Le Bon Frère

Auteurs : Nougaret (Pierre-Jean-Baptiste)
Parodie de : Castor et Pollux de Bernard et Rameau
Représentation : Inconnu
Source : Paris, Veuve Duchesne et Belin, 1779
Pierre Jean-Baptise Nougaret

Le Bon Frère


Parodie de Castor et Pollux, en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles


la Veuve Duchesne, Belin, 1779, Paris

Acteurs


Castor, garçon chapelier
Poilu, maître chapelier, frère de Castor
Tirelire, promise à Poilu
Bébé, harengère, et sœur de Tirelire
Lancette, invalide et muet, rival de Castor
Jupin, charlatan, père de Castor et de Poilu
Deux garçons chapeliers
Un voisin
Bouquetières
Troupe de harengères
Jurés-crieurs
Maîtres et garçons chapeliers
La scène est à Paris.

Le Bon Frère

Le théâtre représente une rue, on voit d’un côté la boutique d’un chapelier.

Scène i

Bébé, Lancette

bébé

Air :


À tout ce qu’il faut faire
Te voilà résolu ?
lancette
U, u, u.
bébé
Et si ma sœur t’est chère
Frappe comme un perdu.
lancette
U, u, u.
bébé
Cours illustrer ta mémoire,
Et du vin de chili.
lancette
I, i, i.
bébé
Tu vas boire.

M’entends-tu, chien de muet ?


lancette

Et, et, et.


bébé

Mais, dis-tu oui, figure de tapisserie ?


lancette

Ie, ie, ie.


bébé

Mort de ma vie ! y me traibouille sans dessus dessous. Je te l’ons déjà dit, ma petite sœur Tirelire épouse Poilu, ce bonhomme, dont on fait tout ce qu’on veut. Écoute, pour troubler la fête, quand tu verras ta maîtresse,


Fin de l’air : Pour voir un peu comment ça fera


Y enlève, y enlève-la,
Pour voir un peu comment ça fera.
lancette

A, a, a.


bébé

T’es donc décidé à suivre mes instructions ?


lancette, faisant un signe d’approbation

On, on.


bébé

Vela parler de ça. Mais pour ce qui est de ce que à l’égard de ton rival, rosse-le moi d’importance :


Air : Du haut en bas

Voir la partition
Informations sur cet air

Du haut en bas,
Y faut li frotter chaque épaule,
Du haut en bas
Rosse-le comme eun fier-à-bras\definition Fier-à-bras Terme populaire, qui se dit d’un fanfaron qui fait le brave et le furieux, et qui se veut faire craindre par ses menaces \acad 1762.
Pour moi, je dédaignons la gaule,
Et prétendons traiter le drôle
Du haut en bas.
lancette, sautant de joie

Ah ! ah ! ah !


bébé

Conte-moi donc de bout en bout comment tu vas t’y prendre... Mais est-ce que mon esprit tombe en syntecope, de vouloir discourir avec eun muet ? ? Jarni ! vit-on jamais eun soldat, eun militaire qui a servi dans les troupes de l’armée, ne parler pas pus que le cheval de bronze ? Ste personnage-là ne s’est jamais vu... qu’à l’Opira.


lancette

Ra, ra, ra.


bébé

Oh, tians, tu m’élugesOh, tians, tu m’éluges Éluger signifie \og Ennuyer, tracasser\fg en Normand. \JC, tu me fiches trop malheur avec tes i, on, a. Va-t-en préparer tous tes chenapans, et nous verrons biau jeu., tu me fiches trop malheur avec tes i, on, a. Va-t-en préparer tous tes chenapans, et nous verrons biau jeu.


\lancette[ sort en faisant des armes]

Eh ! oh ! ah !


Scène ii

Bébé seule

bébé

Adieu, personnage à voir sous le théâtre. Mais s’il ne parle non pus qu’une image, y n’a pas les doigts gourds. C’est tout fin juste, comme dit le proverbe : pus d’effets que de paroles.. En fabriquant ste enlèvement, y travaille pour ma personne. Je ne savons pas comme ça c’est fait, mais ste grand rôle de Castor m’a chiffonné tout le cœur, et malgré toutes les politesses dont j’ons usé en son endroit, ne s’avise-ti pas de parférer ma sœur Tirelire.


Air : Confiteor

Voir la partition
Informations sur cet air

Un simple garçon chapelier
Adoucit mon himeur trop fière.
Ose-t-on se mésallier
Quand on est riche harengère ?
J’éprouve encore la douceur
De me voir parférer ma sœur.

Dame, ça vous est ben triste pour eune aînée qui vous a du sens jusqu’au bout des doigts. Si je m’en croyais, j’arracherais à Castor les deux yeux de la tête... Ces yeux qui m’ont trapercé l’âme.


Air : Dans les gardes françaises


Castor ton cœur de roche
Est pus dur qu’eun caillou.
Si tôt que je m’approche,
Tu t’enfuis comme eun fou.
En vain je l’y reproche
Qu’y cause mon ennui.
Ses mains sont dans sa poche,
Quand je suis près de lui.

Je voyons là-bas ma sœur Tirelire qui viant ici en marchant à pas comptés. Ne nous montrons que pour faire eun vacarme de tous les diables.


Elle s’en va.

Scène iii

Tirelire seule

tirelire

Bon Dieu ! qu’il est cruel pour eune fille d’honneur de vous épouser eun vilain homme qu’alle n’aime pas ! stapendant ça vous arrive tous les jours. Poilu, mon futur, est maître chapelier, son frère n’est qu’eun chambrelan qui risque à toute minute d’être saisi oar les jurés. Mais ce n’est pas le tous les jours. Poilu, mon futur, est maître chapelier, son frère n’est qu’eun chambrelan qui risque à toute minute d’être saisi oar les jurés. Mais ce n’est pas le \emph quibus qui rend heureux dans le mariage, on s’en fiche comme de ça. D’ailleurs, je savons faire quelque chose de nos dix doigts, et je ne restons pas oisive sur une chaise. qui rend heureux dans le mariage, on s’en fiche comme de ça. D’ailleurs, je savons faire quelque chose de nos dix doigts, et je ne restons pas oisive sur une chaise.


Air : Vous m’entendez bien

Voir la partition
Écouter (midi) Voir la partition Informations sur cet air

On est de bons petits époux,
Et le dieu d’Hymen semble doux
Si la paix du ménage,
Eh ben ?
Est en votre partage,
Vous m’entendez ben...

Ou j’avons la berlue, ou je voyons mon cher Castor.


Scène iv

Tirelire, Castor mis à peu près comme le beau Léandre

castor

Votre serviteur, mon amante incomparable. Je m’en aperçois, tu es moins triste que moi : une fille est toujours bien aise d’être mariée.


tirelire

En vreté de Dieu ! Comme vous dites ça, mon petit poulet... Tians, vois-tu, je tâchons de prendre mon mal en patience.


castor

Comment se peut-il que vous vous décidiez à épouser mon frère, tandis que vous raffolez de ma personne ?


tirelire

Et toi, tu me laissez tranquillement épouser ton frère, tu te contentes de pleurer comme un viau, et de me dire par tendresse, en façon de galimatias :


Air : Réveillez-vous, belle endormie

Voir la partition
Informations sur cet air

Si j’ai trouvé cent fois la vie,
Dans tes yeux, maîtres de mon sort,
Quand l’espérance m’est ravie,
J’y trouverais cent fois la mort.
castor, d’un ton très comique

Hélas ! hélas !


tirelire

Mort de ma vie ! putôt que de te lamenter ni pus, ni moins qu’un amoureux transi, ne ferais-tu pas mieux de ficher le tour à ton frère, et de me...


castor

Tiens, vois-tu, mon frère et moi nous nous aimons tant que c’est merveille. Quand nous étions petits nous ne nous battions jamais pour nous disputer quelque friandises, et quand l’un des deux avait le fouet à l’école, l’autre se mettait aussitôt à crier de toutes ses forces. Puisque tu lui as donné dans l’œil, je dois te céder, quoiqu’en enrageant.


Air : Monsieur de Catinat

Voir la partition
Informations sur cet air

Vous épousez mon frère, et pourtant vous m’aimez,
Lorsque tous mes malheurs vont être confirmés.
Moi, je ne tâche point d’empêcher un hymen,
Qui me prépare, hélas ! le plus cruel chagrin.
tirelire

Air : Réveillez-vous, belle endormie

Voir la partition
Informations sur cet air

Si vous souffrez un mariage
Qui vous cause un mortel dépit,
C’est que vous manquez de courage,
Ou que vous avez peu d’esprit.
castor

Air : Adieu panier, vendanges sont faites

Voir la partition
Informations sur cet air

Je ne te conte plus fleurette,
Je renonce à ton bec mignon,
Et je dois dire avec raison :
Adieu panier, vendanges sont faites.
tirelire

Parle donc, eh, mon faraud ! Est-ce ti-là le langage d’eun amoureux ? On dirait ben putôt à t’entendre que t’est mon mari depis longtemps.


castor

Mais, puis-je, en conscience, couper les oreilles à mon frère ? D’ailleurs, il est mon aîné. Il est maître chapelier, sa boutique est bien achalandée. Ainsi, je vais me faire soldat.


Air : Adieu donc, Dame Françoise

Voir la partition
Informations sur cet air

Adieu donc, ma Tirelire,
Qui me mettais tout en feu.
Je puis t’en faire l’aveu,
Toujours pour toi je soupire.
Je vais me faire soldat,
Je vais me faire soldat,
Je le jure, Tirelire,
Par cette prise de tabac.
tirelire

Y faut avouer que t’as eune façon de consoler on ne peut pas pu agriable.


castor

Que veux-tu que je te dise ? je t’aime d’une manière inconcevable. Je t’adore, et je consens au bonheur de mon rival. Adieu, je pars, je suis parti.


Il fait quelques pas pour s’en aller.
tirelire, l’arrêtant

Tu mériterais ben que j’aimions de bonne-foi le chien de mari qu’on me force de prendre ni pus, ni moins qu’une médecine... mais non, je voulons suivre la mode établie.


Scène v

Les précédents, Poilu se cachant pour les observer

poilu, à part

Que disent-ils donc là ? Écoutons-les. Ils parlent assez haut pour être entendu.


castor

Quoi ! ma chère, ma tendre, ma divine Tirelire, tu m’adoreras toujours, quand tu seras la femme de mon frère Poilu ?


tirelire

Oui, mon charmant Castor, j’en sommes fâchée pour notre futur, mais, pardine, que n’imitait-y ton exemple, que ne se faisait-y aimer avant de songer au mariage ?


poilu, au fond du théâtre

J’entends-là de belles choses.


castor

Morbleu ! j’entre en fureur, quand je songe à l’heureuse félicité de mon frère...


tirelire

Air : À la façon de Barbari

Voir la partition
Informations sur cet air

Sois en sûr, y doit être heureux.
Je l’y serons firdèle.
Quand l’Hymen le rendra joyeux,
Je réponds de mon zèle,
Y sera mon petit mignon,
Et le pus aimé des maris,
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.
castor

Je suis dans un désespoir furieux... il faut que je t’embrasse pour la dernière fois. Aussi bien est-il temps que je m’aperçoive que je suis seul avec toi ?


tirelire

Oh, je le voulons ben. Je n’avons encore ni rien promis, ni rien juré à Monsieur mon futur.


Castor l’embrasse.
poilu, les prenant par la tête et les faisant embrasser de nouveau

Courage ! ne vous gênez pas.


tirelire

Ah ! bon dieu ! il arrive-là tout comme eun accident. Vela que j’allions perdre note honneur, qui nous a tant coûté à ertablir.


castor

Que veux-tu, ma chère, j’ai fait la sottise. J’ai oublié de parler bien bas, ou de voir si personne ne nous entendait... Que diable aussi, je crie à pleine tête.


poilu

Ah ! ah ! Mameselle Tirelire, comme vous y allez ! Pour agri de la sorte, vous deviez au moins attendre que vous fussiez ma femme.


Air : Ah, Maman, que je l’ai échappé belle


Par ma foi, je l’échappe bien belle !
Si j’avais toujours
Cru mes amours,
Mademoiselle,
Pour le coup vous m’en donniez dans l’aile.
Un moment plus tard
Que j’allais courir de hasard !
tirelire, embarrassée

Monsieur... vous savez... ou vous devez savoir, que les apparences sont queuque fois trompeuses.


poilu

Là, là, cessez de vous tant troubler. Et vous aussi, mon petit frère doucereux. Vous vous convenez l’un et l’autre. Eh bien, soyez satisfaits, je change tout-à-coup de façon de penser. Je consens que vous soyez unis, et je veux que les apprêts de ma noce servent dès aujourd’hui pour la votre. Mameselle Tirelire, j’arrangerai tout cela avec vos parents. il chante


Air : Mariez, mariez-moi

Voir la partition
Informations sur cet air

Mariez, mariez, mariez-vous,
Pour éteindre votre flamme.
Mariez, mariez, mariez-vous,
Votre feu sera plus doux.
tirelire

En verté, Monsieur Poilu, vous me causez eune surprise qui m’étonne étrangement. Vous me faites tomber en interdiction. Ce matin vous me vouliez pour votre femme, en dépit de tout ce qui pouvait vous en arriver, et à st’heure vous ne m’aimez pas pus que si j’étions eun de vos créanciers. Vous changez donc comme une girouette ?


poilu

Que voulez-vous ? je cherche à vous faire plaisir.


castor

Mais, mon frère, votre procédé n’est point du tout naturel.


poilu

Oh ! moi, je suis une bonne pâte d’homme : on fait de moi tout ce que l’on veut.


tirelire, à part

L’excellent mari que je perdons-là.


poilu

Allons, allons, vous serez marié ensemble. C’est une affaire décidée. On ne changera pas grand chose au contrat. Ma complaisance n’étonnera que ceux qui ne connaîtront pas ma façon de penser. J’aime tant mon cher frère Castor, que s’il le fallait, je m’élèverais en l’air pour lui, comme une fusée, et me jetterais la tête la première dans le feu.


castor

Eh bien... je veux aussi me piquer de


Tenez encor, mon drille,
Ste fleur, elle est pour vous.
La couleur de jonquille
Appartient aux époux.
poilu

Ce n’est plus à moi que vous devez présenter vos bouquets, c’est à mon frère à qui je viens de céder généreusement ma prétendue.


une bouquetière, offrant des fleurs à Castor
1

Air : Et flon, flon

Voir la partition
Informations sur cet air

Quand la rose te tente,
Ne crains point mon garçon,
Que l’épine piquante
Soit auprès du bouton.
Et flon, flon,
La liradondaine,
Et flon, flon,
La liradondon.
2
La fleur la moins jolie,
Devient chère au garçon,
Quand l’amour l’a cueillie,
Et qu’il en fait un don.
Et flon, flon,
La liradondaine,
Et flon, flon,
La liradondon.
3
à Tirelire
Si comme l’immortelle
Que voici, mon tendron,
La femme restait belle,
Quel bien pour Cupidon !
Et flon, flon,
Lalira dondaine,
Et flon, flon,
Lalira dondon.
4
Le jour du mariage,
On est gai comm’ pinson.
Bentôt on perd courage,
On n’dit pus la chanson.
Et flon, flon,
Lalira dondaine,
Et flon, flon,
Lalira dondon.
Danse des bouquetières, qui est interrompue par l’air de La petite poste de Paris que joue l’orchestre.
poilu

Que nous veut le père Tirepied ? Il a l’air aussi désespéré qu’un musicien qui a mis en chant un mauvais opéra.


Scène vi

Les précédents, un voisin

un voisin

Air : La petite poste de Paris


Ah ! mes voisins, ah ! mes voisins !
Armez-vous contre des faquins.
Ils vont venir jusques chez vous,
Afin de vous rouer de coups.
Pour cette extravagance-là,
Ils se règlent sur l’Opéra.

Quelle horrible grêle va fondre sur votre dos !


Air : Aux armes, camarades

Voir la partition
Informations sur cet air

Aux armes, camarades,
Croyez-moi, sauvez-vous.
Bébé va guider les coups.
poilu, à Castor
Aux armes, camarades.
appelant ses garçons
Mes garçons, vite, accourez tous.
definitacteur, garçons-chapeliers garconschapeliers
garconschapeliers, armés de gourdins
Aux armes, camarades,
Étrillons, assommons
Tous ces maudits fanfarons.

Scène vii

Les précédents, Bébé, Lancette, troupe de soldats et d’invalides plaisamment estropiés

Bébé, soldats, ensemble
Aux armes, camarades,
Éreintez, frappons, assommons.
un invalide
Gringole est en courroux Margot a vendu son cotillon
Arrêtons-nous un instant,
Je tremble, je tremble.
bébé
Et que crains-tu donc tant ?
Cognons-les ensemble.
tirelire, à Castor, voulant l’amener
Ma sœur est en courroux,
Castor, que t’en semble ?
Je crains les coups.
Combat pendant que l’orchestre joue l’ai Charivari, vaudeville de Ragonde. Les soldats jettent leurs épées, et fondent bravement à coups de poings sur les garçons chapeliers, et sur Castor et Poilu, qui les reçoivent à coups de bâtons et à coups de pieds au cul. Les invalides se servent de leurs béquilles pour se distinguer dans la bataille. Les bouquetières prennent le parti de Tirelire, et se jettent dans la mêlée. Une bouquetière, après avoir lutté contre Bébé, la poursuit jusques hors du théâtre. Castor est renversé par Lancette. L’orchestre cesse alors.
poilu, s’écriant

Miséricorde ! voilà mon pauvre frère tout en compote.il chante


Et à coups de pieds et à coups de poings,
Ils ont cassé sa gueule et sa mâchoire.
tirelire, tombant sur une borne

Ah ! bon dieu ! vela que je tombe en fayenceAh ! bon dieu ! vela que je tombe en fayence \emph Sic pour tomber en défaillance. \JC..


Elle s’évanouit.
poilu

Nous ne sommes pas les plus forts, allons chercher la garde.


Il sort avec tout son monde, qui se bat en retraite.

Scène viii

Tirelire évanouie, Lancette revenant sur ses pas

lancette, sautant de joie, quand il aperçoit Tirelire

E ! e ! e ! e !


Il la regarde avec complaisance, se jette à ses genoux, et lui fait ainsi sa déclaration, chose essentielle oubliée à l’Opéra. L’orchestre joue l’air des Trembleurs.
lancette, en baisant la main de Tirelire

I, i, i... oh ! oh ! ah ! ah !... u !


Il se dispose à enlever Tirelire, et fait quelques pas en la portant sur son dos.

Scène ix

Les précédents, Poilu, soldats du guet

poilu, arrêtant Lancette

Malheureux Lancette, chien de muet, tu vas être conduit au Fort l’Évèque.


On met les menottes à Lancette, et la garde l’amène. Poilu les suit.
poilu

Mameselle Tirelire commence à revenir. Il ne me reste plus qu’à envoyer bien vite du secours à mon frère. Je vais faire ensuite écrouer ce pendard de Lancette.


Il s’en va.
tirelire, reprenant l’usage de ses sens

D’où est-ce que je venons ?... sis-je Madame Lancette, Madame Castor, ou Madame Poilu ?... je sommes si troublée, qu’à peine pouvons-je ty reconnaitre... allons vite nous cacher, dans la crainte qu’on ne vienne encore nous enlever, ce qui est fort désagriable pour eune honnête fille.


Air : J’étais, j’étais perdue

Voir la partition
Informations sur cet air

Il était temps, par ma foi,
Si l’on ne m’eut secourue,
J’étions, j’étions, j’étions perdue.
Elle sort.

Scène x

Castor évanoui, deux garçons-chapeliers

premier garçon

Nous venons ramasser ce pauvre Monsieur Castor.


Air : Reçois, dans ton galetas

Voir la partition
Informations sur cet air

Nous avons poché ben des yeux,
Et brisé pus d’une côte.
Nous sommes victorieux.
Lancette comptait sans son hôte,
Et c’est ben avec raison.
Qu’on vous le renferme en prison,
Qu’on vous le renferme en prison.
deuxième garçon

Tiens, le voilà le frère de notre bourgeois. il lui crie aux oreilles Oh ! Monsieur Castor !... Il ne remue plus.


premier garçon

Nous avons à déchanter.


deuxième garçon

Regarde, il a un œil poché... pauvre jeune homme !


premier garçon

Est-ce qu’il aurait reçu, dans la mêlée, un passeport pour l’autre monde ?


deuxième garçon

En tout cas, mettons-le ici à l’air, sur ce vieux canapé qui est dans un coin de la boutique.


premier garçon

Tu as raison, je vais le chercher. C’est tout ce que nous avons le temps de trouver de plus commode, car il faut de la vraisemblance en toutes choses.


Il entre dans la boutique.
deuxième garçon

Que dira Mameselle Tirelire ? Cette pauvre amante va faire la désolée.


premier garçon, aidant à porter le canapé

Voilà le canapé, couchons-le dessus.


deuxième garçon, trouvant quelque chose sur le canapé

Vois donc ce [que] tu as apporté-là ?


premier garçon

Oh ! oh ! c’est la lampe de notre boutique.


deuxième garçon

Il me vient une idée, il faut la laisser auprès de défunt Castor afin d’éclairer son ombre, si, par hasard, elle voulait revenir. Cours l’allumer.


premier garçon

Oh ! tu penses comme un auteur de l’Arcadie. Que ça va faire un beau jour bien sombre !


Il allume la lampe.
deuxième garçon

Couvrons-le maintenant de cette toile, et allons avertir que le pauvre Castor est occis.


Air : La Palice est mort


C’en est donc fait de Castor,
Et sa carrière est finie !
premier garçon
Hélas ! s’il n’était pas mort,
Il serait encore en vie.
Ils sortent en répétant ces deux derniers vers. Le théâtre n’est éclairé que pa la lueur de la lampe.

Scène xi

Tirelire en grand deuil, Castor sur le canapé

tirelire

Air : Pendus

Voir la partition
Informations sur cet air

Tristes apprêts, pâle flambeau,
Astre lugubre du tombeau.
Votre clarté convient, sans doute,
À quiconque ne veut voir goutte.
Soleil, tu n’as plus rien de biau,
Je vons habiter un caviau.

Hélas ! que n’avons-je un petit doigt de Brandevin à cerfin de me remettre le cœur !


Air : Robin turelure

Voir la partition
Informations sur cet air

Quoi ! mon cher amant est mort !
Ah ! quelle déconfiture !
J’ons donc fait avec Castor,
Turelure,
Un mariage en peinture,
Robin turelure.

Scène xii

Tirelire, les jurés-crieurs en longs manteaux de deuil

tirelire

Je voyons les jurés-crieurs. Y venons déjà se préparer... Ah !... je sommes dans une affriction...


definitacteur, un juré-crieur unjurecrieur
unjurecrieur

Camarades, il faut ici exercer nos poumons pour le convoi de feu Castor. Voyons si vous criez de bonne grâce.


definitacteur, les jurés-crieurs lesjurescrieurs
lesjurescrieurs

Air : Ah ! Madame Anroux

Voir la partition
Informations sur cet air

Ah ! comme des fous,
Amis, pleurons tous.
Chantons sa mémoire,
Crions tous plus fort.
Il est mort sans gloire :
Ah ! quel triste sort !
unjurecrieur

À présent, un ton plus bas.


lesjurescrieurs

Air : Grégoire est mort


Castor est mort,
Il a grand tort.
Subitement il trépassa,
Pour nous fournir un opéra.
unjurecrieur

C’est à merveille. Vous remplissez fort bien votre office de juré-crieur. Allons, maintenant, distribuer des crêpes, des manteaux à tous les gens du convoi. à Tirelire Vous êtes, sans doute, la sœur ou la femme du pauvre défunt ?


tirelire

Que veut don dire ste figure de trépassé ? Je ne sommes que sa prétendue.


unjurecrieur

Est-ce que vous êtes folles, Mameselle, de vous équiper de la sorte, puisque ce pauvre défunt Castor ne vous était encore rien ? Ignorez-vous qu’il ne vous convenait de prendre le deuil que de votre mari ou d’un parent ?


tirelire

Tais-toi, philosophe de Montmartre. Vela déjà deux hommes qui me sont enlevés lorsqu’ils allions être mon bien conjugal. J’ons voulu avoir la consolation de jouer, du moins, le rôle de veuve.


Scène xiii

Les précédents, Poilu, Jupin\footnote Le personnage de Jupin doit être représenté par Arlequin. Il est habillé grotesquement, à peu près comme on dépeint le gros Thomas.

poilu, aux crieurs

Retirez-vous, troupe lugubre, mon père Jupin, ce fameux charlatan que voilà, va peut-être ressusciter mon frère.


lesjurescrieurs, sortent en répétant
Castor est mort,
Il a grand tort, etc.

Scène xiv

Castor évanoui, Poilu, Jupin, Tirelire

poilu

Rangez-vous, place ! que tout tremble à l’aspect d’un médecin qui expédie ses malades en moins de vingt-quatre heures... Fuyez et frémissez, cacochymes mortels... et frémissons nous-mêmes.


jupin

Tu as bien choisi ton moment pour venir me chercher, j’allais monter sur mes tréteaux pour distribuer mon orviétan. Et une fois que je suis sur le trône de ma gloire, c’est le diable pour m’en faire descendre. Mais hâtons-nous de voir s’il y a moyen de le rappeler à la vie.


Il va tâter le pouls de Castor en faisant plusieurs lazzi.
tirelire

Mon biau-père futur, que ne venez que quand votre fils est trépassé, tandis qu’en vous montrant à propos, vous auriez pu l’empêcher d’être assommé. Si vous parachevez ste cure merveilleuse, vous passerez pour le meilleux charlatan qu’il y ait dans tout Paris, où il y en a un si grand nombre. Pour moi, j’en serais enchanté. Je n’étailerai point ici de grands sentiments, qui seraient d’ailleurs fort inutiles. Il est tout simple que j’aime mon frère, malgré ce qu’on voit quelquefois.


jupin, après avoir examiné Castor, à part

Bon ! il n’est qu’évanoui. Haut. Vous allez connaître l’excellence de ma poudre. Je suis certain de le ressusciter. Mais j’ai bien fait d’autres cures ! Entr’autres, j’ai guéri un Allemand qui ne pouvait plus boire de vin, j’ai rendu aimable un vieillard cacochyme qui plaisait aux femmes par son seul mérite, j’ai ôté à un jeune abbé la démangeaison de débiter des fleurettes par le moyen d’un certain baume que je donne à plusieurs poètes, je suis cause que les pièces nouvelles qu’on donne depuis un an à Paris sont toutes excellentes. Enfin, je suis parvenu à dissiper radicalement l’amour-propre des auteurs.


tirelire, à Poilu

Ah ! le grand homme !


jupin

Castor et Poilu, mes petits jumeaux, me seront toujours chers. J’ai tant aimé leur mère, Mademoiselle Léda ou Dada ! c’était une vertu dragonne. J’eus diantrement de la peine à la mettre à la raison, moi qui suis un compère qui en ai déniché plus d’une. Savez-vous comment je m’y pris pour plaire à cette beauté cruelle ? Comme elle avait un grand faible pour les oiseaux de sa basse-cour, je m’avisai un soir de m’équiper à peu près comme un dindon. J’imitais si bien les piou, piou des ces excellent animaux qu’elle accourut, croyant que l’un d’eux lui demandait à manger. Mon déguisement l’attendrit, et elle devint pour moi une jolie petite poule.


Air : Ô gué lanla

Voir la partition
Informations sur cet air

Amoureux de la belle,
J’usais, vraiment,
D’une ruse nouvelle,
D’un tour charmant.
Je sus m’habiller en dindon,
Et j’en pris le ton
Pour vaincre Léda,
Ô gué lanla lanlaire,
Ô gué lanla.
tirelire

Vous êtes eun peu bavard, Monsieur Jupin. Songez qu’il s’agit de ressusciter votre fils Castor.


jupin

Vous faites bien de m’en faire ressouvenir. Oui, il n’y a pas de temps à perdre. Il serait ridicule de nous amuser ici à chanter ou à danser.


poilu

Allez donc vite au fait, mon petit papa.


jupin

Oh, ça, il est bon de lui ouvrir la veine jugulaire. il tire une lancette\definition Lancette Instrument de chirurgie servant à ouvrir la veine, à percer un abcès \acad 1694 énorme Il y a fracture dans l’os du tibia. Je pense qu’il sera nécessaire d’y faire une incision cruciale et de scier l’omoplate... Morbleu ! il a quatre dents de moins, et deux côtes enfoncées.


tirelire

Je ne saurions être témoin de toutes ces opérations, moi qui ne peux tant seulement, sans m’évanouir, voir couler le sang d’un poulet. elle chante en sortant


Y vaut mieux que je me retire,
Talaleri, talalerire.

Scène xv

Jupin, Poilu, Castor évanoui

jupin

Quand il aura repris connaissance, [il] faudra lui faire avaler... J’ai là justement des bols qui n’ont chacun que trois bouchées. C’est un remède à la mode.


Il tire de sa poche quelques bols aussi gros que des savonnettes.
poilu

Ô ciel ! que voilà d’énormes pilules !


jupin

Bon ! j’en fais avaler de pareilles à bien des gens qui, tous les jours, font la petite bouche.


poilu

Mon papa, dépêchez-vous donc.


jupin

Apprends qu’il est plus aisé aux chirurgiens et aux médecins de tuer un malade que de le guérir... J’ai peine à changer la méthode. Cependant, procédons.


poilu

Qu’avez-vous, mon papa ? Vous vous grattez l’oreille.


jupin

J’ai voulu te cacher ton sort. Si je guéris ton frère, il faudra que tu sois malade à sa place.


poilu

Quel conte vous me débitez-là !


jupin

Rien de plus vrai. Il faut que quelqu’un de notre famille soit pendant six mois lunatique, hydropique, etc.


Air : Non, je ne ferai pas [ce qu’on veut que je fasse]

Voir la partition
Informations sur cet air

j’ai voulu te cacher le sort qui te menace.
Si je guéris ton frère, il faut prendre sa place.
Tu seras à ton tour malade dans son lit,
Chacun, pendant six mois, vous serez décrépit.
poilu

Tirelire sera donc veuve pendant six mois de l’année ? Que de femmes voudraient avoir un pareil sort !


jupin

Veux-tu que je t’envoie la fièvre, la pleurésie, et les autres bagatelles semblables qui empêchent ton frère de donner des signes de vie ?


poilu

Quelle chienne de cure vous allez faire ! Vous n’êtes qu’un médecin de bale.


jupin

Je ne puis rien changer aux décrets de la Faculté. Il nous faut quelques morts pour un malade que nous guérissons.


poilu

Oh bien, je consens à partager les maladies de mon frère, c’est une bagatelle que ça.


jupin

À la bonne heure... Écoute, je suis content de ta résignation. Apprends que tout ce que je viens de te dire n’était qu’une plaisanterie pour t’éprouver, et pour faire durer la pièce plus longtemps.


poilu

Ouf ! vous m’avez fait une belle peur.


jupin

Procédons à la guérison du mort-vivant. Tiens, je prends une pincée de ma poudre, et je la fais renifler au malade trépassé. lazzi.


Air : Ah ! le bel oiseau, maman

Voir la partition
Informations sur cet air

Vois quel remède excellent
Je viens de mettre en usage.
Vois quel remède excellent,
Il guérit un mort-vivant.

Air : Tourloribo


Bon ! le voilà qui soupire.
poilu
Oh ! oh ! tourloribo !
castor, commençant à revenir à lui
Bon, je sens que je respire.
Jupin et Poilu, ensemble
Oh ! oh ! tourloribo !
castor, tout-à-fait rétabli
Je n’étais mort que pour rire.
Tous les trois, ensemble
Oh ! oh ! tourloribo !
poilu

Maintenant, je n’aurais plus rien à désirer, si mon cher frère était maître chapelier, ainsi que moi.


jupin, à Castor

Mon fils, Castor, les jurés savent que tu travailles quelquefois en chambre, et ont résolu de te saisir. Ils se proposent même de te mettre en prison.


castor

Il valait bien la peine de me rappeler à la vie pour m’apprendre des nouvelles aussi désagréables.


jupin

Il est fâcheux que tu ne sois pas aussi riche que ton frère Poilu. Tu n’es qu’un pauvre cadet, car tu es venu au monde le dernier.


poilu

Je vais voir les jurés et tâcher de les fléchir. Mais il me paraît que tu as tout à craindre.


jupin

En même temps, nous dirons à ta maîtresse que tu n’es plus mort.


castor

Envoyez-la moi bien vite, je vous prie, afin que je me croie tout-à-fait ressuscité.


jupin

Air : Tourloribo


Quel plaisir pour Tirelire !
castor, tristement
Oh ! oh ! tourloribo !
poilu
Courrons vite l’en instruire.
castor
Oh ! oh ! tourloribo !
Jupin et Poilu en sortant, ensemble
Pour terminer son martyre.
castor, encore plus froidement
Oh ! oh ! tourloribo.
Poilu et Jupin sortent.

Scène xvi

Castor seul

castor

Je crains à tout moment de voir fondre sur moi les jurés.


Air : Pèlerins

Voir la partition
Informations sur cet air

Ah ! je touche peut-être à l’heure
Que des bourreaux,
Vont me préparer pour demeure
D’affreux cachots.
L’enfer habité par Pluton
Est sur la terre.
On le voit dans chaque prison,
Et l’on y voit Cerbère.

Air : Laire lan laire

Voir la partition
Informations sur cet air

Il faut pourtant prendre un parti.
Ils en auront le démenti.
Je vais m’embarquer pour Nanterre,
Laire la,
Laire lan laire,
Laire la,
Laire lan la.

Ma foi, plutôt que de me laisser mettre la main sur le collet, je vais partir sans tambour ni trompette... Mais pourrai-je m’éloigner de ma Tirelire ?... Hélas ! n’en serais-je pas séparé si l’on me loge par force dans quelque maison royale ?


Scène xvii

Tirelire, Castor

tirelire, chante en entrant

Air : Le cœur de mon Annette


coupletvaud 0
5
De Castor je sis folle,
Il est mon petit Roi.
Je pardons la parole,
Tout drès que je le voi.
Eh, mais oui-da,
Comment peut-on trouver du mal à ça ?bis
6
Le plaisir à sa vue,
M’empêche de jaser.
La voix ne m’est rendue
Que par eun doux baiser.
Eh, mais oui-da,
Comment peut-on trouver du mal à ça ?bis
castor

Hélas ! que je suis à plaindre !


tirelire

Pour le coup, voici le jour de nos épousailles. Qui peut croire encore te chiffonner malheureux ?


castor

En t’apprenant ce qui me désole, je crains de t’affliger.


tirelire

T’es comme eun oiseau de mauvais augure : t’as toujours de fichues nouvelles à me dire.


castor

Il faut que je quitte le pays.


Air : Turlurette

Voir la partition
Informations sur cet air

À l’honneur de vous revoir,
Je vous donne le bon soir.
Je vous quitte et vous regrette,
Turlurette !
Ma tanturlurette !
tirelire

T’as eune singulière manigance. Tu ne m’approches que pour me dire adieu. Jarni ! J’ons ben mal rencontré quand je t’ons donné la parférence.


Air : V’la ce que c’est que d’aller au bois

Voir la partition
Informations sur cet air

V’la c’que c’est qu’de faire un choix.
On s’prend pour eun biau minois.
Mais souvent on s’en mord les doigts.
Moi qui voudrait rire,
Toujours y soupire.
Et v’la c’que c’est qu’de faire eun choix.
Eun seul amant en vaut-il trois ?
castor

Mais je t’aime comme cinquante ! et je devrais être déjà bien loin de toi.


tirelire

Ne songe qu’à rire, qu’à boire, qu’à danser. Voici le jour de nos noces.


Air : Boire à son tour

Voir la partition
Informations sur cet air

Castor dans ce biau jour
Tu dois prendre courage.
C’est celui que l’amour
Destine au mariage.
Avec ardeur
À mon vainqueur
J’offre mon cœur.
castor

Je n’ai que trop resté avec toi. Adieu, ma Tirelire. Je vais déloger sans trompette.


On entend un grand bruit.
tirelire

Que signifie ce tintamarre ?


castor

Air : Folies d’Espagne

Voir la partition
Informations sur cet air

Ah ! dans ces lieux les jurés vont se rendre.
Pauvre Castor, te voilà donc perdu !
La prison s’ouvre et je vais y descendre.
Oui, c’en est fait, et j’ai trop attendu.

Scène xviii

Les précédents, Poilu

poilu

Rassure-toi, mon frère. Je viens de t’acheter la maîtrise, dont le prix est diminué des trois-quarts, grâce à la bonté du Roi. Les jurés se préparent à te recevoir. Le bruit que tu as entendu provenait d’une saisie qu’ils ont faite ici-près, chez un garçon chambrelan qui ne voulait absolument rien payer, ce qui n’est pas juste.


Scène xix

Les précédents, Bébé

bébé, à Castor

Eh ben, bel amoureux de sucre, qui pour moi n’est que du chicotin, tu prétends donc toujours dédaigner mes appas ?


Air : Trembleurs

Voir la partition
Informations sur cet air

Parles, réponds-moi, grand drille,
Quoi ! ne suis-je pas gentille,
Et me croirais-tu donc fille
À supporter un affront ?
Il faut que je te chamaille,
Ou bien fait notre épousaille.
Oui, je prétends, tout coup vaille,
Décorer ton joli front.

Te laisses-tu attendrir à la parfin, cher ingrat ?


castor

Demandez-le à votre sœur.


bébé

Cadet, j’en aurai raison. J’en jurons par mon baquet. Malgré les cruautés de ce visage de papier mâché, de stamoureux de nouvelle fabrique, je n’ons point été assez abandonnée pour me tuer ou me jeter dans la rivière.


poilu

Et vous avez bien fait.


bébé

Je vons de nouveau entrer en fureur. Il me faut un mari, et si je n’avons Castor, je lui arracherons les yeux, les oreilles, les... Ne m’échauffez pas davantage, il sera mon hom’, pour que j’ayons le plaisir de le faire enrager.


Air : Vraiment, ma commère, oui

Voir la partition
Informations sur cet air

coupletvaud 0
7
De moi l’on se moque ici ?
tous ensemble, ensemble
Vraiment, ma commère, oui.
bébé
Méprise-t-on ma colère ?
tous ensemble, ensemble
Vraiment, ma commère, voire.
8
bébé
C’est qu’il me faut un mari.
tous ensemble, ensemble
Vraiment, ma commère, oui.
bébé
Un homme m’est nécessaire.
tous ensemble, ensemble
Vraiment, ma commère, voire.
poilu

Écoutez, la commère Bébé, quoique vous soyez une méchante femme, je vous épouse, moi, afin que vous laissiez mon frère en repos.


bébé

Touchez-là, Monsieur Poilu. Dans un temps où les marsouins commencent à devenir rares, vous pourrez en augmenter la race.


Air qui annonce l’arrivée des maîtres, des garçons chapelier et des harengères.

Scène xx

Castor, Poilu, Tirelire, Bébé, Jupin, chapeliers et harengères

jupin

Ne songeons qu’à nous réjouir.


Air : Ma commère, quand je danse

Voir la partition
Informations sur cet air

Mes enfants, entrez en danse,
Allons, trémoussez-vous bien.
Sautez par-ci,
Sautez par-là.
poilu

Je partage mon fond avec Castor.


Air : Folies d’Espagne

Voir la partition
Informations sur cet air

Quand il aura resté dans la boutique,
Le lendemain, à moi sera mon jour.
Ainsi, tous deux attirant la pratique,
Nous paraîtrons chacun à notre tour.

Et de deux jours l’un nous irons nous promener. il chante


Chacun à son tour,
Liron lirette,
Chacun à son tour.
jupin

Écoutez-moi tous, je vais prononcer un oracle.


tous les acteurs, ensemble

Voyons, voyons, ça doit être beau.


bébé

Diable, un oracle, c’est tout comme qui dirait une chanson de l’Opira.


jupin

Vous tairez-vous pour que je parle ? il tousse, crache, etc. La nécromancie que je professe quelquefois m’apprend que Castor aura un jour la gloire que les meilleurs chapeaux porteront son nom.


poilu

Peste, quel honneur pour Castor !


vaudeville

Air : Chantons Letamini


bébé
Le mari qui s’absente
Est un charmant trésor.
Sa femme en est contente,
Et bien d’autres encor.
Vive un pareil Castor !
chœur
Vive un pareil Castor !
tirelire
J’espère de mon homme
Voir durer le transport.
On part, et pis en somme
L’amour en est plus fort.
Vive un pareil Castor !
chœur
Vive un pareil Castor !
jupin
Quand un mari facile,
Voit quelque matador
Couvrir son front docile
Avec un rameau d’or,
Vive un pareil Castor !
chœur
Vive un pareil Castor !
poilu
Le panache que donne
L’Hymen par son accord,
N’est point vu de personne,
Grâce aux arrêts du sort.
Vive un pareil Castor !
chœur
Vive un pareil Castor !
castor, au public
Moi, la gaité m’inspire,
Le plaisir est mon fort.
J’aime à vous faire rire,
Et crois n’avoir pas tort.
Vive un pareil Castor !
chœur
Vive un pareil Castor !
castor
Si cette bagatelle
Arrivait à bon port,
Nous dirions, pleins de zèle,
Dans notre heureux transport :
Vive un pareil Castor !
chœur
Vive un pareil Castor !
Fin

Theaville » Les pièces » Afficher