombera,
Vous verrez sa défaite.
Ah ! sans ce chien de monstre-là,
L’affaire serait faite, lon la,
L’affaire serait faite.
le roi

Le temple s’ouvre, entrons.


Scène xi

le sacrificateur, les ministres dansants, deux prêtresses, le roi, les susdits

Le théâtre représente le temple d’Apollon.
definitacteur, chœur du peuple chœurdupeuple
chœurdupeuple

Air : Ah Madame Anroux

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Informations sur cet air

Ah ! grand Apollon
Délivre-nous donc
D’une affreuse bête,
Par ton divin nom,
De plus par la tête
Du serpent Python.
le sacrificateur, devant un petit autel où l’on allume le feu sacré

Air : Quand on a prononcé ce malheureux oui

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Informations sur cet air

Reçois, grand Apollon, reçois ce sacrifice,
Fais qu’à nos justes vœux le destin soit propice.

Où est l’animal ?


bellérophon

Le voilà.


On amène un bœuf, le sacrificateur verse du vin sur sa tête.
bellérophon

Comment donc, c’est du Bourgogne ! Monsieur le sacrificateur, ne versez pas tout s’il vous plaît, gardez-en pour moi.


le sacrificateur

Air : Au son de cet instrument

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Informations sur cet air

Puisse ce vin répandu
Faire cesser notre tristesse.
bellérophon, à part
Hélas ! si nous l’avions bu
Nous serions tous dans l’allégresse.
le sacrificateur
Mes enfants, allons,
Courons, volons,
Vite immolons
Le bœuf.
bellérophon
Puis nous le mangerons.
Un ministre apporte le cœur.
le sacrificateur

Cela va bien, mes enfants, ah ! le beau cœur.


bellérophon

Il sera bien meilleur sur le gril.


le sacrificateur

Peuples, réjouissez-vous, et dansez autour du feu.


bellérophon

Oui, oui, c’est bien dit, je vais mener le branle.


Il chante et danse en rond.

Air : Et lon lan la ma tourelourirette

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Informations sur cet air

La servante de chez nous
A fait faire une jaquette,
Et lon lan la ma tourelourirette
Trop courte par les genoux
Et lon lan la ma tourelouriroux.
le sacrificateur

Grand Apollon, nous n’attendons plus que votre réponse.


la pythie, paraît

Air : Pierre Bagnolet

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Informations sur cet air

Je n’étais pas fort nécessaire
Pour vous annoncer Apollon,
Mais dans une importante affaire
Il faut toujours du carillon,
Du carillon, du carillon.
Eh bien ! on va vous satisfaire,
Et tonner sur un joli ton.

Phœbus va parler, que le théâtre s’obscurcisse, et représente la nuit.


Le tonnerre gronde, le théâtre s’obscurcit.
bellérophon

Air : Quand la bergère vient des champs

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Informations sur cet air

Quoi ! nous faire voir dans un four
Le dieu du jour !
Ah le beau tour !
Nous ne souffrirons point cela.
Cette sottise
N’était permise
Qu’à l’Opéra\footnote Le théâtre en cet endroit s’obscurcit à l’Opéra, et le couplet de Bellérophon en est la critique..
apollon

Air : Flon, flon

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Informations sur cet air

Un des fils de Neptune
Apaisera, dit-on,
La céleste rancune.
Mais il lui faut Fanchon.
Flon, flon,
[Larira dondaine,]
[Flon, flon,]
[Larira dondon.]
le roi

Air : Zon, zon

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Informations sur cet air

Je suis tout confondu...
Comme vous j’en soupire,
Vous avez entendu...
Je ne lui fais pas dire.
Il s’en va.
bellérophon
Et bon, bon, bon,
Moi, je n’en fais que rire,
Et bon, bon, bon,
Quelle est cette Fanchon ?
philonoé

Hélas ! C’est moi, c’est le nom que je portais étant petite fille.


bellérophon

C’est bien le diable ! Morbleu, voilà un oracle qui me chiffonne malheur.


Air : Rossignolet du vert boccage

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Informations sur cet air

Quoi ! je vous perds ma Fanchonnette !
Fatal revers.
philonoé
Bellérophon, je le répète,
Quoi, je vous perds !
bellérophon

Voilà, je vous l’avoue, un fort vilain contretemps. Nous étions justement formés l’un pour l’autre, et nous aurions fait le plus joli couple du monde. Mais, ma mignonne, croyez-moi, malgré tout cela...


philonoé

Non, mon fils, n’y pensons plus.


bellérophon

Comment n’y pensons plus ? Cela vous est bien aisé à dire !


philonoé

Il le faut bien, puisque l’oracle s’oppose à notre hymen.


bellérophon

Qu’est-ce que cela fait ? C’est peut-être un bien pour nous que de ne nous pas marier, nous nous en aimerons plus longtemps.


Air : Car mon cœur n’est point partagé

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Informations sur cet air

Apollon a beau parler
Contre nos ardeurs mutuelles,
De quoi va-t-il se mêler
De séparer deux cœurs fidèles ?
tous deux, ensemble
Ma foi malgré le destin
Nous irons toujours notre train.bis

Scène xii

une petite fille avec sa mère

Les voix crient derrière le théâtre :

Gare le monstre, fuyons, fuyons.


la petite fille

Air : Voici les dragons [qui viennent]

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Informations sur cet air

Que le monstre est en colère !
Vite sauvons-nous.
Il a mangé ma grand-mère,
Il vous mangera, ma mère,
Et moi itou,
Et moi itou.
Le théâtre change et représente une campagne avec des rochers.

Scène xiii

bellérophon en fuyant

Ah ! nous sommes perdus ! le monstre s’avance, quelle fumée ! S’il me rencontre je suis gobé... mais cependant laisserai-je périr la Princesse ? Cela ne serait pas honnête... Allons, Bellérophon, Ah ! nous sommes perdus ! le monstre s’avance, quelle fumée ! S’il me rencontre je suis gobé... mais cependant laisserai-je périr la Princesse ? Cela ne serait pas honnête... Allons, Bellérophon, \emph animo, courage... courage ? c’est bien dit, mais tout franc, je n’en ai guère... Il faut pourtant faire comme si j’en avais, car c’est ici le plus intéressant de la pièce : après tout, sans ma petite Fanchon, que m’importe de vivre ?, courage... courage ? c’est bien dit, mais tout franc, je n’en ai guère... Il faut pourtant faire comme si j’en avais, car c’est ici le plus intéressant de la pièce : après tout, sans ma petite Fanchon, que m’importe de vivre ?


Air : Pierre Bagnolet

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Informations sur cet air

Ô mort, dans mon malheur extrême
Tu va bientôt me secourir,
Mais je m’en fais un bien suprême.
À ce monstre je vais m’offrir
Sûr de périr.bis
Quand on a perdu ce qu’on aime,
Il ne reste plus qu’à mourir.

Scène xiv

un poète, bellérophon

le poète

Qu’est-ce, Seigneur Bellérophon, vous me paraissez bien embarrassé ? Vous attendez sans doute Pallas pour vous tirer d’affaire ? Car il faut toujours que le merveilleux s’en mêle. Point du tout, c’est moi qui vais faire ce miracle-là.


bellérophon

Air : Margot sur la brune

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Informations sur cet air

Sachons qui vous êtes.
le poète
Le plus grand des poètes.
Les muses sont prêtes
À mon moindre signal
Les tragédies,
Les comédies,
Les parodies,
Tout m’est égal.
bellérophon

C’est à dire qu’il fait tout mal. Quoi ! C’est avec des tragédies que vous prétendez tuer la chimère ? Il est vrai qu’Athalie lui a donné une terrible entorse.


le poète

Air : Tiquetaque et lon lan la

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Informations sur cet air

Pour le vaincre, il faut, mon cher,
Combattre le monstre en l’air.
Sur Pégase en assurance,
Tique tique taque et lon lan la,
Vous aurez heureuse chance.
bellérophon
Mauvais moyen que cela.

Et s’il trébuche, où en serai-je ? car on lui a diablement gâté la bouche... mais à propos de Pégase, est-ce que vous en pouvez disposer ?


le poète

Air : La Ceinture

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Informations sur cet air

De moi seul il reçoit la loi,
Je le tiens dans mon écurie.
bellérophon
La pauvre bête, par ma foi,
Y doit être bien mal nourrie.
le poète

Venez, vous dis-je, suivez-moi et ne craignez rien. Montez hardiment ce superbe cheval.


bellérophon

Oui, mais je n’ai point de bottes. Présentez-moi donc des guêtres... en conscience puis-je me fier à vous ?


le poète

Belle demande ! Montez sur le Pégase, et soyez sûr de la victoire.


bellérophon

Air : Flon, flon

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Informations sur cet air

Hélas ! mon cher poète,
Quand je l’aurai monté,
Je crains qu’il ne me traite
Comme il vous a traité.
Et flon, flon
Larira dondaine,
Gai, gai,
Larira dondé.
Ils s’en vont.
chœurdupeuple

Air :


Quelle horreur ! quel ravage !
Le monstre redouble sa rage.
La chimère paraît au fond du théâtre. Bellérophon monté sur un âne ailé combat comiquement le monstre. Il paraît d’abord avec une scie, ensuite avec une broche, puis la troisième fois il le tue avec un fusil.
Deux personnes du peuple, ensemble

Air : M. La Palisse est mort

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Informations sur cet air

le monstre a finit son sort.
Ne craignons plus sa furie.
Ma fois s’il n’était pas mort,
Il serait encore en vie.

Scène xv

le roi, philonoé

le roi

Voilà bien des nouvelles, ma fille. Cet oracle qui t’a tant fait pleurer est enfin éclairci. Bellérophon est ce fils de Neptune qui t’était destiné. Ce dieu nous l’a dit lui-même.


philonoé

Mais, mon père, en vérité, je n’y comprends rien. Comment cela s’est-il donc fait ?


le roi

Je vais te l’expliquer.


Air : Joconde

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Informations sur cet air

D’une nymphe ce dieu craignit
La jalouse colère,
Et quand Bellérophon naquit,
Il cacha ce mystère.
La belle n’eut aucun soupçon
De cette manigance,
Et Glaucus lui prêta son nom
Comme on le fait en France.

Scène xvi

stenobée, les susdits

le roi

Mais voici Stenobée. Vous venez apparemment, Madame, partager la joie publique. Savez-vous bien que Bellérophon est fils de Neptune, et qu’il a tué le monstre ?


stenobée

Je ne le sais que trop.


le roi

Ah ! cela vous fâche, parce que vous n’êtes pas des amies de Bellérophon.


stenobée

Air : Trop d’amour enfin

Voir la partition
Informations sur cet air

Pour Bellérophon j’avais l’âme éprise
De la plus sensible ardeur.
Et toute femme que l’on méprise
Doit avoir recours à la fureur.

Air : Depuis que j’ai vu Nanette

Voir la partition
Informations sur cet air

Amisodar par ses charmes
Secondant mon désespoir,
A rempli ces lieux d’alarmes,
Comme vous l’avez pu voir.
Il crut se donnant au diable
Voir son feu récompensé
Mais le pauvre misérable
N’en est pas plus avancé.
le roi

Ah le coquin ! Gardes, qu’on le saisisse !


Air : Va t’en voir s’ils viennent

Voir la partition
Informations sur cet air

Que les archers promptement
Devant nous l’amènent.
stenobée
Puisqu’il s’est enfui, comment
Veux-tu qu’ils le prennent ?
va t’en voir s’ils viennent, Jean, etc.
le roi

Hé bien, scélérate, tu vas payer pour lui.


stenobée

Air : Charmante Gabrielle

Voir la partition
Informations sur cet air

je en crains point ta haine,
j’ai par précaution
Pour soulager ma peine
Su prendre du poison.
En ce moment je cède
À ses effets.
Oh ! l’excellent remède
Pour les forfaits.
philonoé

Air : N’y a pas d’mal à ça

Voir la partition
Informations sur cet air

Comme sa rage est forte !
Comme la voilà !
Seigneur, elle est morte.
le roi
Que nous fait cela ?
N’y a pas d’mal à ça.bis

Mais voici Bellérophon. Ces trompettes et ces timbales nous l’annoncent.


Scène xvii

bellérophon, les susdits

le roi

Ah ! Seigneur, que ne vous devons-nous pas !


bellérophon

Ouf ! Voilà un combat qui m’a bien donné de la peine. Vous savez sans doute que je suis fils de Neptune ? Il est inutile que Pallas vienne nous l’apprendre.


philonoé

Quel bonheur ! mon cher Bellérophon !


le roi

Air : Mariez, mariez, mariez-moi

Voir la partition
Informations sur cet air

Allons, donnez-vous la main,
Je couronne votre flamme.
bellérophon
Non, remettons à demain
Car j’ai mes raisons, Madame.
philonoé
Expliquez, expliquez-vous sans détour.
bellérophon
Vaincre un monstre et prendre femme,
Palsambleu mon petit cœur, mon amour,
Ce serait trop pour un jour.
Fin

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